Les marchés de Pâques pragois en quête d’authenticité

Mercadillos de Pascua en la Plaza de la Ciudad Vieja, foto: Kristýna Maková

Depuis le 9 avril, les marchés de Pâques ont fleuri sur deux des principales places de Prague : plus de 150 stands ont été installés sur les places Venceslas et de la Vieille-Ville, distantes de quelques centaines de mètres. On y trouve de tout : des œufs peints, des friandises typiques, des souvenirs traditionnels et d’autres beaucoup moins, des animations et de la musique. Tout cela, bien entendu, aux couleurs du printemps. Il s’agit de célébrer une période de fêtes parmi les plus populaires en Tchéquie : les fêtes de Pâques. Etonnant dans un pays qui n’est pas réputé pour le dynamisme de son Eglise. Il faut donc croire que ces traditions pascales ont un ancrage très profond dans la société tchèque.

On trouve notamment sur les étalages d’étranges tresses en osier sur lesquelles flottent des turbans de toutes les couleurs. Il s’agit de la « pomlázka », un objet indispensable pour tout homme tchèque de 7 à 77 ans qui entend respecter une tradition de Pâques quelque peu particulière.

Marie, une Morave dans la force de l’âge, vend des œufs sur la place de la Vieille-Ville. La fameuse « pomlázka » prend des noms différents selon les régions, mais la tradition reste la même. Pour Marie, il s’agit d’un « korbáč » :

« Le jour de Pâques les hommes poursuivent les femmes avec un korbáč. Dans la nuit de samedi à dimanche, on fait un grand feu pascal. C’est aussi le jour du pardon. Les jeunes garçons se rendent dans leur famille et chez les gens qu’ils connaissent, où ils poursuivent les filles pour les fouetter et ils reçoivent du pain d’épice et d’autres friandises. Les plus grands, hommes plus ou moins jeunes, le font également et reçoivent aussi des cadeaux. »

La tradition veut que le jour de Pâques les hommes se déplacent de porte en porte pour fouetter les fesses des filles et des femmes afin de leur apporter santé et jeunesse. En échange, les filles récompensent les garçons d’un œuf peint et nouent un ruban autour de leur « pomlázka ». Les adultes ont droit, pour leur part, à un petit verre de slivovice, une eau-de-vie à base de prune. Bien que la tradition soit beaucoup plus ancrée dans les pays voisins de la République tchèque, à certains endroits en Moravie, les femmes sont parfois également aspergées d’eau ; une manière d’éloigner la maladie et les mauvais esprits. Tant pis donc si ce n’est pas franchement agréable, c’est pour leur plus grand bien ! Marie en témoigne :

« Ça faisait affreusement mal, les gars ne s’en rendaient pas compte. Je leur disais : ‘vous savez comme ça fait mal ?’. » (rires)

D’autres ont fait l’expérience de la « pomlázka » et en ont un tout autre ressenti. Plus loin sur la place de la Vieille-Ville, une grand-mère nous confie par exemple se réjouir tous les ans à l’arrivée de cette occasion qui va lui assurer une année pleine de fraîcheur et de vitalité.

Miroslav vend aussi des œufs de Pâques sur la place de la République. Il en dit plus sur la provenance de ces objets traditionnels :

« Il y a des mythes que l’on retrouve en République tchèque, en Ukraine ou à l’ouest dans certaines parties de l’Allemagne. En Tchéquie, on a bien sur les « pomlázky », de qualité mais qui sont fabriquées en Chine. Tout vient de Chine sur les marchés tchèques aujourd’hui. C’est intéressant de le savoir. »

Il reste cependant fidèle à la tradition et confectionne lui-même ces objets symboliques.

« En famille, nous faisons principalement de très jolies « pomlázky » et aussi des œufs de Pâques comme vous le voyez ici avec des œufs qui viennent de Bohême ou de Moravie et sont souvent peints par des femmes des tantes ou des mamies. L’une d’entre elles a 92 ans ! Malheureusement, en République tchèque, la jeunesse manque. Ça veut dire que les jeunes ne prennent pas la relève et que parmi les gens qui ont entre 18 et 30 ans, très peu savent peindre ces œufs. »

Miroslav nous explique ensuite comment réaliser ces œufs de Pâques :

« La technique utilisée est celle du batik. On dessine le motif final sur l’œuf, on protége ensuite celui-ci de la coloration en appliquant dessus de la cire chaude. On peint ensuite les motifs à la main et, dans l’eau bouillante, la cire disparaît et laisse apparaître les couleurs. »

Cette technique requiert donc une grande dextérité. Les touristes de la place du marché sont bien loin de soupçonner toutes ces traditions et le savoir-faire nécessaire à la confection de ces objets traditionnels. Cependant, ils ne manquent pas de s’en étonner et font quelques hypothèses :

« Moi je trouve cela très joli, c’est la fête du Printemps. Dans les pays de l’Est, cela se fait plus parce qu’ils ont eu un hiver plus froid. »

Le marché restera ouvert au public jusqu’au 1er mai. L’occasion, par exemple, de découvrir des chants et danses traditionnels du folklore moldave, la force purgative de la « pomlázka » ou encore de goûter de délicieux gâteaux traditionnels tels que le « beránek », un gâteau en forme d’agneau, ou encore le « mazanec », une grosse brioche au levain.