Avant sa prochaine pièce de théâtre, Vaclav Havel à Paris pour présenter son dernier livre
Exceptionnellement nous retournons dans cette émission à Paris, où l'ancien président tchèque Vaclav Havel était la semaine dernière, notamment pour présenter la traduction de son dernier livre, dont la version française intitulée "A vrai dire" vient de sortir aux éditions de l'Aube .
C'est au centre tchèque de la rue Bonaparte que Vaclav Havel a rencontré la presse française, toujours très intéressée par les écrits et les paroles de l'ancien dissident devenu chef de l'Etat. L'Europe, l'Irak, les élections présidentielles françaises : Vaclav Havel a également abordé des sujets d'actualité.
Les médias français ont beau être accaparés par la campagne électorale, beaucoup de journalistes avaient fait le déplacement pour voir et écouter celui parfois considéré comme le « Nelson Mandela européen ». Beaucoup en ont d'ailleurs profité pour se faire dédicacer leur exemplaire du dernier livre de Vaclav Havel, co-écrit avec Karel Hvizdala. Un livre dont nous avons déjà parlé sur cette antenne et qui est une sorte de collage, pas des mémoires comme peuvent en écrire tant de politiciens une fois qu'ils ont quitté le pouvoir :
« Pourquoi je n'ai pas écrit de mémoires dans le sens strict du terme ? Pour plusieurs raisons. Premièrement parce que je n'ai pas une bonne mémoire... Deuxièmement, j'ai vécu tellement de choses que cela aurait été terriblement long. Je n'avais pas de documentation ni d'équipe de collaborateurs, et puis surtout ça ne m'aurait pas amusé de le faire : je préfère regarder vers l'avenir que me tourner vers le passé. Voilà pourquoi j'ai opté, à cette étape de ma vie, pour cette forme assez spéciale de collage. »
« Ce collage est formé de trois éléments principaux : un entretien réalisé avec le journaliste Karel Hvizdala, des notes que j'écrivais à mon équipe pendant ma présidence - ça a d'ailleurs été difficile de faire un tri dans ces milliers de pages - et puis des extraits de mon journal écrits il y a a peu près deux ans. Cette méthode permet à chaque lecteur de sauter les passages qui ne l'intéressent pas et de passer à ce qui l'amuse plus. »
« Bien sûr j'ai censuré les notes internes mais d'un autre côté je voulais laisser entrevoir le quotidien du pouvoir dans un pays post-communiste, où nous devions tout réinventer après des décennies d'interruption des traditions démocratiques. Dans le livre il y a donc aussi des critiques sur le menu du dîner officiel, sur la rapidité ou la lenteur des serveurs : des soucis 'profanes' du quotidien. Mais il y a évidemment toujours en fond ces événements qui ont représenté de grands changements pour notre pays, pour l'Europe, et pour le monde. »
Le livre de Vaclav Havel sort en France aux éditions de l'Aube, une maison d'édition qui depuis vingt ans publie la traduction de ses écrits. Marion Hennebert est la fondatrice des éditions de l'Aube :
« C'est une longue tradition, parce qu'effectivement quand nous avons débuté nous avions très envie de donner la parole à des gens qui ne l'avaient pas nécessairement dans leur propre pays, d'où Vaclav Havel, d'où Karel Pecka et d'autres écrivains tchèques qui nous tiennent à coeur mais aussi Gao Xingjian - prix Nobel de littérature chinois - ou Nguyen Huy Thiep le Vietnamien. Mais j'ai une tendresse toute particulière pour Vaclav Havel. Le jour où j'ai amené à Prague Quelques mots sur la parole, la traduction française de Slovo o slovu, c'était le premier jour de la Révolution de velours. Ca a été une très grande aventure. Nous avons suivi le président depuis ce moment-là, je pense que nous avons publié tous ses textes politiques avec quelques livres plus émouvants comme Lettres à Olga ou comme celui-ci, qui est un livre-bilan d'une expérience assez unique. »A Paris, Vaclav Havel a refusé toutes les demandes d'entretien faites par la presse. Mais lors de cette conférence à l'institut tchèque, il a accepté de répondre à quelques questions.
L'un des derniers gestes politiques de Vaclav Havel à la présidence de la République fut de signer une lettre de soutien apporté au gouvernement américain et à l'intervention en Irak. Qu'en pense-t-il aujourd'hui ? La question lui a évidemment été posée :
« Pour moi, cette intervention à l'époque s'inscrivait dans la logique d'un acte de non-indifférence pour ce qui arrive à des gens dont nous nous sentons proches. En ce qui concerne la manière ou le modus operandi de cette opération, bien sûr j'aurais 1500 différentes remarques à faire, mais à mon sens il s'agit d'un acte de solidarité humaine unique. Et en ce qui concerne cette lettre signée avec une dizaine de chefs de gouvernement et d'Etat, c'était dans un contexte où l'intervention devenait imminente et c'était plutôt un acte par lequel nous avons manifesté une certaine loyauté à notre allié. Je me suis à l'époque personnellement entretenu à ce propos avec M. Bush à deux reprises et j'ai attiré son attention sur les dangers d'une telle évolution. »
Pour finir, Vaclav Havel a été interrogé sur la campagne présidentielle en France :
« En ce qui concerne la campagne présidentielle, ne vivant pas ici je n'ai pas assez d'informations pour pouvoir exprimer mon opinion de manière responsable. Mais je pourrais dire quand même que j'ai toujours tendance à apporter mon soutien aux femmes ».
Quelques minutes après ces déclarations, l'Agence France Presse a donc titré « Vaclav Havel apporte un soutien en forme de boutade à Ségolène Royal ». Mais qui sait, l'ancien dissident avait peut-être en tête une autre femme candidate... Réflexion faite, on se doute que Vaclav Havel n'est pas le plus grand fan des candidates communiste et trotskiste. Il ne reste donc plus que Ségo... ou Dominique Voynet.
Bref, en dehors de ces questions de politique intérieure que Vaclav Havel a rapidement esquivées, la question qui lui a été le plus souvent posée, cette fois par les Tchèques présents à Paris pour la cérémonie en hommage à Pavel Tigrid, était : « Avez-vous fini d'écrire votre pièce M. le Président ? ».
Réponse timide mais affirmative de l'intéressé, qui était parti aux Etats-Unis dans le but d'écrire une nouvelle pièce de théâtre. La pièce est finie, le metteur en scène déjà choisi - ce sera vraisemblablement Andrej Krob - et la scène aussi : le théâtre Na Zabradli, là où sa première pièce avait été produite, au début des années 1960.