Institut du théâtre et des arts : « La solidarité du milieu artistique avec l’Ukraine est très forte »
Liens vers des institutions, offres d’emploi ou de stages ou encore événements culturels caritatifs pour l’Ukraine : c’est ce que recense l’Institut du théâtre et des arts tchèque (IDU) dans une lettre d’information et sur une page web dédiées aux informations culturelles en rapport avec les réfugiés ukrainiens. En tchèque pour la première, en anglais pour la seconde, ces deux projets sont destinés aux Tchèques et aux Ukrainiens du secteur de la culture.
Dès le début de l’invasion russe en Ukraine, comme de nombreux particuliers et institutions tchèques, l’Institut du théâtre et des arts (IDU) a ressenti le besoin de venir en aide aux réfugiés d’Ukraine. Responsable du marketing et de la communication dans cette institution dont l’activité porte sur la promotion et la recherche dans les domaines notamment du théâtre, mais également d’autres domaines artistiques, Judita Hoffmanová explique quelle a été l’approche de l’Institut du théâtre et des arts :
« Etant donné que nous n’avons pas la possibilité de proposer des logements ni des emplois, ni d’organiser des collectes de fonds, nous avons décidé de mettre à profit ce qui fait notre force, à savoir le tissage de liens et le partage d’informations. Comme lors de la pandémie de Covid-19, nous avons donc immédiatement réagi en lançant une lettre d’informations, intitulée Kulturou za Ukrajinu (‘La culture pour l’Ukraine’) et dont l’objectif principal est le partage d’informations provenant des institutions culturelles tchèques vers lesquelles peuvent se tourner les artistes ukrainiens. Nous y fournissons donc des informations sur les activités des différentes institutions, sur ce qu’elles proposent, etc. Nous avons opté pour une version en tchèque, car nous ne sommes pas directement en contact avec les artistes ukrainiens. »
« Par ailleurs, plus récemment, nous avons mis en place la page web Culture for Ukraine, qui est en anglais, à la demande de plusieurs institutions culturelles. Elle est donc destinée directement aux artistes ukrainiens et recense, d’une part, des informations pratiques sur les institutions auxquelles ils peuvent s’adresser et faire des demandes de subventions ou d’autres aides ; d’autre part, des informations destinées à leurs familles, et notamment les activités et événements culturels destinés aux Ukrainiens. Ce site est encore en phase de test ; pour l’instant, nous cherchons avant tout à savoir ce que les artistes ukrainiens en attendent. »
« Nous sommes partis du constat qu’il existe énormément de sites d’information pour les Ukrainiens ; nous avons donc décidé de collecter, de recenser et de partager toutes ces informations au sein d’une lettre d’information et d’un site uniques. »
Pour rassembler une sélection aussi large que possible d’informations pouvant intéresser les Ukrainiens du secteur de la culture, mais aussi les Tchèques qui s’intéressent à la question, l’Institut du théâtre et des arts incite les institutions à leur faire part de toute info – pratique ou autre – à l’adresse [email protected]. Par ailleurs, un formulaire permet, après inscription (gratuite), de publier des offres d’emplois ou des petites annonces de recherche d’emploi. Des possibilités de subventions aux concerts organisés pour récolter des fonds pour l’Ukraine, en passant par des ateliers de théâtre gratuits destinés aux enfants ukrainiens, les informations et annonces rassemblées sont très diverses ; cependant, l’Institut du théâtre et des arts en vérifie systématiquement l’exactitude et la fiabilité avant de les diffuser.
A l’heure actuelle, la lettre d’information quasi-hebdomadaire est reçue par plus de 3000 personnes ou institutions, et les retours sont très positifs. Judita Hoffmanová explique que les destinataires sont essentiellement des institutions, des théâtres et des centres culturels, des associations et des organisations professionnelles, mais aussi des communes, ou encore le ministère de la Culture ou le magasine bimensuel spécialisé dans le monde du théâtre Divadelní noviny. Sans oublier pour autant des particuliers, souvent impliqués d’une façon ou d’une autre dans le domaine culturel.
Depuis le 24 février, date de l’invasion de l’Ukraine par la Russie, la République tchèque a accordé plus de 337 000 visas spéciaux à des réfugiés venant d’Ukraine. Ce type de visa permet à celui qui en bénéficie de rester dans le pays jusqu’à un an tout en ayant accès à l’assurance maladie publique, à l’éducation et au marché du travail. D’après les données du ministère de l’Intérieur, plus de 75 % des personnes qui en ont bénéficié sont des femmes. L’Institut du théâtre et des arts ne dispose pas des données permettant d’estimer la proportion d’artistes et professionnels de domaines artistiques parmi les réfugiés d’Ukraine, mais Judita Hoffmanová explique que l’Institut a déjà été contacté par des artistes individuels. En coopération avec d’autres institutions culturelles tchèques partenaires, ils sont déjà parvenus à aider une centaine d’entre eux pour des questions très pratiques telles que la recherche d’un logement ou d’un lieu de travail. Mais concrètement, un artiste ukrainien peut-il espérer trouver un travail dans son domaine en République tchèque ? Judita Hoffmanová :
« Cela dépend vraiment du domaine artistique. Les artistes de théâtre, par exemple, se retrouvent face à la barrière de la langue. S’ils ne parlent pas tchèque, il est beaucoup plus difficile pour eux de trouver une façon d’exercer leur talent. En revanche, pour les artistes du domaine de la musique ou de la danse, cela peut être plus simple. Mais dans tous les cas, en raison de la pandémie de Covid-19, toutes les institutions culturelles font actuellement face à des problèmes importants, et engager des artistes supplémentaires n’est pas forcément évident pour elles. En dépit de cela, force est de constater que la solidarité du milieu artistique est très forte : aussi bien les institutions que les artistes eux-mêmes, tous essayent de venir en aide aux autres. Ainsi, lorsqu’un artiste ukrainien s’adresse à nous, en général, nous parvenons à lui trouver un logement ou un espace de travail, à répondre à ses besoins. »
Judita Hoffmanová évoque par exemple le projet de La Putyka, qui fait participer à son spectacle intitulé « Cesty » (« Voyages ») les étudiants de l’école de cirque de Kyiv, que le cirque pragois a accueilli dès le début du conflit.
Elle cite également les cas de deux artistes ukrainiennes que le déplacement forcé depuis leur pays d’origine n’a pas empêché de continuer leur production artistique :
« Nous avons par exemple le cas d’une sculpteuse, une artiste qui fait partie des résidents soutenus par l’institution culturelle Centre tchèque. Elle travaille actuellement à une sculpture qui sera présentée par le Centre tchèque une fois terminée. Par ailleurs, nous avons le cas d’une photographe qui a réalisé une série de photos ici à Prague, et pour laquelle nous sommes actuellement à la recherche d’un espace d’exposition. Ce sont là deux exemples de résultats très concrets de l’aide que nous offrons, avec des artistes qui se sont intégrés à la vie locale. Et ils ont déjà produit des œuvres d’art qui ne demandent plus qu’à être exposées. »