Résolution du Parlement tchèque : « Il est impossible que la Fédération de Russie reste impunie »
Le président du club parlementaire KDU-ČSL Marek Výborný s’exprime sur la résolution unanime du Parlement tchèque contre les crimes du régime de Poutine.
Après le massacre de Boutcha, les hommes et femmes politiques tchèques ont unanimement condamné les agissements de l’armée russe en Ukraine. Ainsi le ministre des Affaires étrangères Jan Lipavský (Pirates) s’est exprimé avec fermeté contre la Russie de Poutine, déclarant que la situation à Boutcha rappelait les horreurs de la Seconde Guerre mondiale. D’autres, notamment la ministre de la Défense Jana Černochová (ODS), ont déclaré que l’action russe contre les Ukrainiens était un génocide.
La Chambre des députés, pour sa part, a adopté la proposition de son vice-président Jan Bartošek (KDU-ČSL) condamnant les actions de la Russie en Ukraine. Dans cette résolution, les députés ont demandé la création d’un tribunal international pour les crimes de guerre et l’implication du gouvernement tchèque dans ces préparatifs. Le texte a été adopté à l’unanimité par les 153 députés présents, y compris ceux de l’opposition (50 députés ANO et 17 députés SPD), un événement suffisamment rare pour être souligné.
Une réaction « prosaïque » qui fait l’unanimité
Président du club parlementaire de l’Union chrétienne démocrate – Parti populaire tchécoslovaque (KDU-ČSL), Marek Výborný souligne que la formulation de ce texte ne cherchait pourtant pas le compromis. Au micro de la Radio tchèque, il a expliqué que la résolution « constituait une réponse aux images du massacre de Boutcha », une réaction à « l’horreur qui ne peut laisser personne indifférent ». Marek Výborný :
« C’est une résolution que nous considérons comme absolument pertinente, justifiée. En effet, elle peut sembler très dure sur certains points, et à juste titre, principalement à l’encontre de la Fédération de Russie, parce qu’il s’agit de l’agresseur. Et lorsque nous regardons les images de l’Ukraine, ce qui nous vient vraiment à l’esprit, ce sont les images de Srebrenica, dans les années 1990 en Yougoslavie, ou peut-être également de la Seconde Guerre mondiale. »
« Je dois dire, à la décharge de l’opposition – aussi bien du mouvement ANO que du SPD – qu’aucun membre de l’opposition n’a émis d’objection ni de demande de modification de la formulation du texte en faveur d’une formulation plus souple. J’ai été agréablement surpris de constater que tous, y compris la minorité de l’opposition, ont levé la main en faveur de la résolution. »
Dans leur résolution, les députés tchèques sont également revenus sur les événements survenus il y a huit ans. Ainsi on peut y lire : « L’agression contre l’Ukraine, que la Fédération de Russie a commise en 2014 en s’emparant de la Crimée et de certains territoires dans l’est de l’Ukraine, est également un crime ».
Par ailleurs, les parlementaires estiment qu’il est nécessaire de faire pression pour le retrait de toutes les troupes russes non seulement de l’Ukraine, mais également du territoire de la Moldavie, de la Géorgie et de la Biélorussie. Ils y expriment également leur soutien aux ressortissants russes et biélorusses qui s’opposent à la guerre contre l’Ukraine, y compris ceux qui ont fui leur pays.
Une déclaration de confiance au gouvernement
Marek Výborný estime que ce texte constitue en quelque sorte une déclaration de confiance du Parlement tchèque au gouvernement Fiala. En effet, la deuxième partie de la déclaration lui réitère son soutien, estimant que les mesures déjà prises notamment en faveur d’une indépendance énergétique de la République tchèque vis-à-vis de la Russie sont justes, mais qu’elles devraient être plus vigoureuses. Par ailleurs, la résolution des parlementaires s’engage en faveur d’une punition des crimes du régime de Poutine et du paiement de réparations. Marek Výborný :
« Dans le contexte de l’histoire de ces cent dernières années, alors que des crimes de guerre de la Seconde Guerre mondiale ont été traités lors des procès de Nuremberg, alors qu’il y a eu deux tribunaux pénaux internationaux spéciaux pour les crimes commis en ex-Yougoslavie et également sur le territoire de l’ex-Rwanda, il n’est tout simplement pas possible, que les actions de la Fédération de Russie restent impunies »
Agir avec les tribunaux pénaux internationaux et l’UE
En défit des formulations vigoureuses de cette déclaration engagée, Marek Výborný fait toutefois remarquer que la République tchèque seule n’a pas le pouvoir de punir ces crimes. Cela ne signifie pas pour autant qu’elle ne peut rien faire. Marek Výborný :
« Tout d’abord, la République tchèque est membre des Nations unies. D’ailleurs, les tribunaux pénaux internationaux que j’ai précédemment mentionnés ont été créés sur la base de décisions des Nations unies, et plus précisément du Conseil de sécurité. Bien sûr, on peut remettre en question l’efficacité du Conseil de sécurité, étant donné que la Fédération de Russie en est un membre permanent disposant du droit de veto… Mais n’oublions pas que la situation ne relève pas nécessairement des Nations unies, car nous disposons également, à La Haye, d’une cour pénale internationale permanente où les crimes de guerre peuvent être jugés. »
« Mais ne nous enlisons pas dans des considérations de procédures juridiques : à l’heure actuelle, il faut convaincre la communauté internationale et les dirigeants mondiaux que ce qui se passe en Ukraine est un crime de guerre. Si la République tchèque n’a pas le pouvoir de punir ces crimes, elle ne peut pas fermer les yeux pour autant. Nous avons un président, un Premier ministre, un ministre des Affaires étrangères, et nous devons agir avec la communauté internationale, et de façon concertée avec l’Union européenne. Nous devons prendre toutes les mesures nécessaires afin que la Fédération de Russie soit punie »
Outre le Parlement tchèque, le Sénat a également publié une déclaration qualifiant le meurtre de civils de crime de guerre au regard du droit international et réclamant sanctions supplémentaires, action en justice et réparations à l’égard de la Russie.
La famine en Ukraine en 1932-1933 qualifiée de génocide
En plus de ces résolutions contre les agissements actuels du régime de Poutine et de l’armée russe en Ukraine, le Parlement tchèque a publié une autre résolution forte reconnaissant la famine qui a sévi en Ukraine entre 1932 et 1933 comme un génocide de la nation ukrainienne. Rappelons que selon certaines estimations, la famine du régime communiste avait alors causé la mort de près de dix millions de personnes dans toute l’URSS, dont plus de la moitié en Ukraine. Toutefois, la Russie n’accepte pas l’utilisation du terme « génocide », se défendant en affirmant que tous les peuples soviétiques – y compris les Russes – avaient alors souffert de l’oppression bolchévique.