Héros du ciel : les destins des pilotes tchécoslovaques en France et en Angleterre exposés à Paris

Héros du ciel

Alors que la France s’apprête à célébrer les 80 ans du Débarquement en Normandie, une exposition sur les grilles de l’ambassade de République tchèque à Paris rappelle le rôle essentiel joué par les pilotes tchécoslovaques pendant la bataille de France, puis dans les rangs de l’armée britannique.

« On rend hommage à quatorze pilotes : cinq qui ont spécifiquement combattu pendant la bataille de France en mai-juin 1940 et neuf autres qui ont combattu un peu en France, mais surtout depuis le Royaume-Uni, pendant la bataille d’Angleterre puis toutes les opérations jusqu’au Débarquement de Normandie et jusqu’à la Libération. »

Benoît Colin | Photo: Martin Balucha,  ČRo

Benoît Colin est le commissaire de l’exposition intitulée « Héros du ciel », à voir au 15 avenue Charles Floquet à Paris : son grand-père, fusillé en 1944 pour actes de résistance, avait auparavant été à la tête d’un escadron de chasse en 1940. Au sein du groupe qu’il dirigeait, huit pilotes tchécoslovaques. Si le rôle des aviateurs tchécoslovaques dans la Royal Air Force est bien connu et documenté, jusqu’à avoir trouvé une place au cinéma avec le film Tmavomodrý Svět de Jan Svěrák, la plupart de ces soldats ont d’abord rejoint les rangs de l’armée française après avoir fui leur Tchécoslovaquie natale, occupée par les nazis.

« Il y avait deux parcours principalement. A partir de mars 1939, lorsque les Allemands envahissent la Tchécoslovaquie, ils partent en Pologne : les pilotes pensaient pouvoir combattre là-bas, mais les Polonais leur ont dit non parce que cela risquerait d’énerver les Allemands. Ces pilotes tchécoslovaques ont continué leur chemin jusqu’en France, grâce à un bateau suédois. Une deuxième voie d’évasion était par le Sud, via la Yougoslavie et la Grèce : c’était beaucoup plus long, on mettait quasiment deux mois pour arriver en France. Fin juin 1940, lorsqu’il faut partir en Angleterre, les deux filières de sortie de la France ont été les Pyrénées atlantiques, via Perpignan et Agde, et de l’autre côté, Bayonne et Biarritz. Il y avait aussi la sortie par Gibraltar qui permettait de retrouver des bateaux qui les ont emmenés en Angleterre. »

En juin 1940 un pilote sur huit dans l’armée française est tchécoslovaque : contrairement à l’Angleterre où seront créés des escadrons tchécoslovaques à part entière, ceux-ci sont intégrés dans les escadrons de chasse existants.

« La campagne de France, c’est 120 pilotes tchécoslovaques. On pense qu’il y avait trois fois plus de mécaniciens. C’est donc un corpus de 400-450 Tchécoslovaques qui sont en France pendant les combats de mai et juin 1940. En Angleterre, c’est plus difficile à compter parce que des gens sont venus, des gens sont partis, il y a aussi beaucoup de morts (500). On estime qu’il y a plus de 1 000 pilotes et mécaniciens tchécoslovaques qui ont participé aux opérations entre 1940 et 1945. »

Des as de l’aviation tchécoslovaques au service de la France

Les aviateurs tchécoslovaques sont expérimentés, et reconnus comme tels : nombre d’entre eux ont des milliers d’heures de vol derrière eux et ils représentent donc un apport incontestable pour l’armée de l’air française. Comme le rappelait l’historien français Paul Lenormand sur notre antenne, on considère que les pilotes tchèques peuvent revendiquer quelque 600 victoires dans les airs. Expérience solide et motivation légitime à combattre l’ennemi nazi sont les deux caractéristiques principales du rôle de ces pilotes :

« Ces pilotes étaient extrêmement impliqués, ils avaient une envie de combattre incroyable car ils s’étaient fait confisquer leur pays. Ils avaient une hargne au combat incroyable mais aussi une grande joie de vivre, une gentillesse, que l’on voit sur les photos. J’ai aussi lu beaucoup de témoignages montrant qu’il y avait une grande amitié entre les pilotes tchécoslovaques et français. Déjà par la langue car de nombreux pilotes tchécoslovaques parlaient français, ou au moins quelques mots. Dans les quelques témoignages que j’ai pu lire, on sent une grande amitié entre eux, et aussi le très grand professionnalisme des Tchèques. J’aime beaucoup parler de František Peřina. Sur une photo de l’exposition, il porte un double uniforme de l’armée de l’air française et de la Royal Air Force, mais avec une casquette de pilote tchécoslovaque. C’est extraordinaire : ces gens-là n’ont rien perdu de leur parcours. Cela montre à quel point, au-delà du fait qu’ils étaient tchécoslovaques, ils étaient aussi un peu français et un peu britanniques. C’est aussi le signe d’une grande amitié entre les gens. »

La bataille de France, perdue au sol, pas dans les airs

František Peřina donc, mais aussi Alois Vašátko ou František Fajtl, font partie des grands noms que l’histoire a retenus pour leurs exploits aériens. Peřina, plus connu sous le surnom de Rinope en France, fait partie de ces as tchécoslovaques qui se sont fait une réputation d’entrée de jeu dans la bataille de France, avec 4 bombardiers allemands abattus dès le 10 mai 1940 et une suite de victoires aériennes dans les jours suivants.

« Il y a eu des combats extrêmement difficiles. Les Allemands étaient capables de mobiliser beaucoup plus d’avions sur une mission. Les Français avaient alors encore une doctrine avec une mission à trois ou six avions. Nous n’étions pas capables de mobiliser de grandes forces. Il est donc arrivé qu’on se retrouve avec beaucoup d’avions allemands face à peu d’avions français. Mais les Français et les Tchécoslovaques ont tenu tête aux Allemands. Ce n’est pas dans les airs que la bataille a été perdue, mais au sol. Tous les aviateurs ont fini la bataille de 1940 fiers de leur travail, mon grand-père l’a écrit. Effectivement, sur les huit Tchèques dans le groupe de mon grand-père, deux sont morts dans les combats. C’est beaucoup. Il avait commencé avec 40 pilotes français et tchèques en tout, et huit sont morts. Donc les pilotes se sont vraiment battus. »

L’exposition rend également hommage à des cadors du ciel moins connus que Vašátko ou Peřina, comme Antonín Králík, mort pour la France en mai 1940 ou encore Eduard Prchal et Otto Špaček, deux pilotes dont le parcours est typique de celui de nombreux aviateurs tchécoslovaques : ayant servi dans l’armée de l’air française, puis dans la RAF, retournés en Tchécoslovaquie après la guerre, tous deux ont fini par émigrer après le Coup de Prague de 1948, par crainte de la répression qui s’est abattue sur la plupart des soldats tchécoslovaques ayant combattu côté Alliés pendant la guerre.

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Auteurs: Anna Kubišta , Martin Balucha
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