L'amertume et l'espoir du cinéaste Otakar Vavra, 90 ans
Il a écrit quatre-vingts scénarios, tourné quarante-neuf films et voudrait bien y ajouter encore un, le cinquantième. Il s'appelle Otakar Vavra et ce mercredi, il fête ses 90 ans. Portrait signé Magdalena Segertova.
On pourrait continuer dans le même style : ce réalisateur tchèque des plus connus a vécu la fameuse Première république tchécoslovaque, deux guerres, le communisme, la liberté des "sixties". Il a tourné des films grandioses aux budgets jadis vertigineux, avec des vedettes tchèques les plus brillantes : Adina Mandlova, Lida Baarova, Zdenek Stepanek et des dizaines d'autres... Pour Otakar Vavra, le cinéma représentait tout. Il abandonne ses études d'architecture à Brno, en Moravie, et arrive à Prague avec une petite valise et la tête pleine de rêves. Au début, il écrit des critiques de cinéma et, en 1931, il tourne son premier film. Ses meilleures oeuvres ont été créées dans les années 30 et 60. Les sujets de ses films, Otakar Vavra les a souvent trouvés dans l'histoire tchèque, mais aussi dans le monde des belles lettres, rappelons ses adaptations réussies d'oeuvres de grands écrivains tchèques. Enseignant à la faculté de cinéma de Prague, Otakar Vavra forme la "nouvelle vague" de réalisateurs tchèques et slovaques, dont vous connaissez, sans doute, les noms: Vera Chytilova, Evald Schorm, Jiri Menzl, Juraj Jakubisko... Alors que certains de ses disciples talentueux tombent, après 1968, en disgrâce politique, Otakar Vavra continue à travailler. Nombreux sont ceux qui lui repprochent, aujourd'hui, d'avoir eu de bonnes relations avec l'élite communiste, d'avoir été loyal, obéissant sous n'importe quel régime... "Me faire remarquer dans le monde du cinéma m'avait coûté beaucoup d'énergie. Je n'ai donc pas voulu renoncer à tout et perdre mon travail, qui m'est si cher",
explique Otakar Vavra. Les interviews qu'il accorde aux journalistes ont, ces derniers temps, un goût amer et optimiste en même temps. Pourquoi amer ? Des conflits avec la Télévision tchèque l'empêchent de réaliser son cinquantième film sur le destin mouvementé de l'actrice Lida Baarova. Pourquoi optimiste ? A 90 ans, le cinéaste est toujours en forme. "Si l'on me disait : dans une heure, on t'attend sur le plateau, j'y serais!", dit Otakar Vavra, grand professionnel, dont les comédies, films historiques, documentaires et psychologiques, n'ont rien perdu de leur popularité.