L’Ignorance de Milan Kundera, livre de l’année en Tchéquie, plus de 20 ans après sa première publication
Le roman de Milan Kundera, publié pour la première fois en tchèque il y a quelques semaines, remporte le classement établi chaque année par Lidové Noviny.
179 personnes ont participé à l'enquête de cette année, dont des écrivains, experts littéraires, intellectuels, ainsi que scientifiques et médecins. L’Ignorance (Nevědění) est arrivée largement en tête de ce sondage. Publié d’abord en espagnol en 2000, puis en français en 2003, ce roman a été traduit dans la langue maternelle de l’auteur – le tchèque – par Anna Kareninová :
« C’est un travail tout à fait différent. Ce n’est pas une traduction habituelle mais plutôt la reconstruction de la langue d’un grand écrivain. Donc j’ai essayé de reconstruire, reconstituer son tchèque – et c’était difficile, vraiment difficile… »
C’est-à-dire que quand vous lisez une phrase de Kundera en français, vous vous demandez comment il l’aurait écrite en tchèque, ou comment il l’a pensée en tchèque ?
« Tout à fait. J’ai cherché dans les romans qu’il a écrits en tchèque les procédés syntaxiques et le vocabulaire employés. Donc le vocabulaire est le sien. »
L’Ignorance a pour thème le retour de l’exil, le difficile retour en Tchécoslovaquie pour des personnages principaux partis après l’écrasement du Printemps de Prague. La réalisatrice tchèque Jarmila Buzková, installée en France, vient de terminer un nouveau documentaire sur Milan Kundera dont on parlera plus en détails très prochainement :
« Je me sens extrêmement proche du destin de M. Kundera, ayant vécu la moitié de ma vie en Tchécoslovaquie et l’autre moitié en France. Je suis parfaitement en accord avec lui sur ce qu’il dit des deux pays. J’ai l’impression de le comprendre, aussi sur toutes les polémiques, car j’avais l’impression de comprendre ce qu’il ressentait. »
« Quant à L’Ignorance, en revanche, même si j’adore ce livre profond bien entendu, ce n’est pas mon vécu. J’ai toujours gardé de très bons amis à Prague où je retourne au moins une fois par an et j’ai l’impression qu’on s’est quitté la veille. Même chose pour mes amis français. Je n’ai pas l’impression en rentrant en Tchéquie de ne pas pouvoir communiquer tout ce que j’ai vécu en France – ce n’est pas mon expérience personnelle. »
Le livre de l’année est une enquête réalisée depuis la révolution de Velours par Lidové noviny et dès 1993 Milan Kundera avait terminé en tête avec la version tchèque de L’Immortalité.
Pour cette édition 2021, le plus français des écrivains tchèques et le plus tchèque des écrivains français est placé devant Karin Lednická et la suite de sa chronique Šikmý kostel sur la région minière de Karviná. La troisième marche du podium est refermée par Pavla Horáková et Jaroslav Rudiš pour leurs romans qui ont tous deux pour cadre et thématique la Mitteleuropa, Srdce Evropy et Winterbergova poslední cesta, dont on reparlera bientôt sur nos ondes.