A la découverte des cépages traditionnels en Tchéquie

Nous sommes en automne, la saison des vendanges et du vin. Il se doit donc de parler de ce délicieux breuvage mais, plus précisement des cépages traditionnels que l'on trouve en Bohême et Moravie, les régions viticoles de la République tchèque. Bien que celle-ci soit le pays de la bière, la boisson nationale, on y produit d'excellents vins et on note même, ces derniers temps, une hausse de la consommation du vin...

Le pays traditionnel du vin en République tchèque, c'est la Moravie du sud. Il n'y existe, peut-être pas, un seul village qui ne serait pas entouré de vignobles, et où vous trouverez les traditionnelles petites caves à vin, vous invitant à venir y déguster, au frais, les produits viticoles des vignerons locaux. Le vin, ce sont les cépages, mais aussi les terroirs où ils sont cultivés. Combien de terroirs trouve-t-on en Tchéquie ? En ne comptant que les grands, il y a six terroirs. En Bohême, ceux de Litomerice et de Melnik, en Moravie du sud, ceux de Mikulov, Znojmo, Velke Pavlovice et de la Slovaquie morave. En jettant un coup d'oeil, un tout petit coup d'oeil seulement, sur la carte de la Moravie du sud, on découvre qu'un peu tous les villages et petites villes de la région sont des communes viticoles enregistrées. Ici, la tradition et le culte du vin sont séculaires.

A côté du terroir, qui est le lit où se développe le futur vin, le plus important est certainement le cépage qu'on y cultive. Alors quels sont donc les cépages que l'on trouve en Tchéquie ? Ils sont au nombre de 35 enregistrés et, sur ce nombre, le tiers a été le fruit de la sélection des vignerons moraves.

Commençons par le plus répandu. Il réprésente 13 % de la production viticole et se nomme le Müller Thurgau. Comme son nom l'indique, c'est un cépage étranger, développé par le professeur Müller, dans le canton suisse de Thurgau. Il est apparu en Moravie, en 1882. Ce blanc s'était établi au sud de la Moravie, d'abord, pour conquérir le nord ensuite. C'est un cépage qui donne un vin blanc qui n'est pas tellement destiné à vieillir. On le savoure surtout avec des mets légers et des fromages. Pour sa faible teneur en acide et son arôme chaleureuse, on l'utilise souvent pour des coupages. Derrière le Müller, on trouve deux cépages qui sont les plus répandus, avec 9 % de la production : le Riesling de Valachie, un blanc dont on ne connait pas exactement l'origine, mais qui n'a rien à voir avec le Riesling du Rhin. Les bons millésimes n'apparaîssent que lors de chaudes années, et le cépage n'est cultivé que dans le sud de la Moravie offrant un plus chaud climat. Le Riesling de Valachie peut se présenter comme un très bon vin de table, mais aussi être destiné au vieillissement où il révèle toute sa richesse...

Après deux blancs, passons au rouge, avec peut-être, celui qui est le plus consommé en Tchéquie. Il s'agit du Saint-Laurent. Le cépage trouve ses origines en France et, passant par l'Allemagne, il est arrivé en Tchéquie vers la moitié du XIXe siècle. C'est un rouge solide de la couleur des grenats de Bohême, tirant souvent sur le violet. Son arôme rappelant le cassis le destine aussi aux coupages surtout avec du Portugal. Pourquoi est-il si apprécié en Tchéquie ? Parce qu'il convient merveilleusement à l'accompagnement des plats traditionnels tchèques : rôti de porc, oie ou canard, gibier.

Le deuxième rouge le plus consommé en Tchéquie est un peu plus léger. Il se nomme Frankovka et, bien que rappelant par son nom les Francs, il ne semble pas avoir d'origine en France. En fait, elle est inconnue. On retrouve ce rouge en Allemagne, sous le nom de Blaufrankisch et surtout en Hongrie sous l'appellation de Kékfrankos. La Frankovka représente 7 % de la production. C'est un rouge de la couleur du rubis, très aromatique, mais présentant aussi une ascendance avec le Bourgogne. Sa production est essentiellement concentrée en Moravie du sud, car il demande un climat plus chaud.

Pour en revenir aux blancs de Bohême et Moravie, il ne faut certainement pas oublier le Veltliner vert. C'est un cépage qui trouve ses origines en Autriche probablement, car c'est dans ce pays qu'il est le plus répandu. C'est, peut-être, le plus ancien cépage de la Moravie du sud. Il est absent de la Bohême. Sa couleur jaune ambrée, verte, lui a vallu son nom. Dans les meilleures années, le jaune prédomine, avec un léger rappel de la fleur du tilleul, de l'amande aussi. Les très bons millésimes sont gardés longtemps dans les caves. Après quelques années, il révèle toute son ardeur, avec les plats de viande froide.

Avec 5 % de la production, la Bourgogne et son Pinot blanc est aussi présente dans les terroirs de Bohême et Moravie. Il y a une trentaine d'année encore, on l'appelait Bourgogne blanc. Mais sur la base de la demande des vignerons de Bourgogne, pour qui seuls leurs vins pouvaient porter l'appellation Bourgogne, les vignerons tchèques ont changé le nom en Rulander. Un nom qui tire son origine du cépage bourguignon, répandu en Allemagne par le négociant en vins, Johann Seger Ruland. Un autre Bourgogne, le Pinot noir, représente 4 % de la production en Moravie. Son implantation en Bohême et en Moravie est beaucoup plus ancienne que celle de son frère blanc. Ce fut l'empereur germanique, roi de Bohême, Charles IV, qui le rammena de France, au XIVe siècle, déjà. En tchèque, il s'appelle Rulandské modré (Rulander bleu ), d'après le nom du négociant en vin cité plus haut. Un nom qui n'existe qu'en Tchéquie, d'ailleurs, et c'est l'un des meilleurs cépages du pays, en ce qui concerne les rouges.

On ne peut omettre de citer l'un des cépages les plus à la mode, ces derniers temps. Pourtant, c'est l'un des plus anciens, dans les terroirs tchèques. Lui aussi provient de Moravie, lui aussi est arrivé par l'intermédiaire du roi Charles IV. Peut-être avez-vous deviné, si on ajoute encore qu'il vient de Bourgogne. Hé oui ! C'est le Chardonnay ! On le déguste avec les grands plats de viande, en sauces blanches, et il accompagne, surtout, les fromages les plus fins. Il se marie très bien avec d'autres cépages, dans la production des mousseux.

On ne peut oublier une autre région française, présente en Tchéquie et Moravie. Celle de Bordeaux, avec son Sauvignon. Ce blanc ne se présente presque pas en Bohême, alors qu'il progresse de plus en plus en Moravie. Sa production représente 4 % et accuse une hausse constante. Un autre blanc, assez répandu et qui était très consommé, il y a quelques années encore, c'est le Neuburger. Comme son nom l'indique, il est d'origine germanique, plus exactement autrichienne. Une présentation harmonique, pas trop de puissance, une arôme assez neutre, c'est le Neuburger qu'on préfère savourer avec les fins fromages, éventuellement après un bon pôt-au-feu.

Nous avions dit, au début, que le tiers des cépages cultivés en Tchéquie, est le résultat de la sélection des vignerons locaux. Nous vous en présenterons deux : André, qui est né en 1980, par l'hybridation de deux rouges, le Saint-Laurent et la Frankovka. Le petit est un rouge plus léger que le Saint-Laurant, mais aussi plus puissant que la Frankovka. Les Tchèques le recherchent de plus en plus. Un autre rouge de grande classe a vu le jour en Moravie du sud, aussi. Les meilleurs millésimes du Cabernet Moravia sont très appréciés sur les grandes tables, au Château de Prague, par exemple, lors des repas présidentiels. Et la qualité des vins de Bohême et Moravie, cette année, après un merveilleux millésime 2003 ? Les vignerons sont optimistes : pas de miracle, mais 2004 devrait se situer au niveau de 2002, une très bonne année, avec des crus pleins et savoureux. Les vins de Tchéquie, après l'entrée du pays dans l'Union européenne, ayant fait très bonne fortune sur les marchés de l'Europe de l'ouest, jettez un coup d'oeil dans les rayons de votre magasin. Peut-être y trouverez-vous un bon Cabernet Moravia, ou un Bourgogne sous l'appellation de Rulander et, « A la vôtre » !