Veronika Bačová, une jeune femme chargée du commerce équitable en République tchèque
Le commerce équitable ou social, mouvement créé aux Pays-Bas dans les années 1960, est un concept qui séduit de plus en plus de Tchèques : bien qu’il n’existe encore que dix boutiques de commerce équitable dans toute la République tchèque (dont cinq à Prague), les Tchèques se sont malgré tout habitués à acheter leurs produits préférés labellisés équitables, surtout le café, le thé, le cacao, le riz et le sucre, dans les grandes surfaces, les drogueries ou encore aux marchés fermiers. En septembre 2011, Litoměřice et Vsetín ont été les deux premières villes tchèques à recevoir le titre officiel de « Communes de commerce équitable », sans oublier le grand succès de la chaîne de cafés pragois Mamacoffee : un projet tchèque qui contribue au développement de l’Ethiopie. « Asociace pro fair trade » est une plate-forme tchèque pour le commerce équitable. Elle est dirigée par Veronika Bačová, 29 ans. Elle retrace l’histoire du commerce équitable en République tchèque :
Il vous arrive de voyager dans les pays producteurs, donc dans les pays en voie de développement ?
« Personnellement, je n’y suis jamais allée, mais j’espère que dans le futur, j’aurai cette possibilité. Pour l’instant, je voyage beaucoup en Europe. Nous nous concentrons plutôt sur la promotion du commerce équitable ici, en République tchèque. Pour le moment, nous n’avons pas les capacités pour participer aux activités de production dans les pays concernés. En revanche, nous invitons les producteurs en République tchèque : ils racontent au public comment cela marche sur place, quelles sont les difficultés qu’ils peuvent avoir…Nous avons déjà accueilli des producteurs de Tanzanie, du Kenya, et pour 2012, nous avons invité un producteur de cacao de Bolivie. Il passera quinze jours en République tchèque et rencontrera surtout des jeunes dans des écoles tchèques. »
Nous sommes installées dans votre bureau et nous buvons un café qui est, comme vous me l’avez dit, un peu particulier. Pourriez-vous expliquer pourquoi ?« Je vous ai servi, évidemment, un café issu du commerce équitable. C’est un café soluble qui a été entièrement fabriqué en Tanzanie. Le fait est que la plupart des produits, comme par exemple le café ou le cacao, sont importés en Europe à ‘l’état vert’, c’est-à-dire que les fèves ne sont pas travaillées. Le café est torréfié dans les pays importateurs. Ce café-là a donc été entièrement produit dans une coopérative en Tanzanie. »
Ce qui rapporte encore plus d’argent au pays.
« Exactement. C’est la valeur ajoutée du produit qui reste dans le pays. C’est d’ailleurs dans ce sens que le commerce équitable devrait évoluer. »Changeons de sujet… Vous avez étudié les Etudes de genre à la Faculté des sciences humaines de l’Université Charles. Vous avez également fait un séjour d’études à l’Université Toulouse II, au département de sociologie…
« C’est justement pourquoi j’ai choisi de faire mon Erasmus à l’université Le Mirail de Toulouse : j’avais la possibilité de fréquenter des cours sur les rapports sociaux des sexes. Il était intéressant de pouvoir comparer les approches de cette problématique qui existent en République tchèque et en France. J’ai eu aussi l’opportunité d’étudier des auteurs français… et françaises ! Cela n’est pas vraiment possible en République tchèque, où les deux années de master se sont pratiquement déroulées en anglais. Dans le domaine du genre, il existe très peu d’ouvrages traduits en tchèque et je ne crois pas que ça puisse changer à l’avenir. »
Pendant vos séjours en France, vous avez également collaboré avec plusieurs associations de bénévoles. A Toulouse, vous vous êtes occupée d’enfants issus de milieux défavorisés. Racontez-nous cette expérience.« Nous avons travaillé avec des enfants âgés d’environ sept ans, originaires des pays du Maghreb. Ils avaient peu de possibilités d’apprendre le français et d’apprendre tout court, étant donné que leurs parents ne parlaient pas bien le français non plus. Nous avons donc organisé des ateliers pour ces enfants, et le but était de les sensibiliser à la lecture et à l’écriture. Il est vrai que ce n’était pas toujours facile pour moi. On dit que les Tchèques sont quand même un peu plus calmes que les petits Français, et j’avoue que c’est vrai… (rires) Mais c’était une expérience intéressante. »
Vous êtes aussi attachée à la ville de Nantes qui est, selon vous, très « tchèque ».
« Oui, j’ai été étonnée d’apprendre qu’il y a beaucoup de Tchèques qui vivent et travaillent à Nantes. Moi-même, j’ai eu l’occasion d’y préparer mon mémoire, donc j’ai fréquenté le milieu universitaire. Il existe de nombreux liens et échanges entre les universités nantaises et tchèques, dans les domaines des langues et de l’architecture notamment. D’ailleurs, la République tchèque a même un consulat à Nantes. Les Tchèques à Nantes sont assez actifs : ils organisent des rencontres, mais ils ne restent pas entre eux, ils y invitent aussi leurs amis français. Je me souviens par exemple d’une soirée ‘tchèque’ de Noël que nous avions organisée dans un bar de Nantes, avec un quiz sur la République tchèque destiné aux Français. C’était assez drôle. Je n’ai pas vécu cela à Toulouse. »