Nous avons le plaisir de vous présenter le hipster des campagnes de Bohême et de Moravie : le barbu tchèque.
De tous les canidés domestiqués d’origine tchèque, le barbu tchèque est l’une des deux seules races à être reconnues par la Fédération cynologique internationale, et ce depuis l’année 1964. L’institution le classe parmi les chiens d’arrêt continentaux de type griffon et le décrit comme un « chien noble, de taille moyenne, à poil dur, dont l’aspect général dénote endurance et force ». Et pour ceux à qui les photos n’auraient pas suffi pour comprendre d’où le « český fousek » tire son nom, la rubrique « Robe – Pelage de la tête » du standard de la FCI est on ne peut plus didactique : « La partie inférieure des joues, de même que les babines, portent un poil plus long et plus doux, formant une barbe typique pour cette race. »
« Fait pour la campagne tchèque »
Le barbu tchèque – le bien nommé, donc – est un chien de taille moyenne, au poil rouan foncé ou brun, avec ou sans taches. Ayant des qualités héréditaires pour le travail dans les champs, l’eau et les bois, c’est un chien de chasse et d’utilité polyvalente. Ainsi le Club des éleveurs de barbus tchèques dit de lui qu’il est « fait pour la campagne tchèque », tout simplement. Son pelage spécifique semble en effet prédestiné au travail en extérieur, et le barbu tchèque serait bien malheureux s’il devait rester enfermé, comme l’explique Vladimíra Tichá, cynologue et porte-parole de l’Union cynologique tchéco-morave :
« Le barbu tchèque est capable de lever le gibier et de le rapporter, de travailler dans l’eau, sur le terrain et dans les bois. C’est un chien de chasse polyvalent. La seule chose qu’il ne peut pas faire, c’est suivre un renard dans son terrier – parce qu’il est trop gros pour y pénétrer. »
« En outre, c’est un chien très facile à gérer, d’une nature aimable, sans aucune tendance à l’agressivité ou à la bagarre avec d’autres chiens. Il peut donner l’impression d’être un peu bêbête, mais ce n’est pas vrai ! C’est une race intelligente. »
Trois types de poils
« Il a ce qu’on appelle un pelage à trois niveaux, c’est-à-dire qu’il a un sous-poil doux et dense, par-dessus lequel pousse un poil dur et dru et, tout au-dessus, des ‘soies’ longues, dures et droites. Ce pelage extrêmement résistant lui permet de supporter facilement le séjour à l’extérieur dans un enclos ou un chenil. C’est donc un chien que l’on ne croise pas beaucoup dans les villes. »
Mais attention : son amour pour le grand air ne fait pour autant pas du barbu tchèque un solitaire. Vladimíra Tichá :
« Si le barbu tchèque aime une chose, c’est bien d’avoir des gens autour de lui. Et il aime particulièrement les enfants. Je suis surprise que les canithérapeutes ne s’y intéressent pas encore, malgré sa nature aimable et sa gentillesse envers les gens. »
Les premières traces du barbu tchèque remontent au XIVe siècle, dans un document daté de 1348 et intitulé « Les choses du maître-chasseur » (Věci jagermisterské »), dans lequel il apparaît que le roi Charles IV a offert au margrave de Brandebourg Louis V de Bavière trois chiens courants, appelés canis bohemicus, pour la chasse. Cela fait du barbu tchèque la plus ancienne race de chien d’arrêt à poil court connue en Europe.
L’icône des pavillons de chasse
Race populaire dans les pays slaves et germaniques, on dit que chaque pavillon de chasse avait son barbu tchèque au XIXe siècle. D’ailleurs, en 1896, un pédagogue de Písek crée l’Association pour le chien d’arrêt à poil court – barbu tchèque. Mais en cette fin de Réveil national tchèque, la politique et le patriotisme se mêlent même à la cynologie, et l’activité du club canin n’a pas duré longtemps. Vladimíra Tichá :
« L’élevage des chiens ne reflète pas seulement l’histoire de l’humanité, mais également celle de la politique. A la fin du XIXe siècle et au début du XXe siècle vivait à Písek le professeur Sekyrka, qui y a fondé un club d’éleveurs de barbus tchèques. L’Empire austro-hongrois avait autorisé ce club à une condition : que la langue officielle en soit l’allemand. Mais les membres n’ont pas voulu accepter cette condition, estimant qu’au club du barbu tchèque, il fallait parler tchèque ! Et le club a donc rapidement disparu. »
La Première Guerre mondiale a entraîné le déclin de l’élevage de nombreuses races de chiens, et le barbu tchèque n’y a pas échappé. En effet, ces chiens n’étaient pas dressés pour la défense, et la pratique de la chasse n’était pas possible pendant la guerre.
La régénération de la race a repris après la Première Guerre mondiale, donc, et à l’heure actuelle, le barbu tchèque se classe à la deuxième place parmi les races de chiens de chasse employées en République tchèque et en Slovaquie. Par ailleurs, il existe un club des amis des barbus tchèques aux Pays-Bas, et cette race est connue aux Etats-Unis et au Canada, où on apprécie le caractère travailleur de ces chiens.
Quelque 114 chiens reproducteurs et 250 chiennes reproductrices sont actuellement recensés ; par ailleurs, chaque année, 400 à 600 chiots sont inscrits au registre généalogique de l’Union cynologique tchèque. Ce n’est pas peu, mais c’est moins qu’autrefois, comme l’explique Vladimíra Tichá :
« La race de chien d’arrêt la plus importante en termes d’inscriptions au registre est le braque allemand, avec 700 individus par an. La race la plus nombreuse en République tchèque reste le berger allemand, mais même dans ce cas, ils ne sont plus des dizaines de milliers comme autrefois. Le gros problème est qu’à l’époque de la Tchécoslovaquie communiste, il y avait beaucoup moins de races de chiens élevées dans le pays. Aujourd’hui, il y a environ 290 races en République tchèque ; à l’époque, il y en avait environ 120. Au fur et à mesure que de nouvelles races sont importées, les races originales sont évincées. Et le barbu tchèque n’échappe pas à la règle. »
Le barbu tchèque en chanson
S’il est moins populaire qu’il ne l’a été, le barbu tchèque semble toujours inspirer la production musicale – du moins celle des artistes tchèques. Ainsi, outre le chanteur morave František Segrado et sa chanson « Český fousek », l’inimitable Jaromír Nohavica a lui aussi consacré au barbu tchèque un morceau allégorique, dans lequel il se met dans sa peau – ou plutôt dans sa barbe.