Il y a 25 ans se tenaient les premières élections libres en Tchécoslovaquie

Photo: ČT24

Il y a vingt-cinq ans de cela, le 8 juin 1990, Tchèques et Slovaques votaient librement pour la première fois depuis la chute du régime communiste, six mois auparavant. A l’époque, ce premier scrutin démocratique organisé en Tchécoslovaquie depuis plus de quarante ans avait permis l’élection non seulement des représentants des deux chambres de l’Assemblée fédérale, mais aussi des deux conseils nationaux tchèque et slovaque. Surtout, ces élections avaient été marquées par un taux de participation de près de 97%. Politologue français à la Faculté des sciences sociales de l’Université Charles à Prague, Michel Perottino nous rappelle dans quel contexte se sont tenues ces élections auxquelles se sont présentés quelque soixante-dix partis et mouvements politiques de tous les horizons :

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« Ces élections se tiennent quelques mois après la Révolution de velours et génèrent une grande attente, car c’est la première fois qu’elles sont libres depuis la fin de la Deuxième Guerre mondiale, même s’il y a aussi quelques incertitudes notamment concernant la position du parti communiste. »

« L’ouverture des possibilités fait que beaucoup ont créé leur propre parti. Il s’agit souvent de tout petits partis sans ambitions réelles et dont l’objectif était d’abord de montrer la présence de certaines personnalités ou de défendre des idées parfois un peu secondaires, voire caricaturales. On a par exemple le parti des amis de la bière et d’autres formations en dehors de ce qu’on attend aujourd’hui d’une scène partisane. »

-Au niveau du résultat, ce que l’on retient de ces élections, c’est d’abord la nette victoire du Forum civique (53,15% des suffrages) dans ce qui allait devenir la République tchèque deux ans et demi plus tard, et d’un autre mouvement civique, La Société contre la violence, en Slovaquie. De quel type de mouvements s’agissait-il et quelles personnalités regroupaient-ils ?

Forum civique,  1990
« Le Forum civique comme la Société contre la violence sont des mouvements extrêmement larges, souvent qualifiés de ‘mouvements parapluie’, dans lesquels on retrouve d’une part les cadres de la dissidence, et d’autre part des personnes qui n’étaient pas engagées jusqu’alors et qui ont décidé de passer le cap, principalement le plus souvent en se positionnant contre le parti communiste. »

-En République tchèque, ce Forum civique n’a pas survécu très longtemps. Ce mouvement était-il voué à l’échec de par justement sa composition ?

« De par sa composition, mais aussi de par les objectifs à remplir. La priorité qui est donnée notamment par Václav Klaus aux engagements économiques, à la privatisation, fait que le Forum civique s’est rapidement divisé à la fois sur des questions de société et des questions économiques. »

13% des suffrages quand même pour les communistes

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-Peut-on dire que ces élections, plus qu’une lutte classique entre programmes et partis politiques, ont été un plébiscite du passage à la démocratie ?

« Oui, on parle souvent d’un plébiscite non seulement de ce passage à la démocratie, mais aussi d’un plébiscite contre le parti communiste. Ces élections ont une symbolique complétement différente de celle que l’on connaît aujourd’hui. »

-Ce plébiscite contre le parti communiste a quand même abouti à un résultat d’un peu plus de 13% pour celui-ci, ce qui avait alors surpris pas mal de monde. Ce score faisait du parti communiste la deuxième force politique au Parlement tchèque. Comment expliquer ce résultat ?

« C’est un résultat qui étonne, certes, mais dans les deux sens. C’est à la fois beaucoup et pas beaucoup dans la mesure où, avant les élections, on ne sait pas ce que va réaliser le parti communiste. Mais le fait qu’il soit deuxième n’est finalement peut-être pas si étonnant, car c’est un parti qui est alors encore relativement bien implanté dans la société et très nombreux. »

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-Ce score de 13% reste à peu près celui que réalise encore le parti communiste aujourd’hui en République tchèque lors des différentes élections. Ses électeurs sont-ils restés les mêmes, selon vous ?

« Sans doute partiellement, mais il faut aussi bien prendre en considération que l’on assiste en 1990 à une très forte mobilisation et participation électorale. Il faut donc rapporter le résultat de l’époque au nombre de votants. Il y avait donc beaucoup plus de gens qui votaient pour le parti communiste qu’aujourd’hui. »