Le message humaniste de Karel Čapek
Difficile de choisir dans la large palette des activités de Karel Čapek celle qui était la plus importante. Bien sûr, il était avant tout écrivain, mais nous pouvons toujours nous demander s’il a investi ses dons les plus précieux dans ses romans, dans ses pièces de théâtre, dans ses essais, dans ses oeuvres à caractère autobiographique dont les célèbres récits de voyages ou dans son immense œuvre journalistique.
Karel Čapek a laissé une profonde empreinte dans tous ces genres littéraires tout en s’adonnant à de nombreuses autres activités, car il était entre autres photographe, dessinateur, jardinier passionné, collectionneur de musiques ethniques, franc-maçon, président du PEN Club tchèque et penseur relativiste. Il a réussi à faire tout cela dans l’espace d’une vie qui a duré à peine 49 ans et s’est achevée en décembre 1938, à la veille de l’occupation de son pays par les hordes hitlériennes. L’humaniste qui croyait profondément en l’homme ordinaire et aimait passionnément son pays, ne pouvait plus vivre dans un monde devenu inhumain.
C’est grâce à lui que le journalisme tchèque est devenu adulte. Les feuilletons écrits par Čapek pour les journaux Národní listy et Lidové noviny sont aujourd’hui considérés comme des classiques du genre. Son collègue, le journaliste Otomar Zdeněk se souvient:
«Lui, qui était déjà un écrivain connu et une personnalité importante, entretenait de meilleurs rapports avec nous, ses cadets. Il cherchait à nous aider et j’ai beaucoup appris de lui. Il était déjà malade, mais ne le faisait pas paraître en cherchant à surmonter sa maladie et manifestant sa volonté de vivre. Plutôt modeste et doux, il savait se révolter quand il le fallait et s’opposer à ce qu’il jugeait négatif.»
Sous la plume de Karel Čapek, la langue tchèque débarrassée de la grandiloquence du XIXe siècle est devenue un instrument capable d’exprimer les richesses et les nuances de la vie. Il a su profiter de cette richesse pour ses traductions et notamment celles réunies dans l’anthologie « La poésie française contemporaine », publiée en 1920. Ce travail de traducteur est évoqué dans un témoignage de sa femme Olga Scheinpflugová:
«Čapek m’ouvrait les yeux en attirant mon attention sur tous les détails de la vie et de l’art. Il m’apprenait à voir d’une façon moderne. Il m’a fait frémir en me lisant Prudhomme et Francis Jammes. Souvent nous avons récité ensemble Rimbaud, Baudelaire et bien sûr aussi Apollinaire. Pour moi, c’étaient des révélations poétiques. Il me lisait leurs vers, ou il les récitait en français, et aussi dans sa traduction tchèque en me faisant remarquer combien de variations il avait trouvées.»
Les oeuvres de Karel Čapek ont été traduites dans une cinquantaine de langues, et il a été plusieurs fois candidat au prix Nobel. Dans les années 1930, il s’est lancé courageusement dans la lutte contre les régimes totalitaires qui allaient déclancher le cataclysme mondial. Il a perdu ce combat, mais ses idées et son attitude dans ces années difficiles ne cessent de nous rappeler, encore aujourd’hui, les dangers qui menacent notre civilisation.