Ivan Hašek : « Strasbourg et son stade étaient un rêve d’enfant »
A l’occasion du 20e anniversaire de la première manifestation de la révolution de velours, Radio Prague s’est entretenu avec Ivan Hašek. En novembre 1989, il était le capitaine de l’équipe de Tchécoslovaquie qui se qualifiait pour la Coupe du monde 1990 en Italie. Un an plus tard, Ivan Hašek portait le maillot du RC Strasbourg… Vingt ans plus tard, il raconte.
« A l’époque, si un joueur tchèque partait dans un club étranger, il était suspendu pour un an et demi par l’UEFA ou la FIFA. C’était le règlement. On n’avait pas le droit de partir sans l’accord du club sous peine de ne pas jouer. C’est pour ça qu’il n’y avait personne qui osait partir, à l’exception de quelques joueurs de hockey sur glace qui sont partis en Amérique. Eux, ils pouvaient jouer tout de suite. Pour nous, c’était beaucoup plus difficile. Personne ne voulait prendre de risques. Personnellement, j’aurais eu peur pour ma famille qui serait restée au pays. Et puis je n’avais pas envie de ne pas joueur un an et demi. »
-Suite à cette révolution, la Tchécoslovaquie a participé à la phase finale de la Coupe du monde en Italie. Pour les supporters, c’était l’une des premières possibilités de voyager à l’étranger avec l’équipe nationale. Pour vous, joueurs, était-ce un élément important de motivation ?« Oui, ça reste un moment inoubliable. C’était la première fois que l’on jouait à l’étranger avec le soutien de nos supporters. Avant cela, c’était presque impossible. Je pense qu’on était beaucoup plus courageux pendant les matchs. Il est seulement dommage qu’on ait été éliminés en quarts de finale parce qu’on avait une équipe avec un excellent état d’esprit, et on pensait pouvoir aller encore plus loin. »
-Suite à cette Coupe du monde, vous avez quitté le Sparta Prague pour le RC Strasbourg. Pourquoi Strasbourg précisément et quelles ont été vos premières impressions lorsque vous êtes arrivé en Alsace ?
« J’avais des propositions d’autres clubs, en Italie et en Allemagne notamment. Mais j’ai choisi la France d’abord parce que j’aimais bien la ville de Strasbourg. J’y avais passé quelques jours lorsque j’avais douze ou treize ans. J’étais allé au stade et je m’étais dit que ce serait mon rêve d’y jouer un jour. Alors, quand les dirigeants strasbourgeois m’ont fait une proposition, j’ai dit ‘oui’ tout de suite, même si le club était alors en deuxième division. En plus de connaître un peu le stade et la ville, il y avait mon père qui parlait français et qui m’a beaucoup aidé au début. Ce sont toutes ces raisons qui ont fait que j’ai choisi la France. »
-Selon vous, quels ont été les grands changements que la révolution, ses changements politiques et l’ouverture du pays ont entraînés dans le football tchèque ?
« Bien sûr, pour les footballeurs, le fait de pouvoir partir à l’étranger à n’importe quel âge était très intéressant. Cela a donné beaucoup plus de confiance. Partir pour un grand club étranger a permis aux joueurs tchèques de se rendre compte que les joueurs des autres pays étaient comme eux. Cette confiance, je pense que c’est le changement le plus important au niveau du football tchèque. »
-Ne regrettez-vous pas un peu les années 1980 lorsque vous jouiez au Sparta Prague, qui était alors capable de battre des équipes comme le Real Madrid ou de faire jeu égal avec la Juventus Turin en coupes d’Europe ?
« Il est certain qu’aujourd’hui, c’est beaucoup plus difficile de construire une grande équipe en République tchèque. Quand un joueur est bon, il part à l’étranger. A l’époque, on ne pouvait même pas changer de club dans le pays… C’était un peu triste. Tous les joueurs avaient à peu près le même salaire pour qu’il n’y ait pas de stars. Je suis donc très content des changements. Je pense que si un club travaille avec une bonne conception et sur le long terme, il est toujours possible de construire une bonne équipe. Il y a des possibilités. Mais c’est sûr que, économiquement, c’est dur. Le problème aujourd’hui est que les bons joueurs partent directement pour l’étranger sans passer par le Sparta ou le Slavia Prague, comme cela était le cas auparavant. C’est ce qui empêche d’avoir deux ou trois équipes fortes en coupes d’Europe. »