A Prague, un Centre de santé mentale pour enfants et adolescents pour répondre à des besoins « extrêmes »
Récemment ouvert à Prague, le Centre de santé mentale pour enfants et adolescents propose un suivi social et psychologique impliquant largement les familles. Un établissement unique dans la capitale, en dépit de l’augmentation des besoins des jeunes en aide complexe.
Le nouveau Centre de santé mentale pour enfants et adolescents qui a ouvert récemment à Prague est le premier du genre dans la capitale. Géré par l’association Dům tří přání, cet établissement associe dans un même bâtiment services sociaux et soins dans le domaine de la santé mentale, comme l’explique la directrice du centre Michaela Hanykýřová :
« Notre centre a une composante ‘services de santé’, avec des infirmières, des psychologues et un médecin, et une composante ‘services sociaux’, avec des travailleurs sociaux, des conseillers familiaux et une pédagogue spécialisée. Nous nous occupons des enfants sur la base d’une demande faite par la famille ou un professionnel qui travaille avec l’enfant, à condition que l’enfant soit de Prague, et que son cas ne puisse être pris en charge par une autre institution. »
Rôle crucial de la famille
« Le premier rendez-vous avec l’enfant et sa famille a lieu dans la semaine suivant l’acceptation de son dossier, en présence d’un soignant et d’un travailleur social, pour évaluer non seulement l’état de santé de l’enfant, mais aussi la situation familiale dans son ensemble. Ainsi nous impliquons la famille dès le début, car nous estimons que son rôle est crucial dans le rétablissement de l’enfant. A raison d’une ou deux fois par semaine, parents et enfant ont par la suite des rendez-vous individuels, et en groupe aussi. Il s’agit aussi bien de séances de psychothérapie que d’activités plus créatives, comme de l’art thérapie. »
Une approche multidisciplinaire des jeunes patients presqu’inexistante en République tchèque, où on ne recense que deux autres établissements de même type : l’un à Beroun, en Bohême centrale, l’autre à Ostrava, en Moravie-Silésie.
Situé dans le quartier de Bubeneč, dans le septième arrondissement, le Centre de santé mentale de Prague accueille les enfants dès leur naissance et jusqu’à leurs 19 ans. A cet effet, une salle d’accueil pour la toute première visite, un cabinet utilisé par le médecin du centre, une salle pour les séances de groupe et deux salles de consultation pour les séances avec le psychologue. Dans celles-ci, des jouets, y compris ce que la psychologue Zuzana Benešová qualifie de « bac à sable thérapeutique » :
« C’est littéralement un bac qui contient du sable, ce genre de sable très fin qui est utilisé dans les terrariums pour chinchillas et autres animaux de ce genre. A côté de cela, nous avons toutes sortes de figurines comme celles des œufs Kinder : des animaux, des personnages, des petites voitures, etc. Cela marche très bien avec les enfants timides ou peu loquaces, qui peuvent ainsi s’exprimer différemment, à l’aide du sable. Ils peuvent y enfouir des choses, le toucher est mis à contribution… Ils peuvent par exemple y mettre en scène un moment de leur vie quotidienne, et ainsi le surmonter, même s’ils n’auraient pas forcément réussi à le raconter. On peut également y lire les émotions qui les traversent, la colère ou la tristesse, par exemple, même s’ils n’auraient pas réussi à le dire autrement. »
Cabane et bac à sable thérapeutique
« Nous avons également une maison de poupées. Les jeunes enfants se dirigent en général très naturellement vers cette maison. Et sous forme de jeu, nous saisissons plus précisément comment les choses se passent chez eux ou à l’école. Enfin, nous avons également une cabane dans laquelle les enfants peuvent se cacher lorsqu’ils le souhaitent. »
Le Centre de santé mentale pour enfants et adolescents de Prague a une capacité d’accueil totale de 60 enfants. Actuellement, il s’occupe déjà de 45 familles, et reçoit jusqu’à six nouvelles demandes par semaine. Mais avant, comment faisaient les familles pragoises dont les enfants avaient besoin d’un suivi psychologique ? Michaela Hanykýřová :
« Avant, il n’y avait pas grand-chose ! Les psychiatres sont si peu nombreux qu’il n’y avait pas vraiment de prise en charge des enfants. Les familles pouvaient avoir recours aux services sociaux, ou encore à des séances de psychothérapie, mais tout le monde n’en a pas les moyens, d’autant que la plupart ne sont pas remboursées par l’assurance santé. Il n’y avait donc pas grand-chose, et les enfants finissaient souvent hospitalisés, mais ces hospitalisations n’étaient suivies de rien. Au Centre de santé mentale, nous assurons donc quelque chose d’inexistant jusque-là. Mais malgré tout, cela reste insuffisant. »
D’autant que les besoins en soutien psychologique des enfants et adolescents ont largement augmenté ces dernières années – et notamment depuis l’arrivée du Covid-19 dans nos vies. Car les restrictions et mesures sanitaires ont particulièrement touché les écoliers tchèques, la Tchéquie faisant partie des pays européens dont les établissements scolaires ont été fermés pendant la plus longue période. Michaela Hanykýřová revient sur cette augmentation des cas nécessitant une approche psychologique et sociale complexe :
« Dans tous les services [proposés par notre association], nous avons commencé à voir arriver des personnes qui souffraient de maladies mentales, qui sortaient de l’hôpital, qui étaient issues d’un environnement familial instable, qui avaient besoin d’une aide complexe et d’un travail avec leurs familles – et pas seulement que des médicaments leur soient administrés. Leur arrivée s’est faite de façon progressive, mais après le Covid, c’est devenu extrême. »
Anxiété de séparation, dépression, automutilation
« Ces enfants ont passé énormément de temps chez eux, et souvent ils souffrent d’anxiété de séparation, et parfois même d’anxiété à l’idée de sortir dehors. Ou bien, pour résumer, ils ne savent plus comment interagir avec d’autres enfants, ils ne savent pas comment se comporter dans un groupe, ils ne savent pas quoi faire de leur vie… Je trouve les enfants plus faibles ; ils ne savent pas gérer les situations de stress. Cela avait commencé avant le Covid-19, mais avec son arrivée, cela a vraiment explosé. »
Si le nouveau centre de santé mentale est destiné aussi bien aux adolescents qu’aux enfants, les plus jeunes ne sont pas les plus nombreux à s’adresser à ses services. Michaela Hanykýřová revient également sur les troubles les plus courants chez les patients du centre :
« Il s’agit très souvent d’anxiété, de dépression, voire d’automutilation. Nous avons parfois également des tentatives de suicide ou des pensées suicidaires. Pour ce qui est de la tranche d’âge la plus représentée, ce sont essentiellement les enfants qui sont en fin de collège et au lycée. C’est la période la plus difficile, et cela est particulièrement visible en période d’examens. Ces situations stressantes en lien avec l’école compliquent encore plus leur situation personnelle. »
Afin de pouvoir venir en aide à un nombre maximal d’enfants, d’adolescents et de familles, le suivi au Centre de santé mentale est limité à six mois. Après quoi ils ne restent cependant pas livrés à eux-mêmes, comme l’explique Michaela Hanykýřová :
« Lorsqu’approche la fin du suivi, nous cherchons toujours un service de suite adapté, aussi bien pour l’aspect thérapeutique que pour l’aspect social, de façon à ce que la famille bénéficie toujours d’un soutien. En général, il s’agit de thérapies familiales ou de services de ce genre. »
Ainsi le personnel du Centre de santé mentale pour enfants et adolescents de Prague les redirige, entre autres, vers les autres établissements et services proposés par Dům tří přání aux enfants et aux familles. Outre ce nouveau Centre de santé mentale, l’association gère en effet également le Centre familial Delta, le Centre de thérapie familiale Horizont, le Centre pour enfants Mezipatro et, depuis l’été 2022, la Maison des enfants Přemysl Pittr, qui offre aux enfants un hébergement d’urgence dans les situations de crise.