Le Première dame tchèque devrait-elle percevoir un salaire ?
Près de 95 000 couronnes (3 700 euros) : telle pourrait être la rémunération mensuelle du conjoint du président tchèque. Préparé par le ministère du Travail et des Affaires sociales, l’amendement qui officialise le statut de Première dame en Tchéquie devrait être soumis prochainement à la Chambre des députés. Soutenue par le chef de l’État Petr Pavel, la proposition suscite la critique.
« La Première dame, tout comme le président, sont au service de l’Etat. (…) Je n’ai jamais demandé une augmentation des moyens financiers. Au contraire, j’ai proposé de réduire le budget consacré à l’exercice de mes fonctions au profit de mon épouse, afin qu’elle puisse exercer pleinement son travail, sans être dépendante de son mari », a déclaré Petr Pavel dans une vidéo diffusée sur le réseau social X.
En plus de son salaire qui s’élève à quelque 342 000 couronnes (13 000 euros), le chef de l'État reçoit donc près de 317 500 couronnes pour financer ses voyages à l’étranger et autres dépenses relatives à l’administration de la présidence. Selon l’amendement en question, quelque 30 % de ce budget, donc plus d’un million de CZK par an, devraient être accordés au conjoint du président de la République.
« Au cours des trente dernières années, cette question n’a jamais été abordée. Il faut se rendre compte que la Première dame représente également la Tchéquie, or la législation des années 1990 ne s’intéresse pas du tout à son statut. Par le passé, il a fallu solliciter diverses fondations et sponsors pour permettre aux Premières dames d’exercer leurs activités. Ce n’est pas juste et ce n’est pas digne », a expliqué le ministre du Travail et des Affaires sociales, Marian Jurečka (KDU-ČSL).
« Injuste », ce mot a été employé également par le président Petr Pavel, lorsqu’il a expliqué que les années de travail « pour l’Etat » de son épouse Eva n’étaient pas validées pour sa retraite et que la Première dame devait elle-même payer l’assurance maladie et sociale.
Une situation qu’Eva Pavlová a elle-même décrite au micro de la Radio tchèque. Ancienne lieutenant-colonel, elle a quitté l’armée tchèque en 2018 pour travailler ensuite comme assistante dans un centre de médiation familiale :
« En tant qu’épouse du président de la République, je devrais probablement continuer à travailler, par ce que je n’ai pas encore atteint l’âge de retraite. Alors oui, j’ai envisagé de reprendre le travail au centre de médiation familiale ou de travailler comme comptable par exemple, mais comme je suis en même temps tenue d’accompagner mon mari lors de ses voyages et d’être à ses côtés pendant des événements officiels, je serais out le temps absente au travail, je ne sais pas comment je pourrais exercer les deux activités à la fois. Aussi, je voulais faire ce que j’ai promis au cours de la campagne présidentielle de mon mari, c’est-à-dire apporter mon aide dans les domaines du social et de la santé. C’est ce que je fais, au sein de ma fondation. Mais officiellement, je suis au chômage, je paie mes cotisations et je travaille gratuitement. »
Le projet d’accorder une rémunération à l’épouse du président a suscité une critique de l’opposition. Une des principales figures du mouvement ANO, la député Alena Schillerová a déclaré :
« En tant que femme, je comprends tout à fait que l’épouse du président doit répondre à certaines exigences puisqu’elle représente le pays. (…) Mais ce n’est pas le bon moment d’introduire ce dispositif. Je rappelle qu’à la Chambre des députés, nous discutons de certaines lois clairement antisociales, le gouvernement augmente les impôts et notre économie n’est pas en forme. (…) Les citoyens prendraient mal un tel changement. »
Au sein de la coalition gouvernementale, les réactions sont mitigées. Si l’amendement a été soutenu par Marketa Pekarová Adamová du parti TOP 09, pour qui le salaire de la Première dame représenterait « une somme négligeable pour le budget de l’Etat », le chef des députés chrétiens-démocrates Aleš Dufek ne partage pas son avis : « L’idée est bonne, mais le montant réel de la rémunération proposée nous a toutefois surpris », a-t-il déclaré.
Dans ce contexte, les médias tchèques rappellent que rémunérer les conjoints des chefs d’Etat n’est pas chose courante en Europe, à la différence des Etats-Unis où la Première dame a un rôle plus codifié et dispose de moyens dédiés grâce à une loi de 1978, sans percevoir pour autant un salaire.