Josef Schovanec, écrivain sorti de sa « bulle d’autiste »

'Je suis à l’Est', photo: Štěpánka Budková

Le journal Le monde parle de Josef Schovanec comme d’un « hyperdiplômé », d’un « ambassadeur » hors normes. Diplômé de sciences-po et docteur en philosophie, Josef Schovanec est effectivement un ambassadeur… L’ambassadeur des personnes autistes. Souffrant lui-même du syndrome d’Asperger, ce fils de parents tchèques émigrés en France est l’auteur de plusieurs livres lus dans le monde entier. Deux d’entre eux, « Je suis à l’Est » et « Voyages en Autistan », ont été traduits en tchèque par Šárka Belisová. Nous l’avons rencontrée. Dans cette émission, il sera aussi question de musique, Nous vous présenterons Ondřej Holý. Mieux connu sous le pseudonyme « dné », il rencontre, lui aussi, un succès fracassant non seulement en République tchèque mais aussi à l’étranger avec son premier album de musique expérimentale.

Compagnon de voyages en Autistan

Josef Schovanec,  photo: Phildorisa,  CC BY-SA 4.0
« Supposons que je rencontre une personne qui ne soit pas autiste. Cela arrive heureusement très souvent. Je dois alors jouer toute une petite comédie sociale. Je dois déjà faire l’effort de regarder la personne quand je lui parle. Il faut aussi essayer d’avoir une mimique adaptée, et ça non plus, je ne sais pas très bien le faire. Il faut faire des petits gestes, être assis d’une certaine manière, veiller à son intonation… Bien sûr, après une journée passée à jouer à l’intermittent du spectacle, on se sent épuisé, parfois aussi un peu dégoûté, parce qu’on a l’impression de tromper les autres. Mais c’est indispensable, sinon, on se fait rejetter. »

C’est ainsi que Josef Schovanec, 35 ans, raconte sa vie d’autiste à tous ceux qui ne le sont pas. Il le fait également, avec l’humour, la sensibilité et l’érudition qui lui sont propres, dans ses livres, dont « Je suis à l’Est », « Voyages en Autistan » et « De l’Amour en Autistan ». Docteur en philosophie, polyglotte maîtrisant notamment l’hébreu, le sanscrit, le persan ou encore le guèze, chroniqueur sur Europe 1, Josef Schovanec se veut être le porte-parole des personnes autistes et souffrant du syndrome Asperger, « un compagnon de route », comme il le dit lui-même - un rôle qui lui sied à merveille. Si ses livres rencontrent un succès mondial, c’est aussi sans doute parce que nos sociétés ont besoin de témoignages comme le sien ; de témoignages qui permettent de lutter contre les préjugés liés à la maladie.

Professeure à l’Institut de traduction et d’interprétation de Prague, Šárka Belisová a traduit en tchèque deux des livres de Josef Schovanec :

Photo: PLON
« Je viens de traduire ‘Voyages en Autistan – Chronique des Carnets du monde’. Ce qui est assez remarquable dans ce livre de Josef Schovanec, c’est la manière qu’il a de raconter au lecteur les voyages qui l’ont conduit aux quatre coins du monde. Il nous fait ainsi découvrir l’univers des personnes autistes, un univers qui nous est assez éloigné, à nous, les gens ‘normaux’. Car dans les deux livres que j’ai traduits de lui, Josef Schovanec relativise l’adjectif ‘normal’. Il propose une autre optique qui perçoit les autistes comme les gens ‘normaux’. »

Après avoir traduit « Je suis à l’Est », vous avez affirmé avoir eu des difficultés à reproduire en tchèque le style de Josef Schovanec.

« J’ai surtout eu des problèmes liés à la syntaxe qui reflète la logique de la narration. J’ai donné à lire un extrait du livre à notre lectrice Aude Brunel (lectrice de français à l’Institut de traduction et d’interprétation de Prague, ndlr), pour qu’elle me donne son opinion. Elle était d’accord avec moi : l’auteur joue avec le lecteur comme un chat avec une souris. Par exemple, dès que nous avons l’impression que l’auteur nous explique quelque chose, il complique immédiatement la compréhension, et ce justement par la syntaxe. J’ai donc compris qu’il serait faux d’expliquer les problèmes auxquels j’ai été confrontée durant la traduction par ma mauvaise connaissance du français. Dans ce cas, le traducteur n’a qu’une solution : s’adapteer aux particularités de l’écriture. »

Avez-vous rencontré Josef Schovanec ?

'Je suis à l’Est',  photo: Štěpánka Budková
« Oui, lorsqu’il il est venu en République tchèque à l’occasion de la parution du livre ‘Je suis à l’Est’. En discutant avec lui, j’ai découvert que c’était certes quelqu’un de très intelligent, mais aussi quelqu’un d’extrêmement gentil, d’ouvert. Je dois avouer que la traduction était si difficile et je doutais tellement du résultat, que j’ai songé à la publier non pas sous mon nom, mais sous un pseudonyme. Quand j’ai imaginé que Josef Schovanec, qui parle très bien le tchèque, allait comparer, avec toute son érudition linguistique, son texte original avec ma traduction… Mais lorsque je lui ai confié mes craintes, il a beaucoup ri. Il m’a expliqué qu’il ne rouvrait jamais un livre déjà écrit, que c’était pour lui un travail accompli. Il m’a dit aussi qu’il n’oserait pas critiquer une traduction de son livre, parce qu’il respecte le travail du traducteur et sait combien ce travail est parfois pénible. »

« Voyages en Autistan », sélection des meilleures chroniques de Josef Schovanec diffusées dans l’émission Carnets du monde sur Europe 1, a été traduit en tchèque par Šárka Belisová. Le livre paraîtra cette année aux éditions Paseka sous le titre « Vítejte v Autistánu ».

« dné », une découverte de la musique expérimentale

'These Semi Feelings,  They Are Everywhere',  photo: Killing Moon
Le musicien Ondřej Holý, 30 ans, s’est fait remarquer, sous l’étrange pseudonyme « dné », avec son premier album intitulé « These Semi Feelings, They Are Everywhere » sorti sous le label allemand Majestic Casual, une des plus importantes chaînes de musique sur YouTube. Handicapé physique, atteint de dystrophie musculaire, Ondřej Holý a travaillé sur cet album pendant cinq ans, seul dans son appartement pragois situé dans le quartier de Dejvice. L’originalité de sa musique expérimentale tient dans la combinaison du piano, du battement des mains et des bruits de la vie quotidienne. On vous laisse découvrir…