La Tchéquie ne délivrera pas de visas humanitaires aux déserteurs russes
A la différence de l’Allemagne qui se dit prête à accueillir des déserteurs de l'armée russe « menacés de grave répression », selon le gouvernement de Berlin, la République tchèque a annoncé qu’elle ne délivrerait pas de visas humanitaires aux Russes qui fuient leur pays pour éviter la mobilisation.
« Je comprends que les Russes fuient les décisions de plus en plus désespérées prises par Poutine. Mais ceux qui quittent leur pays parce qu'ils ne veulent pas remplir un devoir imposé par leur propre État ne remplissent pas les critères pour recevoir un visa humanitaire », a déclaré, jeudi, le chef de la diplomatie tchèque Jan Lipavský.
Il faut savoir que la République tchèque a été le premier Etat membre de l’Union européenne à interdire les visas touristiques aux Russes après l’invasion de l’Ukraine par leur pays, en février dernier. Le visa humanitaire est le seul type de visa encore disponible pour des cas exceptionnels. Il peut être délivré par exemple aux opposants au régime de Vladimir Poutine persécutés dans le pays et aux militants des droits de l’Homme.
« Nous accordons des visas humanitaires aux Ukrainiens qui fuient la guerre. Les citoyens de la Fédération de Russie peuvent, bien sûr, demander l’asile en République tchèque, par exemple. » « (…) Pour des raisons de sécurité, la Tchéquie ne peut pas accepter des ressortissants russes venant en si grand nombre », a expliqué le ministre des Affaires étrangères pour la Radio tchèque.
Le Premier ministre Petr Fiala a confirmé que les personnes en provenance de Russie devraient déposer une demande d’asile. « Leur demande sera évaluée selon les modalités habituelles », a déclaré le chef du gouvernement pour le site Blesk.cz. Il a ajouté cependant que les autorités tchèques n’avaient pour l’instant « aucun signalement concernant un afflux de Russes souhaitant éviter la mobilisation ».
Celle-ci a été ordonnée, mercredi, par le président Poutine et devrait concerner, selon le ministère russe de la Défense, quelque 300 000 réservistes. Cette mobilisation partielle, la première proclamée par la Russie depuis la Seconde Guerre mondiale, a en effet augmenté le nombre de départs du pays.
« Je suis à 500 ou 1 000 kilomètres des frontières des pays où je pourrais éventuellement me réfugier. C’est très loin. De plus, les files d’attente pour acheter des billets d’avion ou de train sont énormes. Nous n’avons donc pas d’autre choix que de nous cacher ou de nous soumettre volontairement à la mobilisation », a confié à la Radio tchèque Yosiph qui vit dans la région d’Irkoutsk, en Sibérie orientale.
En proclamant la mobilisation partielle, le président Vladimir Poutine a également mis en garde l’Occident contre tout « chantage nucléaire », affirmant que la Russie serait prête à répondra avec toute la puissance de son arsenal.
Dans son discours prononcé, jeudi, devant le Conseil de sécurité de l’ONU, le chef de la diplomatie tchèque Jan Lipavský s’est strictement opposé à cette rhétorique. Evoquant l’invasion de la Tchécoslovaquie par les troupes du Pacte de Varsovie en 1968, il a souligné la nécessité de rejeter une fois pour toutes « les désirs impérialistes de la Russie et sa politique coloniale ».
Dans la première intervention d’un représentant de la République tchèque au Conseil de sécurité depuis près de 30 ans, Jan Lipavský a enfin appelé à la création d'un tribunal international spécial pour « poursuivre le crime d'agression commis par la Russie ». Le président ukrainien Volodymyr Zelensky a aussitôt ordonné de mettre en place un groupe de travail en vue de la création du tribunal.