Archives StB: « une autre image de Ben Barka »
Nous vous en parlions dans notre précédente émission : un dossier retrouvé dans les archives de la StB retrace les cinq années pendant lesquelles le Marocain Mehdi Ben Barka a été rémunéré par les services de renseignement tchécoslovaques pour leur servir d'informateur.
Approché en 1960 à Paris par le capitaine Zdenek Micke, en poste à l'ambassade tchécoslovaque, le leader de l'UNFP se rendra pour la première fois à Prague l'année suivante. En tout, Ben Barka viendra 11 fois en Tchécoslovaquie. Au cours d'un de ses passages, il sera officiellement recruté par la StB.
Le 17 décembre 1963, le chef du renseignement extérieur écrit une note au ministre de l'Intérieur pour faire l'éloge de Cheikh, le nom de code donné à Mehdi Ben Barka. « Il nous donne des informations et des documents intéressants », peut-on lire dans cette note. Une note qui figure dans le dossier de plus de 1500 pages retrouvé dans les archives et décortiqué par l'historien et journaliste Petr Zidek :
« Pour moi, ce dossier donne une nouvelle image de ce personnage. Dans la plupart des livres qui ont été consacrés à Ben Barka, il est souvent présenté comme une victime innocente des services secrets marocains, français, américains - on parle même du Mossad israélien - et je pense qu'en lisant ce dossier on peut se faire une autre image de ce politicien. Je pense qu'il n'était pas si innocent que ça et qu'il a probablement entretenu d'autres relations de ce type. »Avec d'autres services de renseignement ?
« Oui, je n'ai aucune preuve, il n'y en a pas dans le dossier mais je pense que le comportement de ben barka vis-à-vis des services tchèques et certains faits peuvent conforter cette hypothèse. »
Ces révélations ont eu un retentissement relativement important cette semaine. Quand on parle de Ben Barka en France, c'est aussi et surtout du mystère qui entoure sa disparition. Est-ce que dans le dossier des archives de la StB on apprend quelque chose de plus ?
« Pas concrètement, mais je pense que le contenu du dossier est une raison de plus pour quiconque qui aurait voulu l'éliminer. C'est aussi une hypothèse : ses contacts avec la StB n'étaient sûrement pas ignorés par les services français ou marocains. C'était peut-être une des raisons de son élimination. »Les recherches sur le dossier Ben Barka seront publiées ce week-end dans Lidove noviny. Ajoutons que sur une note rédigée deux semaines après l'enlèvement de Mehdi Ben Barka à Paris, la StB déployait déjà une stratégie à triple objectif : « attirer les soupçons sur le gouvernement américain et la CIA pour faire croire qu'ils sont les organisateurs du rapt », « dénoncer le roi Hassan II... » et « compromettre autant que possible la police et le gouvernement français, voire Charles de Gaulle en personne ».