Vrbětice : pour le président Zeman, il manque encore de preuves pour accuser la Russie
Selon le président Miloš Zeman, qui s’est exprimé dimanche pour la première fois sur le sujet, les éléments rassemblés par le contre-espionnage tchèque dans l’affaire des explosions de Vrbětice sont pour l’heure encore insuffisants pour pouvoir accuser la Russie.
Parce que Miloš Zeman est resté silencieux tout au long de la semaine qui a suivi les révélations faites par le Premier ministre Andrej Babiš, relatives à la participation d’agents secrets russes aux explosions d’un dépôt de munitions à Vrbětice, dans l’est du pays, en 2014, son discours télévisé, dimanche en fin de matinée, était très attendu.
Redouté aussi par beaucoup d’observateurs et de commentateurs de la scène politique nationale, en raison des positions prorusses du président tchèque. Et par les politiques eux-mêmes qui, dans une très grande majorité, à l’exception des communistes et du parti d’extrême droite SPD (Liberté et Démocratie directe), ont condamné d’une même voix les activités de la Russie sur le territoire tchèque.
Dans un discours long d’une dizaine de minutes, Miloš Zeman a d’abord déclaré qu’il faisait pleinement confiance à la police, dont l’enquête n’est pas encore achevée.
« Aucun pays souverain ne peut se permettre de laisser deux agents d’un État étranger provoquer un attentat terroriste sur son territoire, qui a entraîné la mort de deux citoyens tchèques et causé des dommages pour un milliard [de couronnes]. »
Mais parallèlement, le président s’est empressé de souligner qu’il convenait de faire preuve encore de patience - « sans hystérie » - et d’attendre les conclusions définitives de l’enquête policière en question. Car s’il existe bien des indices sérieux, sur la base desquels le gouvernement a clairement accusé une unité du service de renseignement militaire russe (GRU) la semaine dernière, des preuves concrètes de l’implication des deux agents russes manquent encore au dossier, aux yeux de Miloš Zeman, pour pouvoir montrer explicitement du doigt la Russie :
« J’espère que nous apprendrons la vérité. Que nous apprendrons si cette accusation est justifiée. Si tel est le cas, et bien que je sois favorable à des relations correctes avec tous les pays importants, il conviendra que la Fédération de Russie paie pour cet éventuel acte terroriste. »
Le chef de l’Etat a souligné que deux conclusions étaient encore possibles selon l’enquête en cours : une action effectivement menée par un service de renseignement étranger, comme le prétend le gouvernement tchèque, ou une mauvaise manipulation des munitions qui a abouti aux explosions. Sur ce dernier point, Miloš Zeman a précisé qu’il prenait, en tant que chef des forces armées du pays, « ces deux versions au sérieux ». Selon lui, le rapport du BIS (le service de renseignement et de contre-espionnage tchèque) ne fait état ni de preuves ni de témoignages de la présence de ces deux agents dans l'enceinte de Vrbětice.
Sans adresser le moindre mot de soutien aux familles des victimes de l’explosion, sans s’attarder non plus sur l’expulsion de nombreux diplomates russes et le différend diplomatique entre Prague et Moscou, Miloš Zeman s’est donc refusé, malgré des « preuves irréfutables » selon les députés et les sénateurs, à condamner la Russie, tout en évitant de mettre en cause la position du gouvernement.
Si son discours a été très critiqué par les principaux partis de l’opposition et par l’essentiel des médias, il a en revanche été accueilli d’un bon œil à Moscou. La porte-parole du ministère des Affaires étrangères a ainsi eu beau jeu de souligner le fait que la République tchèque ne disposait d’aucun élément pour accuser la Russie.