Le réalisateur des Choristes a choisi Prague pour tourner son nouveau film
Le réalisateur français Christophe Barratier, s'est fait connaître avec Les Choristes en 2004. Un succès instantané, et pas qu'en France. Il récidive maintenant avec Faubourg 36 qui se déroule dans le milieu du music-hall parisien. C'est Prague qui a été choisie pour évoquer le vieux Paris.
Jour de pluie froid, air humide qui transperce les petites laines. Nous sommes au cimetière d'Olsany, sur les hauteurs de Prague, pour le tournage du film Faubourg 36. Servi par des acteurs français de renom tels que Gérard Jugnot, Clovis Cornillac, Kad Merad et Pierre Richard, hormis cinq jours tournés à Paris, tout le film est réalisé à Prague, à la fois dans des décors naturels, comme le cimetière, mais aussi dans des décors qui restituent le Paris pavé et disparu des années trente. Radio Prague a assisté au tournage d'une scène d'enterrement avant de m'entretenir avec le réalisateur, Christophe Barratier.
Vous avez choisi comme thème le music-hall pour ce film. Pourquoi le music-hall et pourquoi les années trente ? Est-ce une période qui vous tient à coeur particulièrement ?
« C'est surtout l'année 1936 qui me tenait à coeur. C'est une année où les Français se sont pris à rêver que les lendemains pouvaient être meilleurs, qu'on allait partir en vacances, qu'on aurait des congés payés, qu'on ne travaillerait plus le samedi. Cela a créé un immense espoir, sur un fond politique extrêmement fort et tourmenté, avec une très violente opposition droite-gauche, et surtout partout en Europe, du côté de l'Allemagne, de l'Italie et de l'Espagne, des périls qui se lèvent fortement. On a l'impression que ces Français, ce 14 juillet 1936, qui est à peu près la date de fin du film, sont en train de danser au bord du volcan sans s'en apercevoir. On a rêvé de vacances, et deux ans après on a trouvé le grand chaos mondial. C'est une histoire sur fond de music-hall car c'est une histoire sur un fond de musique. Pour traiter des ouvriers, j'ai choisi de traiter des ouvriers d'un petit théâtre de music-hall qui ne sont pas des artistes, mais qui se prennent à rêver portés par le grand vent d'espérance de 1936, qu'ils pourraient eux aussi, prendre en main leur destin, ce qu'ils ne vont pas arriver tout à fait à faire. »
Pourriez-vous présenter en quelques mots les principaux personnages du film ?
« D'abord, on a nos trois camarades, ouvriers au chômage. Le premier, Germain Pigoual est joué par Gérard Jugnot. En réalité, lui, ce qui l'anime, c'est de retrouver son fils qui lui a été soustrait par les services sociaux parce qu'il ne pouvait plus en assumer l'éducation. Clovis Cornillac, le personnage de Milou, est le plus investi dans la vie politique. Ils sont néanmoins très amis, mais ont des visions de la vie totalement différentes. Le but de Milou, c'est de changer le monde. Quant au personnage de Kad Merad, c'est un personnage qui se prend pour un grand artiste, un très grand imitateur alors qu'au début de l'histoire il est très mauvais. Ce qui l'anime en rénovant ce music-hall, c'est de trouver une scène pour lui. Ils ont donc chacun des motivations différentes, mais un même objectif, c'est de réussir à faire renaître ce vieux music-hall abandonné. Malheureusement, leur lutte va être rendue difficile par l'apparition d'un personnage classique de cette époque, un mafieux, qui tenait le quartier à l'époque, et par l'apparition d'une jeune chanteuse, qui a vingt ans, qui vient à Paris pour tenter sa chance, et en faisant battre les coeurs va apporter aussi une certaine tension dans le groupe. J'ai toujours le sentiment de faire des films universels. Quand j'avais fait Les choristes, ça parlait d'enfants français dans une école française, mais en revanche, je qui m'anime, c'est de rendre des sentiments universels. Je pense que dans tous les pays du monde, chacun peut se reconnaître dans le destin de ces ouvriers. Il ne s'agit pas d'un problème franco-français. Les événements politiques ne sont qu'une toile de fond, mais ce n'est pas un film politique, c'est un film d'histoire sur la France. C'est avant tout une histoire d'amitié, d'émancipation. Ce qui m'anime, ce n'est pas que les histoires soient forcément internationales, je n'aime pas ce mot. Quand on dit qu'on va faire un film international, c'est du marketing. C'est un film universel, ce qui est différent.D'une autre façon, quand les gens du monde entier viennent visiter la France, ils aiment retrouver ces décors, Montmartre, ces atmosphères d'un vieux Paris qui rappellent un Paris un peu idéal. Il ne s'agit pas de faire un film touristique mais ce Paris là, est un Paris qui visuellement intéresse beaucoup les gens à l'étranger. C'est pour cela que le décor que nous avons reconstitué à Prague est très poétique. Je n'ai pas voulu recréer un quartier en particulier, mais refaire un quartier qui est une synthèse entre les vieux quartiers populaires de Paris. C'est pour cela qu'on s'échappe assez vite du réalisme. Je pense sincèrement que c'est un film de décors, il ne s'agissait pas de faire des choses réalistes. Hélas, quand on fait un film de décor, il y a des choses qui se passent : en France, quand on veut donner une certaine ambition, on a beaucoup de mal à trouver le financement pour le faire. Prague était un très bon chemin avec une très bonne expérience, en terme d'équipes de construction. Je ne voulais pas aller plus loin que Prague, je ne voulais pas aller dans d'autres pays de l'Est où c'est encore moins cher pour m'arrêter à un certain nombre de qualité et d'expérience. C'est aussi une des raisons pour lesquelles on est là. »
Vous travaillez donc avec des techniciens tchèques, c'est des équipes qui ont prouvé leur professionnalisme ?
« Bien sûr, notre équipe est à peu près à 75 % tchèque que ce soit en matière de costumes, de constructions, d'assistants, de cadreurs et on est ravi de la qualité technique de ce qu'on a trouvé ici. »