Vivendi/Editis : « Impressionnant de voir la façon dont Daniel Křetínský bouge ses pions en France »
Publiée initialement dans Le Figaro lundi, la nouvelle de l’arrivée potentielle du groupe du milliardaire tchèque sur le marché de l’édition français ne passe pas inaperçue.
« A la suite du Conseil de surveillance qui s’est tenu le 8 mars dernier, Vivendi annonce avoir reçu plusieurs offres pour la cession de l’intégralité du capital d’Editis. Après examen de ces offres, le Directoire de Vivendi a décidé d’entrer en négociations exclusives avec International Media Invest a.s. (IMI), filiale de la holding tchèque CMI fondée par Daniel Křetínský. Cette opération envisagée devra être acceptée par la Commission européenne et fera l’objet des procédures d’information-consultation des instances représentatives du personnel concernées », peut-on lire dans le communiqué publié mardi par le groupe de Vincent Bolloré, qui a dû revoir ses plans en vue de faire l’acquisition de son concurrent Hachette en raison des objections de la Commission européenne.
Olivier Ubertalli est journaliste à l'hebdomadaire français Le Point et auteur du livre « Grandeur et décadence de la maison Lagardère ». Il a d’abord évoqué l’impact de cette nouvelle en France :
« Cela fait déjà plusieurs mois que le secteur de l’édition en France est en pleine recomposition. Vivendi détient le groupe Editis qui est le deuxième éditeur de livre en France avec des maisons comme Robert Laffont, Plon et des maisons d’édition scolaires comme Nathan et Bordas. Vivendi avait décidé de le revendre pour pouvoir s’emparer du groupe Hachette - propriété de Lagardère -, avec énormément de maisons dont Grasset. »
« Cette nouvelle est importante car beaucoup d’observateurs avaient peur en France de la concentration dans le secteur de l’édition. Vivendi, détenu par la famille Bolloré très importante en France, décide de vendre Editis pour pouvoir s’emparer d’Hachette mais il va falloir attendre le feu vert de la Commission européenne. Beaucoup de libraires et de salariés du secteur de l’édition attendent de connaître leur sort en fait. »
Le Figaro parle « d’infiltration de Daniel Křetínský dans tous les pans de l’économie française ». Est-ce qu’il y a une certaine méfiance en France à l’égard du milliardaire tchèque ?
« Il y avait une méfiance il y a quelques années quand il a commencé à d’intéresser au secteur des médias en France, notamment quand il a racheté les magazines Elle et Marianne. On se demandait comment il avait bâti sa fortune, s’il ne l’avait pas bâtie à l’ombre de Vladimir Poutine en Russie etc. Il y avait toutes ces interrogations mais aujourd’hui l’image de Daniel Křetínský a un peu changé en France. On le connaît un peu mieux, il est actionnaire indirect du quotidien de référence Le Monde et a pris des participations dans beaucoup de pans de l’économie. »
« Je pense que les gens ne connaissent pas encore très bien Daniel Křetínský mais ils voient qu’il a un vrai intérêt pour la France, qu’il est francophile et francophone donc les gens ont un peu moins peur aujourd’hui. Je pense d’ailleurs que la solution Daniel Křetínský était peut-être la meilleure pour Editis puisque depuis qu’il est en France il n’a pas montré d’interventionnisme sur le plan éditorial dans ses magazines et revues. Il est vu certes comme un investisseur étranger mais plutôt francophile avec une image plutôt favorable. »
« C’est vrai que c’est impressionnant de voir la façon dont il bouge ses pions en France depuis quelques années. Médias, centrales à charbon qui sont très rentables en ce moment avec la crise de l’énergie, participation dans Fnac-Darty dont il veut prendre le contrôle, participation dans TF1 – première chaîne en France, et actionnaire de beaucoup d’autres groupes dont Casino, avec aussi un intérêt récent pour le groupe informatique français Atos. »
Est-ce que ces investissements dans les secteurs des médias et de l’édition posent question ? Ces secteurs ne se portent pas bien économiquement ; cela suscite-t-il des interrogations sur ses ambitions au-delà de ces acquisitions ?
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« Oui, on se demande toujours pourquoi il investit en France. Il répond, dans ses rares interviews, que c’est parce qu’il aime la France et qu’il est intéressé. Après, il fait partie des nombreux milliardaires, français ou étrangers, qui s’intéressent aux médias aujourd’hui. Les médias sont en crise et n’ont pas de modèle économique qui tienne la route sur le long-terme avec le numérique. Daniel Křetínský dit qu’il veut aider la presse. S’il a d’autres intentions je ne sais pas mais je ne pense pas qu’il ait d’ambitions politiques. »
« Ce qui est sûr c’est que posséder un média donne de l’influence et du réseau. Evidemment Daniel Křetínský le sait et sait que c’est important d’être actionnaire du Monde ou propriétaire de Marianne et potentiellement demain d’un grand groupe d’édition – cela lui permet d’avoir du poids et de l’influence sur la scène française. »