Les métamorphoses du Château de Prague
Le Château de Prague - Hradcany, siège du pouvoir étatique et religieux suprême, est le plus grand complexe architectonique en République tchèque. Il se construisait depuis l'an 880 jusqu'à 1929, date de l'achèvement de la cathédrale Saint-Guy. Même après, le château n'est pas resté intact. Chaque souverain, chaque architecte souhaitaient y laisser une empreinte.
Des architectes célèbres ayant marqué de leur style ce complexe de palais, d'églises, couvents, musées, galeries, jardins et cathédrale, citons notamment Pierre Parler, Mathieu d'Arras, Benedikt Ried, Nicolo Pacassi, Boniface Wohlmut, Giovanni Maria Philippi... La période moderne qui commence avec la fondation de la République tchécoslovaque, en 1918, n'en fait pas une exception. Une image nouvelle est gravée à l'antique château sous le premier président, Tomas Garrigue Masaryk. Pour en faire un siège moderne digne de la nouvelle démocratie, Masaryk fait appel à architecte slovène, Joze Plecnik. Partisan de l'architecture classique, Plecnik conçoit une symbolique nouvelle, mais évoquant les traditions antiques de la démocratie. Il refait la première et la troisième cour du château, les jardins du Midi, le jardin sur le Bastion, des locaux intérieurs, dont la salle d'entrée dite des colonnes, et les appartements avec le cabinet de travail pour le président et sa famille.
Dans la première cour, Plecnik aménage le pavement, l'éclairage, les deux mâts en pin de Moravie de 25 mètres de haut, et deux nouvelles percées à travers l'aile transversale. Plecnik marque l'air de la cour par deux chemins en dalles sombres, dont l'un conduit à la porte des nouveaux appartements présidentiels. En 1921, en effet, Plecnik est chargé de l'aménagement de toute l'aile destinée à recevoir les nouveaux appartements présidentiels. A partir de la porte donnant sur la première cour, il crée un escalier en colimaçon et un ascenseur et installe dans les vieux bâtiments les pièces d'habitation, le salon des Dames, la bibliothèque de Masaryk et, à l'intersection des ailes sud et est, le grand impluvium - espace central de l'appartement, avec un bassin circulaire éclairé par une fenêtre elliptique du toit. Il construit, aussi, une entrée personnelle du président reliant la cour du château par un tunnel creusé à travers l'aile centrale. Une réalisation remarquable de Plecnik, la salle dite d'armoiries, dont la table massive en bois de teck servait jadis de cadre aux signatures d'importants traités et documents. Masaryk lui demande, aussi, de relier la troisième cour aux jardins du versant sud - les jardins du Midi. L'architecte le fait en y établissant un escalier à deux balcons qui donne une vue superbe de la ville. De nombreux objets décoratifs dans les jardins sont des réalisations de Plecnik. Dans la troisième cour, un monolithe en granite conçu par Plecnik a été élevé à la mémoire des victimes de la Première Guerre mondiale. Plecnik a projeté, aussi, les salles qui servaient jadis d'écuries et le manège, progressivement transformés en galerie de tableaux.
Le Château de Prague change de visage en décembre 1989, avec l'arrivée de Vaclav Havel. Les intérieurs du château, jusqu'alors pratiquement fermés au public, ouvrent en grand leurs portes. Le premier acte de Vaclav Havel - la suppression des fortifications entourant la villa présidentielle dans le jardin Royal et l'ouverture de ce dernier aux visiteurs. Des expositions sont dorénavant installées au Jeu de paume et au Belvédère. D'autres locaux jusqu'alors fermés, le manège Impérial, la Pinacothèque, l'aile thérésienne du Vieux palais royal et le margraviat suprême accueillent des concerts et manifestations culturelles. La tour de la cathédrale Saint-Guy, autrefois inaccessible, devient partie intégrante du circuit de visites guidées. Vaclav Havel rénove complètement les jardins baroques, au-dessous du château, voués à la disparition. Tout comme Masaryk, Vaclav Havel a son propre architecte au château, Borek Sipek. La première réalisation de celui-ci pour le château - un prototype de chaise pour la salle espagnole. Sipek est l'auteur de l'aménagement intérieur du bureau de Vaclav Havel. L'entrée de la chancellerie présidentielle, les intérieurs de la pinacothèque, le perfectionnement des installations techniques de la salle Espagnole et de la galerie Rodolphe et les tapisseries pour cette galerie sont également son oeuvre.
Un an après son départ du château, en février 2003, Vaclav Havel et son architecte, Borek Sipek, viennent avec un nouveau projet. Construire dans l'air du Château de Prague une avenue européenne avec 25 maisons symbolisant les différents pays membres de l'Union européenne élargie. Ces maisons serviraient de centres culturels et d'informations et accueilleraient des artistes venus à Prague de ces pays. Le projet s'appelle Arcade Europe. Le prochain eurovillage devrait longer le chemin des Cerfs. Le mur qui le borne actuellement devrait être démoli et sur les terrains ainsi ouverts devraient grandir 25 maisons différentes, sorte de contrepoint à la Ruelle d'or. Telle est, au moins, l'idée de Vaclav Havel et Borek Sipek sur l'avenir des terrains nord-ouest du Château de Prague. L'édification des maisons représentant les membres de l'Union devrait être confiée aux architectes nationaux des différents pays. Certains d'entre eux se sont déjà déclarés prêts à y participer. Or la réalisation ne s'annonce pas facile. Les terrains en question figurent dans le plan territorial en tant que parcs et jardins historiques. Le changement du plan territorial serait une procédure de longue durée. Le projet ne presse pas, dit Vaclav Havel, visiblement décidé à ne pas l'abandonner. Or, certains protecteurs du patrimoine ne partagent pas son enthousiasme. Une opposition se lève surtout à ce que l'eurovillage envisagé occupe le territoire du jardin Lumbe qui est un lieu de trouvailles archéologiques préhistoriques et plus récentes, dont le précieux aqueduc Renaissance en céramique. Au IXe siècle, un cimetière s'y trouvait, au XIVe, on y a fondé des vignes, et au début du XVIIe siècle, on y a créé une faisanderie et deux étangs qui s'y trouvent jusqu'à maintenant. Le projet Arcade Europe a pris au dépourvu le président actuel, Vaclav Klaus. Une telle intervention n'est pas considérée comme heureuse et appropriée, indique la chancellerie. Vaclav Klaus, lui, a un autre plan pour changer l'image du château. Il veut l'ouvrir au petit commerce. Son idée est d'agrémenter la troisième cour de restaurants, de boutiques et d'un salon de coiffure. Pas de restaurants de luxe, mais plutôt des brasseries populaires. Il promet une proche réouverture du restaurant Vikarka niché au pied de la tour gauche de la cathédrale Saint-Guy. Qu'en sera-t-il de ces projets, à nos successeurs de juger....