Le festival One World soutient les réalisateurs ukrainiens
Après deux ans de festival organisé exclusivement en ligne, la 24ème édition du festival de films documentaires sur les droits de l’Homme One World (Jeden svět) revient dans les cinémas tchèques. Organisé par l’ONG People in Need (Člověk v tísni), le festival se déroule du 21 mars au 3 avril dans toute la République tchèque, et du 23 au 31 mars à Prague. Cette année, la thématique choisie s’intitule « Les chemins de la liberté » (Cesty svobody).
Depuis plus de deux décennies, le festival One World projette dans toute la République tchèque une sélection de films documentaires du monde entier qui traitent de la question des droits de l’Homme. Le festival tchèque organisé par l’ONG People in Need est aujourd’hui le plus grand festival de films documentaires sur cette thématique au monde.
En 2022, après n’avoir été accessible pendant deux ans qu’en ligne, le festival se réinvite dans 25 villes jusqu’au 3 avril et à Prague même jusqu’au 31 mars. Néanmoins, pour ceux qui n’auraient pas la possibilité de se rendre dans les salles obscures, le festival propose également une sélection de vingt documentaires sur sa plateforme virtuelle, One World online. Du 21 mars au 3 avril, ce sont 80 films documentaires qui seront projetés dans les cinémas tchèques et pour la huitième année consécutive, 6 films en réalité virtuelle. Les 86 films projetés dans le cadre du festival sont répartis dans diverses catégories. Tomáš Poštulka, chargé de la programmation et des relations publiques pour le festival One World, nous en dit plus :
« Nous avons trois catégories compétitives. Tout d’abord, nous avons la catégorie de la ‘Compétition internationale’ qui se concentre sur les films documentaires les plus récents qui sont tout à la fois intéressants et visuellement et formellement réussis. C’est la catégorie la plus prestigieuse que nous ayons. Il y a ensuite la catégorie ‘Vous avez le droit de savoir’ qui est également compétitive mais qui est, elle, davantage axée sur le sujet que sur la forme. Enfin, nous avons la catégorie de la ‘Compétition tchèque’ qui présente les derniers documentaires sur les droits de l’homme créés en République tchèque.
Nous avons aussi des catégories non compétitives. Il y a évidemment la catégorie principale de l’édition de cette année ‘Chemins de la liberté’. Dans cette catégorie, nous ne présentons pas exclusivement les films les plus récents. Ce qui nous intéresse, c’est le sujet des films documentaires. Nous avons d’autres catégories non compétitives, comme ‘Unearthed’ qui se concentre sur des questions environnementales, et nous avons cette année deux nouvelles catégories, ‘Soigner et protéger’, axée sur les thématiques de la santé mentale et de la question des soins, et ‘l’Avenir nous appelle’, qui présente des scénarios sur ce à quoi la société pourrait ressembler dans plusieurs années. »
Si Tomáš Poštulka insiste particulièrement sur la catégorie intitulée « Chemins de la liberté », c’est parce que la thématique du festival pour l’année 2022 lui est éponyme. Tomáš Poštulka nous explique comment cette thématique avait été choisie pour l’année 2022 :
« Nous avons ressenti le besoin de souligner qu’il y a beaucoup de sujets et de problèmes dans le monde qui sont tout aussi importants voire plus importants que la pandémie de coronavirus que nous avons vécue. Il y a encore de graves violations des droits de l’Homme dans des pays comme la Birmanie, la Biélorussie et dans tous les pays qui souffrent de régimes répressifs ou dictatoriaux. Comme nous le constatons maintenant en regardant ce qu’il se passe en Ukraine, ce sujet est encore plus important et plus réel que ce que nous avions souhaité en choisissant cette thématique. C’est triste que nous ayons choisi un sujet qui a tant d’actualité et qui est si douloureux en ce moment, mais cela montre que ce genre de réflexion sur les régimes dictatoriaux est d’une grande importance actuellement. »
Parmi les films présentés dans la catégorie « Chemins de la liberté », un a particulièrement marqué le chargé de programmation, il s’agit de So Foul a Sky réalisé par le réalisateur espagnol Álvaro F. Pulpeiro qui se déroule au Venezuela :
« C’est un film extraordinairement élaboré sur le plan artistique, qui consiste en de longues prises de vue esthétiques de différentes parties du Venezuela et qui exprime de manière très latente les problèmes auxquels le pays est confronté : l’inflation, les migrations, une sorte de régime répressif dont ce pays a souffert. Après avoir regardé le film, on a vraiment l’impression d’avoir voyagé dans tout le Venezuela et d’avoir rencontré ses habitants. »
A Prague, le festival sera lancé avec la projection au cinéma Lucerna du film polonais Juges sous pression qui aborde le sujet de l’élimination de juges indépendants du système judiciaire polonais. Les organisateurs du festival espèrent ainsi sensibiliser le public tchèque au fait que la répression de la liberté et des droits de l’Homme peut exister aussi dans un pays voisin membre de l’Union Européenne. Le réalisateur Kacper Lisowski et la productrice Iwona Harris seront présents, ainsi que le protagoniste principal du documentaire, le juge Igor Tuleya.
L’ouverture du festival sera traditionnellement accompagnée de la remise du prix Homo Homini :
« Il s’agit d’un prix décerné depuis 1994 par People in Need à des activistes ou à des défenseurs des droits de l’Homme du monde entier. Cette année, l’avocate et activiste égyptienne Mahienour Al-Masry a reçu ce prix pour sa contribution significative à la défense des droits de l’Homme en Egypte et pour son combat pour un système judiciaire libre en Egypte. »
Interrogé sur l’importance d’un tel festival pour la société, Tomáš Poštulka répond :
« Il est très important pour nous de diffuser les connaissances dont nous disposons et de sensibiliser les gens à ce qui se passe dans les pays du monde entier. Je pense que c’est peut-être encore plus important après la pandémie, car pendant la pandémie, nous étions tous refermés sur nous-mêmes et nous nous concentrions quasiment exclusivement sur ce qui se passait dans nos propres vies et dans nos pays, mais il est important de se rappeler qu’il y a des pays dans le monde entier qui souffrent de problèmes plus difficiles. »
Cette ambition de sensibilisation aux causes humanitaires a permis au festival One World de se voir décerner une mention spéciale en 2006 par l’UNESCO pour son travail éducatif en matière de droits de l’homme. Inauguré trois semaines après le début de la guerre en Ukraine, les organisateurs ont également tenu à faire preuve de leur solidarité et à soutenir le pays à leur échelle :
« Nous avons essayé de négocier les droits pour des films ukrainiens qui pourraient être projetés dans toute la République Tchèque et nous avons réussi à négocier trois films qui pourront être projetés gratuitement dans toute la République tchèque. Nous avons obtenu les droits pour les films La Terre est bleue comme une orange, Bellingcat et No Obvious Signs. Tous ces films sont consacrés à l’Ukraine et ont été réalisés par des cinéastes ukrainiens. Les séances sont gratuites, mais les gens peuvent verser la somme qu’ils souhaitent ; l’argent va ensuite directement aux cinéastes ou à des fonds de soutien à l’Ukraine. C’est comme ça que le festival One World essaie d’être engagé et d’aider la population ukrainienne et les directeurs ukrainiens. »
Du 20 au 28 avril 2022, le festival One World s’exporte à Bruxelles, en Belgique. Une sélection de films documentaires sur les droits de l’homme sera présentée au public et les projections seront accompagnées de discussions avec des défenseurs des droits de l’homme, des cinéastes et divers acteurs de la communauté internationale.