Bruxelles : un nom à la une de la presse tchèque

Photo: ČTK

Les attaques terroristes à Bruxelles ; le Vendredi saint est redevenu en Tchéquie une fête nationale ; la disparition du réalisateur Jan Němec, une des figures de la Nouvelle Vague du cinéma tchécoslovaque des années 1960. Autant de sujets qui seront traités dans cette nouvelle revue de presse.

Photo: ČTK
En perpétrant des attaques à Bruxelles, les terroristes ont touché une nouvelle fois l’ensemble de l’Europe. C’est ce qu’ont constaté presqu’à l’unisson les éditorialistes de la presse tchèque de ce mercredi. Parmi les nombreuses analyses se penchant sur les causes, les conséquences et d’autres aspects de cette nouvelle attaque terroriste, on a pu, par exemple, lire un texte publié sur le site de l’hebdomadaire Reflex et dans lequel son auteur, Tomáš Klvaňa écrit :

« Les remèdes au terrorisme en Europe demeurent toujours les mêmes : une meilleure protection des frontières extérieures, un travail et une coopération plus efficaces entre les différents services de renseignement tant sur le continent qu’au Proche et au Moyen-Orient. Mais la plus importante serait une opération militaire destinée à écraser les islamistes à l’endroit où ils se trouvent, en Syrie, en Irak, au Mali, en Libye ou ailleurs. »

« Le terrorisme constitue une des menaces les plus perfides de notre époque, car ses promoteurs arrivent à semer peur, panique et haine. »

C’est ce que souligne le député européen Luděk Niedermayer dans un texte mis en ligne sur le site ihned.cz qui a aussi écrit :

Luděk Niedermayer,  photo: Filip Jandourek,  ČRo
« Protéger la société moderne d’attaques terroristes est, hélas, pratiquement impossible. Ce que l’on peut faire, c’est réduire au maximum les risques, dans le respect d’une retombée raisonnable des mesures adoptées sur notre mode de vie. C’est une chose que les Américains semblent être parvenus à faire, avec l’aide des technologies modernes, après les attaques du 11 septembre. »

Il existe, selon l’auteur du texte, deux obstacles qui amoindrissent la capacité de défense européenne. D’abord, le manque de volonté des pays qui préfèrent des solutions au niveau national au lieu de chercher une approche commune. La difficulté de trouver un équilibre entre les droits de l’individu et l’intérêt justifié de la société en constitue un autre. Faire front à une vague de peur et de haine que les terroristes cherchent à imposer, voilà un autre grand défi auquel les gouvernements sont confrontés.

Le massacre de Bruxelles représente peut-être un dernier avertissement pour que l’on modifie la culture et les approches concernant les problèmes sécuritaires en Europe. C’est ce qu’a déclaré dans un entretien pour le site aktualne.cz le général František Mičánek qui sera à partir du mois de septembre doyen de la prestigieuse école militaire de l’OTAN, le Defence College à Rome, et dans lequel il a aussi dit :

František Mičánek,  photo: Miroslav Šindelář / Site officile de l'Armée tchèque
« Je tiens à répéter que la question à se poser désormais n’est pas de savoir si les terroristes vont nous attaquer, mais quand ils vont le faire. L’Europe dont la Tchéquie fait partie, a devant elle des temps très tumultueux. Ceci dit, il est vrai que pendant un certain temps encore, les pays comme la France et la Belgique seront plus menacés que, par exemple, la Tchéquie, la Slovaquie ou la Pologne. Notre avantage, c’est que nous avons un certain temps pour nous préparer et pour évaluer les risques qu’affrontent nos alliés ».

Le général Mičánek s’est aussi exprimé au sujet des menaces de la part des extrémistes locaux qui sont à son sens les mêmes sinon plus grandes encore que celles venues de l’extérieur. Il a expliqué pourquoi :

« Les extrémistes nationaux ont dans leurs pays un environnement propice, ainsi que des liens assez larges. Or, ils peuvent y faire proliférer leurs idées de façon beaucoup plus efficace que l’islam radical qui pourrait venir plus tard. Cela veut dire qu’en raison de l’actualité marquée par les terroristes islamistes, on ne doit pas sous-estimer un autre grand problème, celui que constituent les extrémistes locaux. »

Le Vendredi saint – pour la première fois fête nationale en Tchéquie

L’édition de ce jeudi du quotidien Lidové noviny rappelle que le Vendredi saint avait été inscrit dans le calendrier en tant que fête nationale en 1946, avant d’en être rayé par les députés communistes en novembre 1951. Aujourd’hui, c’est donc 65 ans après que cette date est de nouveau célébrée comme un jour férié. Le journal a également publié un entretien avec František Radkovský, évêque sortant de Plzeň. A la question de savoir si les Tchèques méritaient cette nouvelle fête, il a répondu :

František Radkovský,  photo: Archives de Radio Prague
« Je dirais plutôt que les Tchèques en ont besoin. Ils ont le choix d’en profiter pour faire des randonnées dans la nature ou bien pour réfléchir sur la signification de Pâques... Je ne pense pas que notre pays soit fortement athée, comme on aime à le prétendre. La majorité des gens croient en une transcendance. Et, face à l’invasion de l’islam en Europe, ils commencent à tenir compte de leur identité et de leurs racines qui sont autres qu’islamiques. Mais l’identité, ce ne sont pas seulement des traditions, ce sont aussi des règles et les dix commendements de Dieu à respecter ».

L’évèque Radkovský a dénoncé par la même occasion la récupération des valeurs chrétiennes et patriotiques par ceux qui propagent de la haine à l’égard des migrants. Constatant plus loin que l’Europe se sent menacée, il a expliqué pourquoi :

« La principale menace qui guette l’Europe, c’est qu’elle se meurt en raison de sa décroissance démographique. On est là face à l’égoïsme des gens pour qui les enfants constituent une complication ou bien qui n’en veulent qu’un seul. C’est très mauvais et l’Europe en subira les conséquences. Sentant que l’Europe se vide, les migrants s’y pressent. D’ici trente ans, ceux qui les rejettent le plus, auront besoin de quelqu’un pour les soigner et ce seront justement les migrants, tant qu’ils le voudront, qui pourront le faire. Voilà pourquoi il faut traiter les migrants de façon humaine et accueillante, car l’Europe aura tout simplement besoin d’eux. »

Photo: Miloš Turek
En lien avec la nouvelle définition du Vendredi saint en République tchèque, l’hebdomadaire Respekt a pour sa part interrogé plusieurs personnalités de différents domaines de la vie publique pour savoir ce que Pâques signifiait pour eux. Si, pour Zuzana Cílová, cheffe d’un ensemble folklorique, cette fête est avant tout « une période à laquelle tout un éventail de belles traditions populaires est lié », le réalisateur Břetislav Rychlík s’est déclaré de plus en plus séduit par le mystère de Pâques. Et d’ajouter :

« La réhabilitation du Vendredi saint, devenue fête nationale, peut sembler n’être qu’une formalité. Mais dans un pays comme la Tchéquie, un des pays les plus athées au monde, où les prétendus défenseurs des valeurs chrétiennes négligent ce que la foi et la religion veulent dire, ce rappel peut acquérir une dimension inattendue ».

Disparition de Jan Němec, grande figure de la Nouvelle vague tchécoslovaque

Jan Němec,  photo: ČT
Les pages culturelles de l’ensemble des grands journaux tchèques ont informé cette semaine du décès du cinéaste tchèque Jan Němec, tous à l’unisson pour dire qu’il était, aux côtés de réalisateurs tels que Miloš Forman, Věra Chytilová ou Jiří Menzel, une des figures marquantes de la Nouvelle vague du cinéma tchécoslovaque des années 1960. Les Diamants de la nuit, la Fête et les invités et les Martyrs de l’amour sont ses réalisations les plus connues. Cette dernière a valu à Jan Němec d’être nommé en 1969 par la revue britannique Film and Filming le meilleur réalisateur de l’année. Le cinéaste s’est fait connaître, aussi, pour avoir filmé la première journée de l’occupation soviétique de la Tchécoslovaquie, le 21 août 1968. Au lendemain de cet événement tragique, le documentaire intitulé Oratorium pour Prague a été expédié clandestinement vers l’étranger pour être diffusé par les télévisions du monde entier. Le site echo24.cz a en outre noté :

'Les Diamants de la nuit'
« Après 1968, les autorités communistes ont interdit à Jan Němec toute création artistique ce qui l’a poussé, quelque années plus tard, à prendre le chemin de l’émigration. Il a vécu notamment en Allemagne et aux Etats-Unis, où il n’a pas vraiment réussi à renouer avec la réalisation. De retour dans son pays après l’avènement de la démocratie, il n’a pas renoncé pour autant à manifester ses positions politiques. Ainsi, en 2014, il a par exemple rendu sa médaille décernée pour ses mérites dans le domaine de la culture qui lui avait été remise douze ans auparavant par Václav Havel. Une façon de critiquer le choix de certains artistes distingués fait par l’actuel président Miloš Zeman. »

Le loup de Vinohrady (Vlk z Královských Vinohrad) est le titre du dernier film de Jan Němec qui n’est pas encore sorti en salles et dont une partie se déroule au Festival de Cannes. C’est là-bas que Němec, ainsi que ses confrères Menzel et Forman, ont vu leur échapper en 1968, en raison d’une grève de cinéastes français, des prix qu’ils auraient très probablement reçus. Une amertume que le réalisateur n’aurait probablement jamais tout à fait oubliée.