Daniel Křetínský met la main sur la Poste royale britannique
Daniel Křetínský poursuit ses emplettes en Europe, avec certaines acquisitions parfois plus marquantes que d’autres en raison de leur symbolique. C’est le cas, dernièrement, de Royal Mail, le célèbre opérateur britannique dont le gouvernement de Keir Starmer a approuvé, lundi, le rachat par le milliardaire tchèque.
Il est toujours délicat de toucher au patrimoine d’un pays et il en va de cette reprise de Royal Mail au Royaume-Uni, entreprise à l’histoire longue de plus de 500 ans, un peu comme de son entrée dans le capital du Monde en France, en 2018, un investissement qui avait alors suscité une forte émotion et contraint des médias français sous le choc à s’intéresser de plus près au parcours et au profil de l’homme d’affaires tchèque.
De l’autre côté de la Manche, sur un marché où il a multiplié les affaires ces dernières années dans différents secteurs d’activité, et ce, jusque dans le sacro-saint football avec une entrée dans le club de West Ham, cela fait toutefois déjà un certain temps que Daniel Křetínský, dont l’expansion est possible grâce à la fortune qu’il a préalablement construite dans l’exploitation des énergies fossiles, n’est plus un inconnu.
Et c’est sans doute aussi cette confiance qu’il inspire désormais davantage que par le passé, lorsqu’il était encore considéré dans les pays d’Europe de l’Ouest comme un oligarque d’Europe de l’Est, qui explique pourquoi le gouvernement britannique, malgré la polémique, a finalement donné son feu vert à la vente à l’investisseur tchèque de l’institution postale, dont les importantes pertes avaient déjà entraîné la privatisation en 2013.
Plus concrètement, le cabinet dirigé par le travailliste Keir Starmer a annoncé, lundi 16 décembre, qu’il autorisait la société EP Corporate Group (EPCG) de Daniel Křetínský à prendre le contrôle d’International Distribution Services (IDS), maison mère de la poste britannique. Cela faisait toutefois déjà quatre ans que le milliardaire tchèque contrôlait un peu plus du quart des parts de Royal Mail (27,6 %), et c’est pour environ 3,6 milliards de livres (4,3 milliards d’euros) qu’il vient de racheter les trois quarts restants pour désormais, donc, en détenir la totalité.
Si la décision de céder une entreprise iconique dans l’environnement britannique a fait l’objet d’un certain nombre de critiques dans certains médias et groupes d’affaires à Londres, l’offre faite par Daniel Křetínský n’a toutefois été acceptée qu’en échange de certaines garanties, comme le principal intéressé l’a confirmé sur Bloomberg TV, la chaîne américaine spécialisée dans l’économie et la finance :
« Je suis conscient de l’énorme responsabilité que cela représente et j’ai beaucoup de respect pour cela, mais je suis également convaincu que c’est une bonne chose pour Royal Mail, pour son avenir, pour son personnel et ses clients. »
Ainsi donc, Daniel Křetínský s’est notamment engagé à maintenir le siège social de Royal Mail au Royaume-Uni de manière à garantir l’emploi et des recettes fiscales tout en assurant que les services de base de la poste, comme la distribution des lettres six jours par semaine, seront maintenus, et ce, à un prix unique pour l’ensemble du territoire. Toutefois, comme l’a souligné à la Radio tchèque Ivan Kytka, journaliste tchèque en poste à Londres depuis de nombreuses années, si Royal Mail est considéré comme une icône nationale garante de nombreux services aux yeux de la plupart des Britanniques, c’est d’abord aujourd’hui une société bien mal en point qui a besoin d’être relancée :
« Royal Mail joue un rôle important dans le fonctionnement général de l’État britannique. De nombreuses démarches administratives comme demander un nouveau passeport, un nouveau permis de conduire ou faire immatriculer une voiture peuvent être effectuées directement à la poste. Mais d’un autre côté, à partir du moment où la poste n’est plus capable de remplir son service de base, à savoir assurer le transport et la distribution du courrier du jour au lendemain, comme cela était le cas pour 30 % des livraisons, cela devient problématique et les usagers perdent alors confiance dans l’entreprise, aussi traditionnelle celle-ci puisse-t-elle être. Or, c’était une situation qui nuisait aussi aux intérêts de Daniel Křetínský puisqu’il était un actionnaire de Royal Mail. Bien sûr, la Poste royale est une marque iconique, mais si une entreprise n’assure plus comme elle le devrait ses services de base, alors il est logique de chercher une solution. »
Et cette solution « à long terme » pour préserver le rôle important de Royal Mail tout en transformant l’entreprise « en un opérateur postal moderne et performant offrant des services de qualité », c’est donc Daniel Křetínský, dont « l’approche constructive » a été saluée par le gouvernement britannique, qui l’a proposée.