Cinquante ans depuis la réforme monétaire en Tchécoslovaquie
Il y a de cela 50 ans, les communistes tchécoslovaques ont commis le vol du siècle. Le 1er juin 1953, la monnaie a été changée par cinquante couronnes contre une. La réforme monétaire a appauvri la population et achevé le passage à une économie socialiste. Son lancement a été accompagné de protestations lors desquelles des centaines d'opposants ont été arrêtés et emprisonnés.
Ceux qui ont vécu le mois de mai 1953, ne l'oublieront probablement jamais. Encore, aujourd'hui, beaucoup de familles tchèques et slovaques gardent avec piété les coupures de 1000 couronnes avec, au verso, le portrait du roi Georges de Podebrady - les épargnes de toute la vie de leurs grands-pères.
Qu'est-ce qui a précédé la réforme monétaire? Après l'arrivée des communistes au pouvoir, en février 1948, l'économie tchécoslovaque, figurant avant la guerre parmi les 10 économies mondiales les plus performantes, vivait une chute. Les branches traditionnelles de l'industrie - le verre, la chaussure, le textile, l'automobile, ont été en état de liquidation. A leur place, les géants énergétiques et ceux de la mécanique lourde étaient en train de naître. Le pays devenait peu à peu un réservoir de Moscou en uranium, en complexes d'investissements, en armes. Le disciple de Staline, le président Klement Gottwald, est venu, en novembre 1952, donc peu avant sa mort, avec le projet de réforme monétaire.
Ses objectifs ont été avant tout politiques: Déraciner les restes des éléments capitalistes, éliminer les différences sociales et économiques, égaliser la population. Le jour du lancement de la réforme, Viliam Siroky, à l'époque président du conseil, a déclaré: "dorénavant, la couronne sera étroitement liée au rouble soviétique qui est la monnaie la plus solide au monde." C'est en URSS que le gouvernement tchécoslovaque a fait imprimer les nouvelles coupures, en strict secret, à l'insu de la population.
Un sombre pressentiment a pris les Tchèques depuis déjà le début du printemps 1953. Les gens retiraient leurs dépôts et achetaient tout ce qui était de trouvable sur le marché libre. Rappelons qu'un système de rationnement a été en vigueur, à l'époque. Les gens achetaient surtout les meubles, les tapis, mais aussi les motocyclettes, les postes de radio... Un signe néfaste a été la fermeture du premier grand magasin de Prague, Bila Labut. Or, encore le 31 mai, le président Antonin Zapotocky assurait la nation qu'elle n'avait pas à craindre pour son argent. Ceux qui l'ont cru, ont eu tort. Le lendemain matin, la réforme a pris le départ. Pendant les 4 jours à venir, les citoyens ont eu le droit de changer l'ancienne monnaie contre la nouvelle, côté cinquante couronnes contre une. Une petite somme seulement, de 300 couronnes en argent liquide et des épargnes de 5000 couronnes, au maximum, ont pu être changées selon un cours plus "avantageux" de cinq couronnes contre une. C'est dire que chaque citoyen de la Tchécoslovaquie recommençait la vie d'après la réforme, avec 60 couronnes dans la poche.
L'argent liquide au-dessus de 300 couronnes et toutes les épargnes déposées après le 16 mai 1953 ont été dévaluées en proportion de 50 à 1. Les changes ont été différenciés suivant le montant des dépôts, la proportion allant de 5 jusqu'à 50 couronnes contre une. Les salaires, les pensions de retraites et les assurances ont été dévalorisées en proportion de 5 couronnes contre une. Au lieu de 8,21 milliards de couronnes de la monnaie nouvelle qui devait être, théoriquement, émise, s la nouvelle masse monétaire n'a pas excédé 1,4 milliards. Pour des raisons diverses, le plus souvent par peur d'avouer publiquement ses biens, nombreux ont été ceux qui n'ont point échangé leur argent. L'Etat a gagné d'autres 3 milliards sur les épargnes. Les assurances, la suppression des obligations a apporté 700 millions de couronnes. De la sorte, l'Etat a confisqué, indirectement, 14,5 milliards de couronnes. Avec la somme précédente, l'Etat a réalisé un bénéfice de plus de 22 milliards de couronnes nouvelles. La réforme a été bénéfique également pour l'URSS où le régime a fait imprimer la monnaie nouvelle. 27 millions de couronnes, tel a été le gain de Moscou ....
Et les conséquences économiques de cette banqueroute de l'Etat? La liquidation du marché des capitaux, de la petite et moyenne entreprise, la fin de la convertibilité de la couronne, le renchérissement des prix, la baisse des salaires, la chute de la demande, de la construction... Ensemble avec la réforme, le gouvernement a supprimé le système de rationnement ce qui était vantée par la propagande comme un avantage énorme de la réforme.
A l'aide de la réforme, la direction communiste a achevé la « purification de la société des éléments bourgeois », consistant dans la suppression des différences sociales et financières. La réforme a tapé dur l'ensemble de la population, y compris les ouvriers. Le niveau de vie de tous était le même, très bas, à l'exception de la nouvelle élite politique.
Une vague de protestations s'est élevée contre la réforme. La plus grande opposition s'est créée à Plzen, parmi les employés de l'usine de la mécanique lourde, Skoda. Des centaines d'opposants ont été arrêtés, emprisonnés, licenciés, transférés dans des régions limitrophes et déportés dans des camps de travaux forcés. 331 personnes ont été jugées et condamnées à des peines de prison allant de 6 à 14 ans...