Presse : le nom de Václav Havel continue de résonner sur la scène européenne
L’héritage de l’ancien président tchèque Václav Havel résonne toujours sur la scène européenne : tel est le premier sujet abordé dans cette nouvelle revue de presse. Celle-ci s’intéresse également à la façon dont les héros et les anti-héros sont présentés dans les séries télévisées et les films tchèques. D’autres sujets à son sommaire : le rôle du clientélisme en Tchéquie, les retombées de la crise sur la classe moyenne, la participation de la Tchéquie au concours Eurovision de la chanson.
Une nouvelle fois, Václav Havel brille sur la scène internationale, telle l’incarnation d’une figure opposée à Poutine, peut-on lire en titre d’une note mise en ligne sur le site Seznam Zprávy qui a indiqué :
« L’ancien président tchèque Václav Havel, mort en 2011, a souvent été étiqueté comme étant un rêveur naïf. Et cela notamment par ses successeurs Václav Klaus et Miloš Zeman, ainsi que par d’autres de ses opposants. Ceux-ci doivent sans doute mal vivre le fait que Havel pour lequel la morale et la décence constituaient les principes fondamentaux de la démocratie soit aujourd’hui mentionné comme un pilier de l’Europe. »
Selon la cheffe de la Commission européenne Ursula von der Leyen, en effet, Vladimir Poutine souhaite détruire l’Europe telle qu’elle a été bâtie entre autres par Václav Havel. Dans un discours prononcé lors de la remise, dimanche dernier à Aix-la-Chapelle, du Prix Charlemagne au président ukrainien Volodymyr Zelensky, elle l’a cité aux côtés de l’ex-chancelier allemand Helmut Kohl ou de l’ancien président français François Mitterrand. Havel, comme l’a rapporté Seznam Zprávy, a également été mentionné par le chancelier allemand Olaf Scholz. Et de rappeler :
« Havel avait fait la preuve de son instinct politique dès 2009. Dans un entretien accordé à l’époque au Daily Telegraph, il estimait que Poutine constituait un danger bien plus grave que Boris Eltsine et qu’il ne fallait pas vendre les droits de l’homme pour du pétrole ou du gaz. Les Tchèques peuvent être fiers de ce rêveur pragmatique dont les idées sont, douze ans après sa mort, une référence les élites européennes. »
Les héros et anti-héros dans les fictions tchèques
L’hebdomadaire Respekt s’est penché sur le succès de la nouvelle série télévisée Volha créée par la Télévision publique tchèque et sur le débat animé qu’elle a soulevé. Une première série, selon beaucoup, qui a montré l’époque de la normalisation dans les années 1970-1980, de façon authentique. Son protagoniste principal est un anti-héros qui a ses propres règles et sa morale propre. « Pourquoi sait-on saisir les anti-héros mieux que les héros ? Est-ce dû à l’influence de Chveïk, ce personnage central de la culture tchèque ? », s’interroge dans ce contexte l’éditorialiste du magazine. La réponse n’est pas évidente :
« Difficile de présenter dans un pays d’ anti-héros des gens courageux de façon à ce qu’il soient intéressants et convaincants et qu’ils captivent sur le petit ou le grand écran. Les héros de l’époque de la normalisation présentés dans les films tchèques sont majoritairement antipathiques ou peu réalistes. Le biopic consacré à Václav Havel, par exemple, était fade, parce qu’il a enlevé au plus célèbre des dissidents tchèques sa puissance intellectuelle. Dans le film, son héroïsme s’apparentait à celui des héros de film d’action, omettant l’univers fragile d’un intellectuel qui défie le monde et lui-même. »
« On s’est habitué à faire croire que nous sommes finalement tous plus ou moins identiques ». Voilà ce qui , selon l’éditorialiste de Respekt, expliquerait que les films tchèques n’arrivent pas à bien présenter les héros. « Aussi séduisante soit-elle, cette hypothèse est pourtant fausse. Il y a toujours autour de nous des gens qui le prouvent », ajoute-t-il.
La démocratie tchèque sous l’étreinte étouffante d’acteurs économiques ?
Environ 15 % de la richesse de la République tchèque est générée dans des secteurs sensibles au clientélisme. C'est ce que révèlent des données publiées par le magazine britannique The Economist au début du mois de mai et que commente le journal en ligne Deník Referendum :
« Compte tenu de cette part extrêmement élevée, le fait que la démocratie tchèque ne soit pas encore mutilée s’apparente à un miracle. Elle le doit en grande partie à son appartenance à l’Union européenne, ses règles limitant l’espace de manœuvres des oligarques et des milliardaires liés de telle ou telle manière à l’Etat. Le problème surviendra s’ils commencent à mettre cette appartenance à doute ou s’ils se mettent à coopérer afin d’influencer les décideurs politiques et l’Etat. »
L’éditorialiste du journal rappelle que les bases du capitalisme de connivence dans le pays ont été posées lors du processus de privatisation dans la première moitié des années 1990. Selon lui, l’ex-Premier ministre Andrej Babiš est un pur produit de cette époque, lui « dont les contacts politiques acquis sous le régime communiste et le système du clientélisme naissant ont permis de devenir une des plus grandes fortunes tchèques ».
« La démocratie tchèque est sous l’étreinte étouffante d’acteurs économiques dont l’intérêt principal ne consiste pas à cultiver la démocratie. D’où la nécessité de renforcer les activités en faveur de l’approfondissement de l’intégration tchèque dans les structures de l’Union européenne », peut-on encore lire dans Deník Referendum.
La classe moyenne face à la crise
« Les employés appartenant à la classe moyenne sont les principales victimes de la crise », constate l’auteur d’un texte publié dans le journal en ligne Echo24.cz :
« L’année dernière, les Tchèques ont connu la plus forte chute de leur niveau de vie et la plus rapide hausse des prix depuis la création de la République tchèque en 1993. Cette évolution touche la classe moyenne beaucoup plus que les plus pauvres ou les plus aisées, ces dernières ayant même multiplié leurs bénéfices. Son appauvrissement n’en est que plus marquant. »
La classe moyenne, comme l’estime également un éditorialiste du quotidien économique Hospodářské noviny, a devant elle des temps difficiles. Pour lui, c’est un constat inquiétant eu égard à la démocratie, car cette classe est la base de la stabilité sociale et économique du pays :
« Le sentiment de ne plus avoir grand-chose à perdre est l’un de ceux qui attisent les ‘révoltes des électeurs’ et qui risquent de les rediriger vers des formations populistes. Une menace que les partis de la coalition gouvernementale devraient prendre en considération. Par ailleurs, le soutien de la classe moyenne est un des points importants de leurs déclarations programme. »
La Tchéquie à l’Eurovision
Le chroniqueur du journal Lidové noviny de lundi a commenté la finale de l’Eurovison 2023. L’occasion pour lui de récapituler la participation tchèque à « cette traditionnelle revue télévisée de kitsch » qui a débuté en 1956 :
« La Tchéquie a rejoint les participants au concours Eurovision de la chanson en 2007. Entre les années 2010 et 2014, elle était absente, en raison d’un bien faible intérêt du public tchèque pour l’événement. Depuis, aucun interprète tchèque ne s’y est vraiment imposé. A noter notamment l’échec de plusieurs chanteurs ou groupes qui, aux yeux de la critique locale, devaient être dotés d’un grand potentiel international. »
Pour le chroniqueur du journal, la décision de la Télévision tchèque de renoncer à une participation tchèque était bonne. « Dommage qu’elle soit revenue sur cette décision », souligne-il avant de s’interroger d’un ton ironique :
« Est-ce que beaucoup de monde se souvient du nom du vainqueur de l’Eurovision l’année dernière ? Et si oui, connaissent-ils une autre chanson du lauréat que celle qui lui a permis de remporter le concours ? »