Violences faites aux femmes : Prague va ratifier la Convention d’Istanbul

Photo illustrative: Kristýna Maková

Le gouvernement tchèque a annoncé ce lundi que Prague ratifierait la Convention d’Istanbul, un traité sur la prévention et la lutte contre les violences faites aux femmes, adopté dans le cadre du Conseil de l’Europe en 2011. Avec la Lettonie et la Bulgarie, la Tchéquie est le dernier pays de l’UE à ne pas encore avoir ratifié le document. Pour en parler, Radio Prague a contacté Hana Stelzerová, coordinatrice au sein du Lobby tchèque des femmes (Česká ženská lobby).

Hana Stelzerová,  photo: Site officiel de Česká ženská lobby
« L’objectif de la Convention est de protéger les femmes de toute forme de violence ainsi que de parvenir à un soutien en termes de poursuites judiciaires et de suivi face à ces violences. Elle doit aussi contribuer à éliminer toute forme de discrimination à l’égard des femmes. Il s’agit de la nécessité de mettre en place, en plus de la protection policière et judiciaire des femmes, un service spécialisé de soutien pour les victimes de violences, de leur assurer une aide médicale adaptée au caractère sensible de cette thématique. Par exemple, comme cela concerne des femmes, il est souvent profitable que les victimes soient aidées par des femmes. Un autre objectif est de faire en sorte que cette aide soit accessible, dans les régions, avec un numéro vert fonctionnant pour toute la République tchèque. Cette Convention envisage donc la lutte contre les violences faites aux femmes telle qu’elle devrait être opérée dans sa complexité partout en Tchéquie ou dans tel autre Etat. Elle doit également faciliter la coopération internationale entre les Etats. »

Mais il en aura fallu du temps pour que la République tchèque annonce qu’elle va rejoindre le groupe de 39 pays, sur les 47 Etats membres du Conseil de l’Europe, qui ont déjà signé ou ratifié la Convention, laquelle est entrée en application en août 2014. Officiellement, le ministère de la Justice devait préalablement réaliser un rapport sur l’impact du texte sur la juridiction tchèque. Pour Hana Stelzerová, cette analyse aurait pu être élaborée bien plus rapidement et la façon dont Prague a traîné les pieds dénoterait surtout un manque de volonté politique. D’où l’initiative de différentes associations tchèques de défense des droits des femmes de lancer une pétition à la mi-janvier de cette année afin que le gouvernement tchèque se mette en mouvement sur le sujet.

L’appel a visiblement été entendu, en tous les cas du côté du ministre en charge des droits de l’homme, le social-démocrate Jiří Dienstbier, qui a annoncé via twitter la décision de signer le traité. En conseil des ministres, le vote n’a cependant pas été unanime, le ministre de l’Agriculture, Marian Jurečka, et le vice-premier ministre, Pavel Bělobrádek, tous deux chrétiens-démocrates, ayant décidé de s’opposer à un texte qui, selon ce dernier, n’apporterait aucun instrument nouveau pour faire face aux violences domestiques. Ce n’est évidemment pas l’avis de Hana Stelzerová :

Photo illustrative: Kristýna Maková
« Cette Convention a un réel impact concrètement dans les régions, partout en République tchèque. Selon le ministère de la Justice, nous disposons déjà d’un cadre juridique en accord avec le texte qui concerne les violences domestiques, les violences faites aux femmes. Mais il manque l’étape suivante, à savoir comment assurer la sécurité de ces femmes, comment travailler avec les victimes, comment travailler avec les auteurs des violences. Il s’agit aussi de travailler avec eux pour qu’ils ne réitèrent pas leurs actes de violence. Dans ce cadre, la Convention apporte toute une série de dispositions sur la façon de travailler sur les violences faites aux femmes et sur la façon d’améliorer la situation en République tchèque. »

Une situation qui est préoccupante explique Hana Stelzerová, d’autant plus que la problématique est peu discutée car toujours pour le moins taboue selon elle :

« Il se dit qu’un tiers des femmes font l’expérience de la violence domestique, dont la définition comprend différentes agressions, dont entre autres les violences sexuelles. La situation en République tchèque est relativement sérieuse, pourtant on en parle très peu. Il n’y a pas de données concrètes. Les chiffres réels sont bien plus élevés que le nombre d’actes relevés par la police, justement du fait que le sujet reste tabou. Vis-à-vis des violences sur les femmes, dans notre société, il y a une tendance à la victimisation des femmes, qui fait qu’elles ont ensuite peur de parler autour d’elle des violences qu’elles subissent. »

Le gouvernement tchèque entend d’abord apporter quelques ajustements à la législation tchèque avant de signer un traité que le Parlement tchèque devra ensuite ratifier avant le 30 juin 2018.