Valériane Vukosavljević : « Mon retour à Prague ? Un choix sportif et familial »
Avec son club de l’USK Prague, la Française Valériane Vukosavljević disputera, du vendredi 14 au dimanche 16 avril, le Final Four de l’Euroligue de basket. Huit ans après leur premier et unique sacre européen, les Pragoises auront de nouveau l’avantage d’accueillir le tournoi final qui rassemble les quatre demi-finalistes de la plus prestigieuse des compétitions continentales de clubs. Avant de disputer une place en finale aux Turques de Mersin ce vendredi, l’ailière française (médaillée de bronze aux derrniers Jeux olympiques et vice-championne d’Europe en titre avec les Bleues) s’est confiée au micro de Radio Prague International :
« C’est bien sûr un événement qui, plus il approche, plus on l'appréhende avec un sentiment croissant d'excitation. C’est le moment le plus attendu de la saison, tout simplement, au bout de beaucoup de matchs et de beaucoup de longs déplacements. Nous sommes fières d’être arrivées jusqu’à ce stade de la compétition, mais nous savons aussi que ce n’est que le début du chemin qui mène au titre. »
Quand on est dans un club comme l’USK Prague, qui domine outrageusement la compétition nationale, l’Euroligue, compétition que le club a déjà gagnée une fois en 2015, est vraiment LE grand objectif. Dans quel état d’esprit abordez-vous donc ce Final Four ?
« L’Eurologie est quelque chose qui se construit par étapes. Le premier objectif en début de saison était déjà de sortir de la phase de groupes en finissant le mieux placé possible. Nous y sommes parvenues et cela nous a permis de bénéficier de l’avantage du terrain pour les quarts de finale. Le deuxième objectif était donc d’atteindre le Final Four, et maintenant que nous y sommes, le troisième et dernier objectif est bien évidemment de le gagner. C’est aussi l’objectif des trois autres équipes qui participent aux demi-finales (l’autre match opposera les Turques de Fenerbahçe aux Italiennes de Schio vendredi après-midi, avant les deux finales prévues dimanche), mais nous serons à domicile comme en 2015... »
Deux club turcs sont présents en demi-finales, mais cette Euroligue est d’abord marquée par l’absence des clubs russes en raison de la guerre en Ukraine et de leur exclusion des compétitions internationales. Les clubs russes dominaient la compétition ces dernières années, tant économiquement que sportivement. Qu’est-ce que leur absence a donc changé pour la compétition ?
« Cela a permis de redistribuer les cartes dans le sens où, désormais, toutes les équipes ont plus de chances de gagner. Cela était déjà possible auparavant, mais il fallait que vous soyez dans un très bon jour et les Russes, elles, dans un mauvais... La compétition est beaucoup plus équilibrée. Toutes les équipes ont perdu au moins une fois cette saison et comme le prouve aussi la victoire finale des Hongroises de Sopron la saison dernière qui n’étaient pas attendues et ont déjoué tous les pronostics, la compétition est plus ouverte. Les clubs russes ne dominent plus autant, donc je trouve cela plutôt positif. »
Les Jeux olympiques se tiendront à Paris à la fin de la saison prochaine. Vous jouez actuellement dans un pays dont le gouvernement soutient beaucoup l’Ukraine et qui s’est clairement prononcé contre la réintégration des sportifs russes dans le concert du sport international. En France, on pose un regard différent sur la Russie. En tant que sportive et pratiquante d’un sport, le basket, où la Russie joue traditionnellement un rôle fort, quel est votre avis sur cette question ?
« Je n’ai pas forcément d’avis sur cette question, car elle va au-delà du sport. En tant qu’athlète, je préfère évidemment jouer contre les meilleurs. Mais c’est un dossier qui me dépasse et nous dépasse. Je ferai ce que l’on me dira de faire et je jouerai contre qui l’on me dira de jouer. Donc, oui, la sportive que je suis a envie d’affronter les meilleures équipes, mais je sais qu’il y a aussi des choses où mon opinion n’a aucune importance. »
Vous aviez déjà passé deux saisons à l’USK Prague entre 2018 et 2020. Vous y êtes revenue en début de saison après deux saisons à Basket Landes dans le championnat de France. Pourquoi donc ?
« D’abord parce que je suis partie de Prague en 2020, il devait y avoir les JO. Les dirigeants pragois m’ont alors proposé une prolongation de contrat que j’ai refusée car j’avais un projet de grossesse après les JO. Mais la pandémie de Covid-19 et le report des Jeux ont modifié mes plans. C’est comme ça que j’ai repris en France. Mais au bout de ce contrat, quand Prague m’a recontactée, je n’ai pas hésité, parce que la première fois s’était vraiment très bien passée. J’étais aussi un peu restée sur un sentiment d’inaccompli en 2019-2020. Nous faisions alors une très bonne saison et la pandémie nous avait coupées dans notre élan. C’est donc aussi pourquoi j’avais envie de revenir. Le club, la ville, les joueuses, la coach... Tous les éléments étaient réunis pour je m’épanouisse ici en tant que joueuse mais aussi en tant que maman d’une petite fille. »
Ce retour à Prague est donc une décision à la fois sportive et familiale ?
« Complètement. J’avais la possibilité de resigner en France. Mais les déplacements là-bas, cela signifie souvent partir la veille du match et en revenir le lendemain. Ici en République tchèque, vous partez à 14h00 et à 20h00 vous êtes rentrés à la maison... Le fait de savoir que j’allais pouvoir passer beaucoup de temps avec ma fille, qui est encore très petite, a été un élément décisif. »
« Mais niveau sportif, les objectifs étaient moindres en France aussi, où il s’agissait plutôt de se qualifier pour les quarts de finale. À Prague, c’est clairement de gagner l’Euroligue, donc quand on a de l’ambition, on préfère forcément aller chez les meilleurs. »
Dans quelle mesure est-il difficile aujourd’hui pour une sportive de concilier carrière sportive et maternité ?
« Il y a évidemment encore beaucoup de travail, mais pour être en contact par exemple avec Amel Majri, la joueuse de l’équipe de France de football, je sais qu’elle était très heureuse d’avoir pu emmener sa petite fille au dernier rassemblement. Elle trouvait même ça incroyable. C’est une énorme différence pour les joueuses. »
« Personnellement, j’ai eu aussi cette chance en équipe de France, mais c’est un élément qui est sous-estimé d’un point de vue psychologique. Il faut donc continuer à pousser les portes qui s’entrouvent pour que l’on puisse aménager les choses du mieux possible et ainsi mettre les structures et les moyens en place. Je suis consciente que ce n’est pas toujours simple, mais si cela fonctionne chez d’autres, il n’y a pas de raison que cela ne soit pas possible chez nous. »
À Prague, on vous voit souvent avec votre petite fille dans les bras sur le parquet à la fin des matchs. Est-elle devenue la mascotte de l’équipe ?
« Je suis la seule maman de l’équipe et c’est vrai que c’est elle qui en est la star ! Je remercie régulièrement mes coéquipières et le staff technique parce qu’ils sont particulièrement bienveillants avec elle et c’est important pour moi de savoir que nous sommes acceptées en tant que mère et fille. »
« Ils comprennent aussi quand il y a des matins où j’arrive un peu fatiguée à l’entraînement. Vraiment, tout se passe très bien. En France, j’avais demandé ce qu’il était possible de faire par exemple lors des longs déplacements en bus et on m’avait fait comprendre qu’il n’était pas possible que ma fille m’accompagne. Ici, elle peut faire le voyage et même partager ma chambre avec moi. »
« C’est une approche différente, mais je dirais que cela dépend plus des gens que des pays. À Basket Landes, par exemple, il n’y avait aucun problème non plus. Mais s’il y a des discours qui vous repoussent en tant que mère, alors vous n’aurez pas envie de jouer pour le club. C’est assez simple. »
Comment envisagez-vous la suite de votre aventure à Prague, surtout dans la perspective des JO de Paris qui seront le grand rendez-vous à ne pas manquer pour tous les sportifs français ?
« Il me reste une année de contrat à Prague, ce qui me permettra de penser aux JO assez sereinement. Mais avant cela il y aura le championnat d’Europe cet été, puis quelques semaines de vacances qui seront importantes aussi pour bien récupérer avant une saison prochaine qui sera longue et intense. Et pour ce qui est de l’après-JO, on verra ce que l’avenir nous réserve... »
Vous formez un couple international avec votre mari serbe. Envisagez-vous de vous inscrire dans la durée à Prague ?
« Nous apprécions la vie en République tchèque avec une culture un peu plus proche de la culture serbe, que j’adore. Prague est devenu notre ville européenne préférée et, oui, on envisage d’investir pour y avoir un appartement ou un pied-à-terre. Cela dépendra de la la suite de ma carrière, mais ce qui est sûr, c’est que lorsque mon deuxième contrat s’achèevra la saison prochaine, cela fera déjà quatre belles années que nous aurons passées ici. Et puis, entre la Serbie et la France, Prague peut aussi être un bon compromis. »
Valériane, on se retrouve dimanche soir après la finale, le trophée de l’Euroligue et votre petite fille dans les bras ?
« Avec plaisir, je prend rendez-vous ! Ce serait le rêve, l’accomplissement de cette saison, mais je ne m’autorise pas trop à y penser tellement ce serait incroyable... »