Luce Vigo : « Je ne peux pas m'empêcher d'aller à des séances de cinéma »

vigo_luce.jpg

Cette année, l'école d'été de cinéma de Uherske Hradiste avait une nouvelle section : le Prix Jean Vigo. Il s'agit d'une sélection de films français ayant été récompensés par ce prix qui est décerné chaque année à un « réalisateur français distingué pour son indépendance d'esprit et son originalité de style ». Luce Vigo, la fille du réalisateur décédé à 29 ans, en 1934, est présente à l'école d'été. Nous lui avons demandé en quoi les films présentés étaient représentatifs du cinéma français depuis 1951, date de la création du prix :

« Le choix a été fait par David Cenek. Je pense qu'ils sont tous très différents, mais il faut les recadrer chacun dans leur époque. C'est très intéressant, de 1951 à aujourd'hui, forcément le cinéma a bougé, les cinéastes ne filment plus comme en 1951, mais il y a toujours ce côté indépendant et l'amour du cinéma qu'on doit sentir. On sait d'où les cinéastes filment. Tandis que maintenant tous les films se ressemblent, sont prévisibles. Enfin, pas tous, justement, pas les films que nous défendons. Je pense que c'est intéressant, même à travers les années, de voir quelles étaient les motivations, les thèmes abordés par le cinéma français : le social, le politique, ou alors tout simplement de voir des essais cinématographiques. »

Jean Vigo,  'La Natation par Jean Taris  (1931)'
Vous êtes déjà venue à Uherske hradiste il y a deux ans, c'est cela ?

« Oui, je suis venue il y a deux ans pour présenter les quatre films de Jean Vigo. J'ai été extrêmement surprise par toute cette jeunesse, par ce public très présent dans les salles. Je vois cela cette année encore, ils viennent pour voir des films inconnus, je ne parle évidemment pas du Godard (A bout de souffle, ndlr). Cela me surprend beaucoup. En même temps, c'est une petite ville qui est reposante... Je me demande s'il y a des grands-pères et des grands-mères dans cette ville, car je n'ai vu que moi-même comme grand-mère pour l'instant (rires).

Pour parler justement d'autres films... êtes-vous allée à d'autres projections ?

« Je ne me contente pas d'aller présenter les films et d'aller me balader, je vais dans les salles... Il y a certains films brésiliens que j'ai déjà vus mais il y a longtemps comme ceux de Glauber Rocha. Je trouve que c'est bien de les voir avec un autre public, les réactions sont différentes et je trouve cela très intéressant. Les films polonais aussi. Je connais bien le cinéma tchèque des années soixante, mais je ne connais pas bien le cinéma d'aujourd'hui, donc il faudrait que j'aille voir les autres films. Je ne peux pas ne pas aller aux séances, c'est comme ça. Chaque fois je me dis que je vais un peu me reposer, mais non, c'est plus fort que moi, j'ai envie de voir... »

Donc le cinéma, c'est vraiment une passion de famille, vous avez le feu sacré en fait ?

« J'ai mis longtemps à accepter de l'avoir mais cela m'a été très utile de travailler dans une maison de la culture dans la banlieue de Paris, dix ans dans le même endroit. Avec tout public : les enfants que j'ai vu grandir, les adolescents, les cinéastes que j'invitais ou les techniciens. J'avoue que ce sont eux aussi qui m'ont beaucoup appris. Mais aussi le public, car je pense qu'il est beaucoup plus intelligent que ce que les distributeurs et les producteurs disent. J'ai donc aussi beaucoup appris par le public. »

Retrouvez Luce Vigo dans la prochaine rubrique culture de la semaine : vous saurez pourquoi elle a découvert si tard l'oeuvre cinématographique de son père et ce qu'elle pense du film récompensé par le Prix Jean Vigo de cette année.