Comment le porte-parole du président Zeman est devenu un des mots tchèques de l’année 2015

Jiří Ovčáček (au milieu), photo: Khalil Baalbaki

Quel a été ou plus généralement quels ont été les « mots de l’année » écoulée (année dernière dans le cas présent) en République tchèque ? C’est la question qui revient, eh oui, chaque année, et dont, chaque année, eh oui, nous attendons impatiemment, que disons-nous, fébrilement, fiévreusement, la réponse. Pour 2015 cependant, le moins que l’on puisse dire est que le résultat n’a pas franchement constitué une surprise et qu’il a été celui qui était plus ou moins attendu. En revanche, les autres mots qui ont retenu l’attention des votants tchèques, comme « mluvčáček » et « sluníčkář », respectivement deuxième et troisième mots de l’année, méritent, eux, que l’on s’y arrête un peu plus longuement, et ce même s’ils sont proprement intraduisibles…

Photo: ČTK
Chaque fin d’année, le journal Lidové noviny organise un sondage auprès de ses lecteurs servant à élire « le mot de l’année » en République tchèque. Très souvent, le classement final des mots sélectionnés illustre quels thèmes d’actualité ou quels événements ont été, sinon les plus importants, au moins les plus marquants pour le grand public durant l’année écoulée. Il n’en a pas été autrement en 2015. Après deux années 2013 et 2014 à l’issue desquelles c’est le président de la République, Miloš Zeman, qui a tenu le haut de l’affiche (cf. : http://www.radio.cz/fr/rubrique/tcheque/virose-cendrier-amnistie-trafic-2013-en-tchequie-en-quelques-mots pour 2013 et http://www.radio.cz/fr/rubrique/tcheque/2014-en-republique-tcheque-en-un-mot-anglais pour 2014), cette fois c’est un terme qui a occupé une place centrale dans le débat qui anime la société européenne depuis plusieurs mois déjà qui est arrivé largement en tête. Et si l’on vous précise que le même mot a été retenu en Allemagne aussi, vous aurez très certainement deviné duquel il s’agit… Dans la langue de Goethe, cela a donné « Flüchtlinge », au pluriel peut-être parce qu’ils ont été un peu plus (enfin, pas qu’un peu) nombreux qu’en République tchèque, où cela donne « uprchlík »… Il s’agit bien entendu, nous le vous le donnons en mille, d’un « réfugié ».

Mais ce mot « uprchlík », tout comme « běženec », « migrant » ou même encore « utečenec », autant de substantifs qui désignent les réfugiés ou les migrants, nous les avons déjà évoqués récemment dans une précédente émission lorsque la crise migratoire - « migrační krize », était au plus fort : http://www.radio.cz/fr/rubrique/tcheque/uprchlik-migrant-bezenec-la-crise-migratoire-en-tcheque. L’essentiel de ce que nous pouvons retirer de ces différents mots ayant alors été dit, il nous a semblé plus intéressant de nous intéresser aux autres mots du sondage arrivés derrière « uprchlík » au classement du sondage.

Jiří Ovčáček  (au milieu),  photo: Khalil Baalbaki
Le premier d’entre eux, ou si vous préférez le deuxième mot de l’année 2015 en République tchèque, a donc été « mluvčáček », un mot que vous ne trouverez dans un aucun dictionnaire et qui n’est apparu que très récemment. Il s’agit d’un mot qui se rapporte directement au président de la République ou plus précisément à un personnage qui possède peut-être le rôle et la tâche les plus ingrats de toute la scène politique et médiatique tchèque : le porte-parole de Miloš Zeman. Une tâche ingrate parce que le chef de l’Etat est un habitué des prises de position pour le moins controversées et des déclarations provoquantes et polémiques. Du coup, c’est ce porte-parole qui est souvent chargé de justifier ou de défendre son supérieur, son chef. Et force est de reconnaître que le porte-parole fait tout cela avec un certain talent, et ce même si nombreux sont ceux à ne plus le supporter et à le trouver presque aussi provocateur que Miloš Zeman lui-même.

Photo: Martin Němec
Une fois cela expliqué, précisons que ce nouveau mot « mluvčáček » résulte de l’assemblage du terme « mluvčí », qui signifie « porte-parole », et du nom Ovčáček, qui est le patronyme du porte-parole, Jiří de son prénom, du président de la République. Bref, « mluvčáček » est en quelque sorte un jeu de mots qui sert désormais à désigner ce type de « mluvčí » - « porte-parole », au discours disons irritant. Par ailleurs, le suffixe « -ek » qui se trouve à la fin du mot sert en tchèque à former des diminutifs. Derrière « mluvčáček » se dissimule donc également une notion de petitesse, une idée accentuée par le fait que ce « petit porte-parole » s’appelle Ovčáček, un nom ou mot qui, une nouvelle fois grâce à la présence du suffixe « -ek », peut signifier « malý ovčák », soit un « petit berger », un « ovčák »étant chargé de garder les « ovce », c’est-à-dire les « moutons ». Et puis un « německý ovčák » est aussi un berger allemand et on peut supposer que ce n’est pas là un hasard non plus…

Photo: Matouš Hrdina
Parfois, sans doute pour parfaire encore un peu plus le jeu de mots, nous avons même entendu parler de « ovčí mluvčáček », ce qui nous donne alors, si l’on s’en tient à ce que nous venons de découvrir, quelque chose d’assez péjoratif dont le sens serait « petit porte-parole de mouton »… Bref, à n’en pas douter, même s’il s’agit là aussi d’une désignation péjorative, mieux vaut être en République tchèque un « sluníčkář », là aussi un mot intraduisible formé à partir du substantif « slunce » - le soleil. Un qualificatif, troisième mot de l’année 2015 en République tchèque, qui, en résumé, désigne une personne qui tend à adopter une position humaniste. Nous y reviendrons dans quinze jours dans notre prochaine rubrique. D’ici-là, portez-vous du mieux possible - mějte se co nejlíp !, que vous soyez un « sluníčkář » ou pas portez le soleil en vous - slunce v duši, salut et à bientôt - zatím ahoj !