« Pas évident de convaincre les étudiants français d’apprendre le tchèque »

L'ambassade de la République tchèque à Paris, photo: Site officiel de l'ambassade de la République tchèque à Paris

Suite de l’entretien avec Daniel Volf, ministre conseiller et chef de la mission adjoint à l’ambassade de la République tchèque à Paris. Daniel Volf a répondu à nos questions quelques jours après la visite officielle de trois jours effectuée récemment par le président Miloš Zeman en France. Dans cette seconde partie, il explique d’abord ce que représente le marché français pour les entreprises tchèques dont les chefs ont été un peu plus d’une quarantaine à accompagner le chef de l’Etat.

L'ambassade de la République tchèque à Paris,  photo: Site officiel de l'ambassade de la République tchèque à Paris
« La France est bien évidemment un marché important pour l’économie tchèque, même si l’Allemagne et la Slovaquie le sont beaucoup plus. Pour ce qui est de la France, il existe toujours le problème de la langue. Très peu de sociétés tchèques maîtrisent le français, ce qui constitue un handicap certain, à la différence de l’allemand et de l’anglais. C’est un fait. En même temps, la France reste un partenaire commercial privilégié de la République tchè que. Elle occupe toujours autour de la 6e place au classement des pays et de leurs échanges commerciaux avec la République tchèque. Mais c’est vrai aussi qu’il y a toujours moyen d’approfondir les relations économiques, et on s’y efforce. »

La langue est une chose. Mais quelle image de la France aujourd’hui les Tchèques ont-ils ?

« Il y a peut-être des Tchèques pour lesquels la France est un pays de grèves. Aujourd’hui d’ailleurs (l’entretien a été réalisé le 15 septembre) commence la grève d’Air France… Mais je pense que, parfois, il s’agit plus d’anecdotes que d’un véritable point de vue. Après, il y a quand même plus de quarante entrepreneurs tchèques qui sont venus avec le président Zeman. Cela veut bien dire qu’il y a un vrai intérêt de leur part pour un marché et une économie qui est la deuxième la plus importante de la zone euro. »

« Les difficultés de la France sont bien connues partout en Europe. En même temps, elle a aussi des atouts considérables à faire valoir. Le TGV est admiré partout en Europe. On pourrait parler aussi d’Airbus… Autant de choses qui font que l’industrie française est l’une des plus à la pointe au XXIe siècle. Après, c’est vrai, la France est confrontée à des problèmes économiques importants au niveau de son budget, de son déficit ou du chômage. Cela n’enlève rien au fait que la France conserve aux yeux des Européens et des Tchèques l’image d’un pays moderne capable de surmonter ces difficultés. »

Autre chose : depuis l’élection de Miloš Zeman aux fonctions président de la République et la nomination du nouveau gouvernement, la République tchèque s’exprime de nouveau d’une seule et même voix sur les questions de politique étrangère. Comment cette évolution est-elle perçue en France ?

Miloš Zeman et François Hollande,  photo: Site officiel de l'ambassade de la République tchèque à Paris
« Pour un pays comme le nôtre qui n’est pas une puissance mondiale, il est très important que sa politique étrangère soit lisible et claire. Dans ce domaine-là, nous avons certainement avancé, et notamment au niveau de la politique européenne. Cela est très apprécié par la France, pour laquelle la politique européenne est vraiment quelque chose de naturel et de très important. Le fait donc que le président Zeman et le gouvernement s’efforcent de placer la politique européenne au cœur de leurs priorités est très bien vu en France, et ce depuis le premier jour du nouveau gouvernement. »

Au niveau de l’ambassade, est-ce quelque chose que vous avez ressenti très concrètement ?

« Oui, cela l’était déjà pendant la campagne électorale. Les deux candidats aux fonctions de président avant le second tour étaient connus pour leur position pro-européenne. C’était la grande nouvelle pour la France, synonyme de changement. Et c’était la même chose lors des élections législatives qui ont suivi. »

La culture a toujours occupé elle aussi une place importante dans les relations franco-tchèques. On sait que l’enseignement du tchèque a disparu dans certaines universités françaises ces dernières années. Il y a une réduction des moyens. Où en est-on actuellement ?

Photo illustrative: Archive de Radio Prague
« Mis à part l’anglais, on sait que c’est difficile pour toutes les langues. Mais c’est vrai, dans certaines universités, l’option tchèque, qui était enseignée depuis plusieurs décennies, a été supprimée. Mais cela vaut aussi pour la majorité des autres langues d’Europe centrale et orientale. Dans les années 1990, il y a eu une vague d’intérêt plus importante pour la langue tchèque. Aujourd’hui, quand on voit la chute du nombre d’étudiants, on pense que c’est très grave, mais il faut relativiser justement par rapport à cette augmentation conséquente dans les années 1990. C’est un enjeu pour nous ici à l’ambassade, cela l’est aussi pour les universités où le tchèque est toujours enseigné. Il faut attirer les étudiants, leur donner envie d’apprendre cette langue extrêmement difficile et dont l’utilité n’est pas évidente. A l’ambassade, nous avons par exemple depuis dix-sept ans le prix Václav Černý pour promouvoir l’enseignement du tchèque dans les universités françaises. La France est d’ailleurs l’un des pays où le nombre de professeurs de tchèque payés par le ministère tchèque de l’Education est le plus important. Mais encore une fois, il n’est pas évident de convaincre les étudiants qu’apprendre une langue parlée par dix millions d’habitants en Europe centrale et sera un atout pour eux à l’avenir. »

Comment s’y prendre ?

« Il y des écoles d’été qui sont organisées chaque été en République tchèque et on essaie de collaborer avec les sociétés tchèques qui sont présentes en France. »

Enfin, question littérature, de moins en moins de livres tchèques sont traduits en français…

« Oui… Je ne dirais pas que c’est seulement une question économique, mais… c’est important… »