Gloriana : « La reine vierge » sur la scène du Théâtre national de Prague
En 1953 a eu lieu à Covent Garden à Londres la première mondiale de l’opéra Gloriana créé par Benjamin Britten à l’occasion du couronnement de la reine Elisabeth II. L’opéra raconte quelques événements de la vie et du règne d’Elisabeth Ière, un des personnages les plus marquants de l’histoire d’Angleterre et d’Europe, souveraine quasi mythique entrée dans l’histoire parce qu’elle a su vaincre ses passions. L’intrigue principale de l’opéra est la liaison passionnée et orageuse entre la reine et le comte d’Essex. Samedi dernier a eu lieu au Théâtre national de Prague la première tchèque de cette œuvre.
« La reine a hérité de la couronne mais elle n’en est pas moins un être humain, une femme qui mène un combat perpétuel dans son for intérieur. Elle doit prendre des décisions très graves à l’époque des conflits religieux entre l’Eglise catholique et l’Eglise protestante mais doit faire face aussi à des conflits humains, à des intrigues de la cour. »
Le spectateur assiste au drame d’une reine qui n’est pas dépourvue de faiblesse humaine et finit par faire exécuter l’homme qu’elle aime mais qui s’est insurgé contre elle. Le drame politique se confond ici avec la tragédie sentimentale. Il n’est pas facile de comprendre cette liaison compliquée et délicate qui existait entre Elisabeth et Robert Devereux, comte d’Essex. Pour évoquer cette liaison Benjamin Britten et son librettiste William Plomer ont largement exploité le roman historique « Elisabeth et Essex » de Lytton Strachey. Les lois de l’opéra, drame musical, les ont obligés cependant à simplifier et à modifier certaines situations et événements historiques.En créant cet opéra Benjamin Britten a largement puisé aussi dans les sources musicales élisabéthaines. Le chef d’orchestre qui dirige l’opéra Gloriana au Théâtre national, Zbyněk Müller, souligne la noblesse et l’élégance de cette musique pleine d’invention :
« Ce qui caractérise Gloriana c’est le style qui marie des éléments anciens et modernes. C’est l’histoire d’Elisabeth Ière dédiée à Elisabeth II et l’opéra exploite donc toutes les possibilités du langage musical de la première moitié du XXe siècle en les combinant avec les éléments archaïsants de la musique Renaissance. (…) Je dirais néanmoins que le compositeur dépouille progressivement la trame musicale de ce qui est nouveau et moderne et nous transporte dans l’histoire. »La chanteuse allemande Gun-Brit Barkmin a accepté de chanter Elisabeth sur la scène du Théâtre national bien que l’étendue de sa voix ne corresponde pas tout à fait à la tessiture de ce rôle. Elle est pleine d’admiration pour le personnage qu’elle incarne :
« Elisabeth était une femme merveilleuse et forte. Nous pourrions tous tirer leçon de sa vie. Dans les circonstances de son époque elle était obligée d’envoyer des hommes à la guerre, elle devait faire exécuter ses ennemis, elle était toujours obligée de lutter contre quelqu’un. Elle devait être sans cesse très astucieuse et très prévoyante. Ce que nous pourrions apprendre d’elle c’est sa discipline et son intégrité. A mon avis, c’était une femme moderne. »Le public de la première a remercié les artistes de cette production par de longs applaudissements. Les jugements des critiques sont beaucoup plus nuancés. Ils reprochent à cette production un caractère trop hiératique et parfois aussi un manque de tension dramatique sans pouvoir nier ses indubitables qualités musicales et esthétiques.