Le 9 mai 1945, Mladá Boleslav était bombardée par les avions soviétiques
Cette année, la République tchèque a commémoré le 8 mai 1945 « sans l’hymne et le drapeau russe », comme le remarque la presse ce lundi. Pour célébrer le 77e anniversaire de la libération de la Tchécoslovaquie par l’Armée rouge et les troupes américaines, Prague, Plzeň, Olomouc, Liberec, Ostrava et d’autres villes encore ont organisé des événements traditionnels, mais marqués par la guerre en Ukraine. En prolongement de cette commémoration particulière, la sortie, cette semaine, d’un documentaire inédit sur le bombardement soviétique de la ville de Mladá Boleslav, le 9 mai 1945, qui a fait près de 500 victimes militaires et civiles.
« C’était une très belle journée de printemps et nous allions nous promener, pour voir comment les nazis quittent la ville… Soudain, des avions sont apparus sur le ciel et les bombes ont commencé à tomber… », se souviennent les témoins de l’époque dans le documentaire intitulé « Le 9 mai 1945, le bombardement de Mladá Boleslav ». Réalisé par l’association Post Bellum, en coopération avec d’autres institutions, dont le Fonds de dotation de l’usine Škoda Auto, ce documentaire, ouvre un chapitre peu connu de l’histoire tchèque. Michal Šimek de l’association Post Bellum explique :
« Mladá Boleslav, ainsi que plusieurs autres villes tchèques, ont été bombardées les 8 et 9 mai 1945 par les avions de l’Armée rouge, mais ce fait a été dissimulé pendant de longues années. Les habitants de Mladá Boleslav pensaient que c’était la Luftwaffe qui avait commis cette attaque, pour se venger. »
« Mais en réalité, c’est le maréchal soviétique Koniev qui a donné l’ordre de bombarder la ville. Il a pris cette décision pendant une soirée de fête qui a duré toute la nuit du 8 au 9 mai. Il a réagi au fait que les troupes allemandes étaient en mouvement. Les soldats essayaient de passer la ligne de démarcation pour devenir prisonniers de guerre de l’Armée américaine. Ce sont eux, les soldats allemands, qui étaient ciblés par ces bombardements de l’Armée rouge. Ils ont été particulièrement dévastateurs justement à Mladá Boleslav. »
« Les Allemands avaient occupé le pays, alors nous pour nous, il n’y avait aucun doute : c’étaient eux qui nous bombardaient », raconte une témoin dans le film. Le raid aérien mené par l’Allemagne nazie est d’ailleurs toujours évoqué sur une plaque commémorative placée sur le bâtiment d’une école de Mladá Boleslav, détruite par l’une des 700 bombes qui se sont abattues ce jour-là sur la ville, faisant près de 150 victimes tchèques et 350 victimes allemandes. Les documents qu’abrite le Musée de Mladá Boleslav montrent les autres cibles de l’attaque : le centre-ville, l’usine automobile Škoda, les casernes.
« Il est important de donner un éclairage sur événement, de révéler enfin la vérité. Car ce bombardement a d’abord été imputé aux Allemands, puis, après le putsch communiste de 1948, aux Américains », a déclaré Michaela Pavlátová de l’association Post Bellum. « En travaillant sur le documentaire, il ne nous est pas venu à l’esprit qu’au XXIe siècle, il serait encore possible de bombarder les populations civiles », a-t-elle confié. La première projection publique du film, suivie d’un débat, aura lieu le 12 mai au Musée de l’aviation de Mladá Boleslav, soit quelques jours après que Prague ait retiré la citoyenneté d’honneur au maréchal Ivan Koniev controversé.
Pour commémorer le 77e anniversaire de la victoire des combattants alliés sur l’Allemagne nazie, les dirigeants politiques tchèques et les représentants de l’Armée se sont réunis, ce dimanche, au mémorial de Vítkov, au centre de Prague, pour rendre hommage aux soldats russes, ukrainiens, roumains, géorgiens autres qui ont participé aux lourds combats menés sur le territoire tchèque en mai 1945, non seulement à Prague, mais aussi par exemple près d’Ostrava, en Moravie-Silésie.
Pour la première fois cette année, les célébrations se sont déroulées en l’absence des représentants diplomatiques de la Fédération russe. Ambassadeur d’Ukraine à Prague, Jevhen Perebyjnis a déclaré à ce propos :
« D’un point de vue moral, la Russie n’a pas le droit de célébrer la victoire sur l’Allemagne nazie à la fin de la Seconde Guerre mondiale. Car la Russie est devenu un Etat fasciste qui a attaqué l’Ukraine. »
Le maire de Prague, Zdeněk Hřib, a expliqué quel était, selon lui, le sens des commémorations dans ce contexte particulier :
« Par son agression sans précédent contre l’Ukraine, la Russie a bafoué la mémoire de tous les soldats engagés au sein de l’Armée rouge qui avaient participé à la libération de la Tchécoslovaquie. Cependant, j’estime que le sacrifice de ces soldats ne doit pas être oublié. »