Archéologie : un fragment de crâne de rhinocéros laineux mis au jour à Brno

Un fragment de crâne de rhinocéros laineux

Début avril, une équipe d’archéologues a annoncé avoir découvert en plein centre-ville de Brno (Moravie) un fragment de crâne de rhinocéros laineux, une espèce préhistorique aujourd’hui éteinte et dont le plus proche parent est le rhinocéros de Sumatra. Les scientifiques pensent qu'il a pu être chassé et tué à cet endroit par des populations de chasseurs-cueilleurs qui vivaient dans la région il y a environ 18 000 ans.

Rhinocéros laineux | Photo: Mauricio Antón,  Wikimedia Commons,  CC BY 2.5

A cette époque du Paléolithique supérieur (entre environ - 45 000 et 12 000 ans), e paysage morave, mais aussi européen dans son ensemble, était bien différent de celui que l’on connaît aujourd’hui : la toundra est alors la formation végétale la plus fréquente, caractéristique des zones climatiques froides. Car pour la période qui nous intéresse, l’Europe connaît un intense refroidissement, appelé le maximum glaciaire. C’est dans ce contexte qu’évolue depuis des millénaires le rhinocéros laineux, dont la fourrure épaisse lui permettait de supporter les températures glaciales de cette période qui s’achèvera avec l’entrée dans l’Holocène, une période interglaciaire, dans laquelle nous vivons toujours.

Les fossiles de ce rhinocéros à poils sont retrouvés dans toute l’immense étendue de son aire de vie. Ses cornes exceptionnellement longues ont autrefois été considérées par certains comme la preuve de l’existence des licornes… En tout cas, il était un animal fréquent de la mégafaune européenne de l’époque, chassé tant pour sa fourrure que pour sa chair et représenté à de multiples reprises dans l’art pariétal européen, comme par exemple dans la célèbre grotte Chauvet.

Photo: Arachaia Brno

Selon les archéologues à l’origine de la découverte de la moitié de crâne à Brno, l’animal a dû être chassé par une population de chasseurs-cueilleurs établis au bord de la rivière Svratka, comme le précise Lenka Sedláčková, de l’organisation Archaia Brno :

« Nous travaillons dans la zone depuis un certain temps et nous savons qu’elle était peuplée. Donc nous espérions trouver quelque chose. Je dirais que ce type de découverte datant du Paléolithique est toujours unique parce qu’elles ne sont pas si fréquentes. Tous les ossements subissent les outrages du temps, donc la mâchoire nous permettra de dater plus précisément la zone. Nous savons que la région était habitée par des populations de chasseurs-cueilleurs qui ont probablement chassé ce rhinocéros, l’ont découpé et ont abandonné le crâne là où nous l’avons retrouvé pendant nos fouilles. »

Photo: Musée morave

Le fragment de crâne mesure environ 60 cm et compte toujours les racines de certaines dents. Les archéologues travaillent sur des chantiers de fouilles préventives dans cette zone depuis près de vingt ans, précisant au fil du temps la présence d’une implantation humaine paléolithique :

« A cette époque, les gens n’avaient pas encore d’objets en céramique. Ils utilisaient essentiellement des instruments fabriqués à partir de pierre ou d’os. Nous avons retrouvé beaucoup de silex et d’ossements d’animaux. Outre ce fragment de rhinocéros, nous avons également mis au jour des os de cervidés, de loups et de chevaux. Et nous avons aussi retrouvé des traces de plusieurs lieux de bivouac. »

Photo: Musée morave

Lenka Sedláčková rappelle l’extrême fragilité de l’ossement retrouvé, comme c’est le cas pour la plupart des trouvailles datant de l’époque préhistorique. Le fragment de crâne doit ainsi subir un processus de conservation, avant de rejoindre les collections du Musée morave :

« Nous avons découpé un bloc de terre contenant le fragment d’os que nous avons renforcé avec du plâtre et des bandages. Ce n’est qu’après séchage que nous l’avons extrait du sol avant de le transporter au laboratoire. C’est là qu’il sera nettoyé, conservé et analysé. »