Jan Palach, 40 ans plus tard : des photos inédites
Le 16 janvier dernier, les Tchèques se sont souvenus du geste dramatique de Jan Palach : il y a 40 ans, à la façon des bonzes au Vietnam, ce jeune étudiant tchèque se suicidait par le feu pour inciter le peuple tchécoslovaque à continuer la lutte et protester contre l’occupation de son pays. Dana Kyndrová est photographe... Elle a monté une exposition dans le couvent des Franciscains, place Jungmann, à Prague, qui présente jusqu’au 28 février des photos jusqu’alors inédites des journées de cohésion nationale retrouvée qui ont suivi son sacrifice...
« Pas précisément, je me souviens des événements qui se sont passés après. Le 16, non, mais après c’était l’émotion : tout le monde était dans les rues. »
Vous faisiez partie des manifestants ?
« J’avais 14 ans et je gardais le cercueil de Jan Palach au Carolinum. J’étais scout et on était très fiers d’être là... »
Parlez-moi de cette exposition. Cela vous tenait à coeur de réaliser une exposition exclusivement consacrée à Jan Palach, dans un cycle d’expositions sur des événements historiques comme 1968. Pourquoi une exposition à part sur Jan Palach ?« Je collectionnais des photos pour l’exposition que j’ai montée l’année dernière à l’occasion du 40e anniversaire de l’occupation. Je voulais mettre dans ce projet des photos de Jan Palach, comme épilogue. J’avais beaucoup de photos et je me disais qu’il était dommage de tout faire en même temps. J’ai décidé de faire une exposition et un livre. »
Quelles sont les dates que vous avez retenues pour ces photos ? Il y a un sous-titre avec des dates précises, du 16 au 25 janvier...« Le 16 c’était donc le jour de l’immolation de Jan Palach et le 25 était le jour des funérailles dans Prague. Il y a encore eu une grande manifestation le 20, une manifestation énorme qui avait commencé place Venceslas, se poursuivait à travers la Vieille-Ville et s’est terminée devant le bâtiment de la faculté des Lettres, le soir. C’était très impressionnant. »
En effet, c’est cela qui impressionne quand on voit les photos de votre exposition, c’est le nombre de personnes qui sont dans les rues. Il y a une photo aérienne où on voit les gens qui font la queue jusqu’à l’Université Charles...
« Oui, il y avait 50 000 personnes qui sont passées au Carolinum pour rendre hommage à Jan Palach. »
Parlez-nous de ce que représentent ces photos puisque finalement il y a énormément de photos inédites. Où les avez-vous trouvées et les photographes sont-ils tous des professionnels ?« La majorité sont des professionnels. Ce sont des photographes tchèques connus donc je supposais qu’ils avaient pris des photos à l’époque. J’ai collecté ces photos pendant quatre ans. Ce n’était pas trop difficile de les trouver parce que c’était un évément important : quiconque était à Prague prenait des photos. Parfois c’était difficile. Si on compare avec l’occupation de 1968, c’était alors plus dramatique et plus difficile. Mais là, c’était des étudiants avec des drapeaux tranquilles. Je suis aussi photographe alors je sais que c’est assez simple. »
Il y a des photos dans cette exposition qui n’ont jamais été publiées. Pourquoi ?
« Il n’y a pas eu d’occasion. En 1969, en janvier, on pouvait encore, mais après il y a eu la normalisation. Beaucoup de photographes ont caché ces négatifs, certains ne les ont jamais retrouvés tellement ils les avaient bien caché. »
Et il y a une photo qui est particulière : on y voit Jan Zajíc, le deuxième jeune homme qui s’est immolé à la suite de Palach...« Oui, à cette exposition, il y a des photos des funérailles de Jan Zajíc, qui ne se sont pas déroulées à Prague, mais en Moravie. Il voulait être enterré à Prague mais la police secrète l’a défendu. »
Et sur une photo où l’on voit Jan Zajíc, on découvre par la même occasion qu’après le geste de Jan Palach il y a eu des grèves de la faim...
« Oui, Jan Zajíc était venu de Moravie à Prague, personne ne le savait. Même pas sa mère et son père. Il a passé quelques jours ici, place Venceslas. Et sur une photo on le trouve. »Quel est le message du geste de Jan Palach aujourd’hui et quel est votre sentiment par rapport à ce geste ?
« C’est un peu difficile à expliquer. Le message pour moi, ce n’est pas qu’il faut pas s’immoler mais qu’il faut se battre contre la réalité, contre les moments quelquefois difficiles. Parfois les gens se disent : qu’est-ce qu’on peut faire de toutes les façons contre ceux qui sont au pouvoir ? Il faut faire quelque chose dans son domaine. Si vous avez la possibilité de faire quelque chose, même si ce n’est pas beaucoup, il faut le faire, contre les injustices. »