Journées européennes du patrimoine culturel

Le château Renaissance de Namest, photo: www.namestnosl.cz

Près d'un millier de monuments, châteaux, palais, jardins et lieux habituellement fermés au public ont ouvert leurs portes au public, pendant deux week-end du mois de septembre, dans le cadre de la manifestation qui s'appelle Les Journées européennes du patrimoine culturel. Cette année, elles en ont été à leur 14e édition en République tchèque, et puisque 2004 est une année de la musique tchèque, elles ont eu pour thème: "La Musique réveille les monuments." Les derniers visiteurs ont quitté les monuments ouverts à cette occasion ce dimanche, 19 septembre. Un retour sur quelques-uns des lieux les plus intéressants qu'il était possible de visiter, exceptionnellement, avec un arrêt particulier au château Renaissance de Namest, dans cette rubrique, pour laquelle je vous souhaite une très bonne écoute.

Tabor
Les Journées européennes du patrimoine culturel sont une bonne occasion pour les touristes de découvrir les lieux habituellement fermés aux visites. Les touristes s'y habituent, puisque ces journées se déroulent chaque année à la même période, pratiquement dans l'ensemble des pays européens. Quant à la Tchéquie, elle s'est ralliée, en 1991, aux 47 pays de la Convention culturelle européenne, leur organisateur, sous le patronage du Conseil de l'Europe. Parmi les monuments qu'on a pu découvrir, il y avait des châteaux, palais, cathédrales, galeries, musées, bibliothèques, monuments techniques, ainsi que des bâtiments présentant quelque chose de particulier, du point de vue de l'héritage culturel commun - mairies, tribunaux, institutions religieuses, écoles, maisons d'habitation... Le sens des journées est, en effet, la recherche des voies conduisant jusqu'aux racines de notre civilisation européenne, peut-on lire dans les documents de l'Association des sites historiques de Bohême, de Moravie et de Silésie, qui est le principal organisateur de la manifestation dans notre pays.

Le théâtre des Etats
L'inauguration nationale de ces journées a eu lieu le 10 septembre dernier, à Tabor, ville de Bohême du sud réputée pour sa tradition hussite. La capitale Prague a rendu accessible, à cette occasion, beaucoup de monuments historiques, dont le palais baroque Clam-Gallas, l'ancien collège des Jésuites, Clémentinum, tout proche, le théâtre des Etats lié à jamais à Mozart, l'abbaye bénédictine d'Emmaüs, mais aussi des bâtiments plus récents et des monuments techniques: le château d'eau de Podoli, le monument de Vitkov de style constructiviste, ou encore une ancienne station d'épuration des eaux usées qui fait, aujourd'hui, partie du Musée éco-technique.

En dehors de Prague, la région de Vysocina, couvrant, géographiquement, le Plateau tchéco-morave, a ouvert les portes de 23 monuments autrefois fermés. Parmi eux, le château Renaissance de Namest nad Oslavou. Un nombre impressionnant de plus de 2500 visiteurs se sont rendus, en deux jours du week-end écoulé, à ce château que j'aimerais vous faire visiter maintenant.

Dans la cour du château, les visiteurs ont été accueillis par un spectacle faisant revivre l'histoire de l'endroit: une série d'images vivantes, réelles et fictives, permettant de découvrir, par ex., la visite du compositeur Antonio Salieri à ce château, les scènes de l'assassinat de l'héritier du trône autrichien, François-Ferdinand d'Este, à Sarajevo, qui était passé par ici. Le château de Namest est une fierté de la ville du même nom. Située à 40 km à l'ouest de Brno, la ville s'étend sur les deux rives de la rivière Oslava dont le nom figure aussi dans son appellation. La première mention sur Namest date de 1234, où un château fort a été érigé au-dessus de la rivière. Au fil des siècles, la ville et le château ont été à plusieurs reprises pillés et ravagés. Un tournant se produit en 1563, lorsque Namest devient une propriété de la puissante famille Zerotin. A l'emplacement du château primitif, Jan de Zerotin a fait édifier un vaste château Renaissance. Grand promoteur de la culture des Frères moraves, une communauté hussite, Jan a fait transférer leur imprimerie de la commune d'Ivancice vers Kralice. C'est ici que la fameuse Bible de Kralice a été, plus tard, imprimée.

 François-Ferdinand d'Este
Le successeur de Jan, Karel de Zerotin, chef des états protestants en Moravie et homme politique d'envergure européenne, parti, après la bataille de la Montagne Blanche, en exil, a vendu, en 1628, le domaine à son beau-frère Albrecht de Wallenstein. Sous le propriétaire suivant, Jan Krtitel de Werdenberk, l'empereur Ferdinand II a élevé Namest au rang de ville en lui attribuant les armes municipales. En 1752, le domaine a été acheté par Frédéric de Haugwitz, représentant marquant de l'absolutisme éclairé et homme politique au service de l'impératrice Marie-Thérèse. En 1759, Frédéric fonde à Namest un couvent de Capucins, aboli plus tard, par l'empereur Joseph II, lequel a installé dans ses locaux une manufacture d'étoffes.

Des membres de la famille Haugwitz, c'est surtout Henri Frédéric, homme éclairé, doué d'un talent musical, qui s'est fait remarquer en tant que fondateur d'une chapelle devenue lieu où l'on apprenait l'art musical et où l'on donnait des concerts. Comme l'école musicale la plus proche se trouvait à Vienne, cette école, ainsi que l'orchestre du château de Namest, n'ont pratiquement pas eu de concurrence en Moravie. Henri Frédéric entretenait des contacts personnels avec les compositeurs illustres tels que Gluck ou Salieri. Karel Frédéric, son fils, a été l'ami de Johann Strauss et compositeur. Un témoignage de l'âge d'or de la vie musicale au château de Namest, c'est un pavillon d'été, de style Empire, devenu une scène de productions théâtrales et musicales. La riche bibliothèque baroque des Haugwitz, comprenant plus de 10 000 volumes, fournit aussi un témoignage des intérêts culturels de la famille. L'un des plus grands bijoux qu'elle abrite, la Bible de Kralice en six tomes.

L'an 1850 a été de toute importance pour la ville. Elle devient le siège du tribunal régional, de la perception et d'autres institutions. En 1886, la ville est reliée au réseau de voies ferrées Brno - Jihlava.

La période relativement tranquille de la fin du siècle a été interrompue par le premier conflit mondial. Il n'est pas sans intérêt que l'héritier du trône autrichien, Ferdinand d'Este, est parti à Sarajevo, pour être victime d'un attentat, du château de Namest, où il était invité à une chasse. Après la guerre, le fondateur de la République tchécoslovaque, Tomas Garrigue Masaryk, est devenu le premier citoyen d'honneur de la ville de Namest. Il a séjourné plusieurs fois au château. De sa terrasse, il contemplait le panorama de la région boisée du plateau tchéco-morave.

Bien que, depuis, la ville ait reçu des dominantes nouvelles, c'est pourtant la même tour du château qui charme le visiteur, ainsi que le très ancien pont passant sur la rivière d'Oslava, avec une galerie de sculptures baroques à ciel ouvert. La ville, ayant une tradition de la fabrication d'étoffes, est aujourd'hui réputée pour la fabrication de tapis en pure laine avec des motifs de tapis persans. L'ambiance calme de la ville est, de temps en temps, perturbée par le bruit de chasseurs qui décollent ou atterrissent à la base de l'OTAN se trouvant dans les proches alentours de Namest.