L’hospoda : un mot et une façon de vivre typiquement tchèques

Salut à tous les tchécophiles de Radio Prague – Ahoj vám všem, milovníkům češtiny Radia Praha ! Comme vous le savez sans doute si vous suivez régulièrement nos émissions, la saison touristique en République tchèque a officiellement commencé au début du mois d’avril. Les étrangers affluent donc depuis quelques jours toujours plus nombreux à Prague et dans le reste du pays. Quelques soient les objectifs d’un voyage en République tchèque, un séjour réussi ne peut être envisagé sans goûter à la bière locale, fierté de tout un peuple, et un arrêt, au moins, dans ce que les Tchèques appellent l’‘hospoda’. Un mot spécifique à la langue tchèque et un phénomène de la culture traditionnelle populaire tchèque auxquels nous allons donc nous intéresser dans ce « Tchèque du bout de la langue ».

Si l’on s’en tient au dictionnaire tchéco-français, dont les traductions ne sont toutefois pas toujours très fiables ou parfois quelque peu imprécises, le mot tchèque ‘hospoda’équivaut à une auberge. Seulement, selon le petit Robert, une auberge est « une maison très simple, généralement à la campagne, où l’on trouve à loger et à manger en payant ». Le Larousse nous explique, lui, qu’une auberge est un petit hôtel-restaurant de campagne ou un restaurant d’allure rustique, mais dont l’intérieur est élégant. A priori, aucune de ces trois explications ne correspond donc vraiment à l’idée que les Tchèques se font aujourd’hui de l’‘hospoda’, même si la dernière est sans doute la plus proche de la notion contemporaine. Mais l’idée de « maison simple où l’on peut loger et manger » n’est pas non plus totalement dénuée de sens. Voyons pourquoi.

Tout d’abord, intéressons-nous à l’étymologie de ce mot ‘hospoda’. En vieux tchèque, cela signifiait « le maître de la maison, des lieux » - « pán domu » ou aussi « la maîtresse de maison » - « paní domu ». Ensuite, le mot ‘hospoda’ a désigné un foyer, un ménage, une maison dans le sens de « chez soi », puis l’ensemble constitué par une famille avec les gens à son service, à savoir les domestiques ou les valets.

Puis le mot a pris d’autres sens qui sont nés du rapport existant entre l’hôte, l’invité, le pensionnaire, bref celui qui reçoit l’hospitalité et que les Tchèques appellent ‘host’, et le maître ou la maîtresse de maison. On suppose que cet hôte appelait alors ‘hospoda’ l’hôte ou l’hôtesse, donc la personne qui recevait chez elle, qui fournissait le gîte, le manger et le boire, et que les Tchèques désignent comme ‘hostitel’. Ainsi, donc, est apparue la notion de ‘hospoda’ en tant que maison proposée à l’hôte, à l’étranger de passage, puis ensuite de maison offrant gîte et couvert pour ne finalement ne plus offrir que le couvert et, bien entendu, le boire, et ce en échange d’argent. Et en ce sens, on peut donc effectivement traduire ‘hospoda’ en français comme une auberge. Par conséquent, l’hôte ou le maître des lieux est devenu ‘hospodář’, un mot qui dans la langue moderne désigne désormais un exploitant ou un gérant. Quoiqu’il en soit, une ‘hospoda’était une maison dans laquelle était accueilli un hôte, un invité, et on pouvait d’ailleurs souvent lire à l’entrée de la maison cette inscription pleine de sagesse : ‘Host do domu - Bůh do domu’, une formule difficilement traduisible mais qui nous donne quelque chose comme ‘Un hôte, un étranger à la maison - Dieu à la maison’.

Aujourd’hui, on ne peut pas vraiment dire que l’étranger soit accueilli dans les ‘hospoda’ comme si c’était Dieu qui entrait dans la maison. Même si avec le temps les choses tendent à s’améliorer, les touristes sont d’ailleurs encore souvent choqués par l’accueil disons rustique (dans le sens d’impoli) qui leur est réservé par les serveurs.

Photo: Archives de Radio Prague
Mais là n’est pas l’objet de notre petite étude. Pour les Tchèques, l’‘hospoda’ est plus qu’un lieu pour boire et, éventuellement mais pas nécessairement, manger. Un lieu que l’on peut comparer non pas à un bistrot, qui est plus un débit de boissons, mais plutôt à une brasserie, puisque l’on y prépare également des plats chauds ou froids rapidement préparés. Pour les Tchèques, l’‘hospoda’ est surtout un lieu de vie collective, de vie en société, où l’on se réunit et se rassemble pour discuter pendant de longs moments autour d’une bière, la boisson consommée par la grande majorité des clients présents. Notons à ce propos que le mot ‘hospoda’ possède pour synonyme ‘pivnice’, un mot propre là aussi à la langue tchèque dont la racine est constituée du mot ‘pivo’, soit la bière, et qui littéralement signifie ‘local à bière’, faute de mieux puisqu’il n’existe pas d’équivalent en français.

Nous en avons donc bien la confirmation, ‘hospoda’ est un mot, une notion et une manière de vivre propre aux Tchèques, inséparable de leur culture populaire. C’est sur ce constat que se termine ce « Tchèque du bout de la langue ». Si vous venez en République tchèque, ne manquez donc pas de vous rendre dans une de ces ‘hospoda’ ou ‘pivnice’, comme vous le conseillent d’ailleurs tous les guides touristiques. En attendant, portez-vous du mieux possible – mějte se co nejlíp!, portez le soleil en vous – slunce v duši, salut et à bientôt – zatím ahoj!, et bien sûr Na zdraví– à votre santé !