Les réfugiés ukrainiens, cible des désinformateurs tchèques
Les réfugiés ukrainiens sont devenus une nouvelle cible des désinformateurs tchèques. Quelles sont les motivations de ces derniers ? Et quelle est l’image des réfugiés dans les médias tchèques ? C’est d’abord à ces deux questions que nous répondrons dans cette nouvelle revue de presse. Autres sujets à son menu : la création envisagée de nouveaux lycées et la perspective d’une nouvelle année scolaire à l’heure de l’IA. Quelques mots enfin sur une nouvelle passerelle fortement appréciée à Prague.
En lien avec deux récentes violences sexuelles à Prague et à Plzeň, qui auraient été commises par des Ukrainiens, tant le président de la République, Petr Pavel, que le ministre de l’Intérieur, Vít Rakušan, ont rejeté l’idée d’une culpabilité collective. Une accusation alimentée par les acteurs de la scène de la désinformation, selon le quotidien indépendant Deník N :
« Les principaux récits de désinformation des prochains jours seront dirigés contre les Ukrainiens. Mais il faut aussi se préparer à ce qu’ils ne s’appuient pas uniquement sur quelque chose d’aussi simple que la culpabilité collective. Ils seront dirigés contre le gouvernement et son incapacité supposée à faire régner ‘l’ordre’ et l’accuseront d’être plus ‘pro-ukrainien’ et ‘anti-russe’ que ‘pro-tchèque’. La fragmentation des opinions et des attitudes au sein de la société tchèque a atteint un tel niveau que les groupes opposés s’étouffent les uns les autres. Comme toute autre entité, les Ukrainiens ne sont qu’un prétexte. »
L’histoire a connu beaucoup de cas de figure où toute altérité devenait une marque qui désignait une minorité prête à détruire « notre » monde traditionnel. Ce ne sont donc pas les acteurs de la désinformation tchèque qui l’ont découverte, comme le souligne encore l’auteur du texte :
« Le gouvernement tchèque finira-t-il par comprendre que la désinformation tchèque utilise, peut-être inconsciemment, des archétypes présents ici depuis des siècles et que ceux-ci fonctionnent très efficacement à l’ère des réseaux sociaux ? Le gouvernement comprendra-t-il un jour que son incapacité à mener une bonne stratégie de communication avec le public met en péril non seulement son avenir politique mais aussi la cohésion sociale élémentaire, et donc notre avenir à nous tous ? »
Le regard sur les réfugiés ukrainiens en Tchéquie change-t-il ?
Sur le même sujet, le quotidien Hospodářské noviny constate que les réfugiés ukrainiens, d’abord remarquablement bien accueillis dans les premiers mois de l’agression russe, sont désormais considérés d’un œil moins bienveillant en Tchéquie. Le journal économique illustre son propos par l’image de la diaspora ukrainienne telle qu’elle est diffusée dans les médias :
« Même certains journaux et magazines autrefois réputés pour leur sérieux du traitement de l’information font tout leur possible pour présenter les Ukrainiens comme un problème collectif. Les crimes certes graves mais isolés commis par des Ukrainiens font l’objet d’une attention dénué de fondement qui se propage sur les réseaux sociaux avant de s’infiltrer dans l’espace public. Le fait que les chiffres ne mentent pas ne change rien à l’affaire. Les statistiques de la police révèlent en effet que s’agissant de ressortissants étrangers, les Slovaques commettent en Tchéquie davantage de délits que les Ukrainiens. Mais c’est là une réalité que les médias ignorent. »
Pourquoi en est-il ainsi ? Une question à laquelle l’auteur du texte répond de la sorte :
« Tout d’abord, les principaux médias qui se disent ‘sérieux’ acceptent de surfer sur la vague xénophobe. Une grande partie d’entre eux appartiennent d’ailleurs à l’oligarque Andrej Babiš, principale figure de l’opposition, dont l’intérêt est de fragiliser la confiance envers le gouvernement de Petr Fiala, car sa politique à l’égard de l’Ukraine jouissait jusqu’ici du soutien d’une grande partie du public. Une autre raison est que le gouvernement a renoncé à combattre la propagande du camp opposé. »
Le problème de la diaspora ukrainienne en Tchéquie, comme on peut encore le lire, n’est donc pas plus d’ordre criminel que social. Le problème est plutôt lié aux Tchèques-mêmes :
« Nous n’utilisons pas sufisamment le potentiel de cette migration. Nous contraignons les Ukrainiens qualifiés à occuper des emplois sous-qualifiés, nous ne leur permettons pas d’accéder aux postes disponibles sur le marché du travail, et ce alors qu’ils pourraient contribuer à faire progresser la Tchéquie plus rapidement. »
En attendant que les lycées s’imposent en Tchéquie
Le mot « lycée » ne fait pas encore partie du vocabulaire courant des Tchèques, car c’est le « gymnase » (gymnazium) qui est la principale école secondaire de formation générale en Tchéquie. Pourtant, comme le note le quotidien Lidové noviny, il faudra s’y habituer car le nombre de nouveaux lycées augmentera à compter de la prochaine année scolaire :
« Cela fait partie du plan du ministère de l’Éducation. L’enjeu est de répondre à une demande de l’enseignement secondaire général qui existe réellement. Par ailleurs, cette nouvelle démarche permettra aux jeunes qui ne savent souvent pas encore ce qu’ils veulent faire dans la vie de se décider plus tard, quand ils seront plus âgés. »
Il s’agit aussi de soulager les écoles secondaires d’enseignement général et en particulier les « gymnases » qui sont aujourd’hui terriblement surchargés. Dans un lycée, comme l’explique encore le journal, la part d’enseignement général est plus importante que dans les autres établissements du cycle secondaire. Voilà pourquoi leurs élèves devraient pouvoir passer relativement facilement du lycée à l’université. Reste néanmoins la question de savoir, selon l’auteur de l’article, s’il y aura suffisamment d’enseignants qualifiés pour certaines matières et si les nouveaux lycées seront une concurrence pour les « gymnases » ou les lycées traditionnels.
Une rentrée scolaire sous le signe de l’intelligence artificielle
Une année difficile attend les enseignants. D’après ce qu’observe le site Seznam Zprávy, ils seront en effet parmi les premiers à ressentir les retombées de l’intelligence artificielle générative dans la vie pratique :
« D’après ce qui ressort des réseaux sociaux, de nombreux enseignants n’en tiennent pas compte. Toutefois, à compter de la rentrée, il leur faudra relever le défi, tout comme les élèves et les étudiants qui utiliseront des instruments de l’IA. Cette dernière va transformer de fond en comble le système d’enseignement. Cela ne se passera pas dans un ou dix ans, mais dès cet automne. Il s’agira d’une transformation rapide et essentielle qui nécessitera des solutions pratiques. »
Ainsi, dès septembre, les enseignants devront décider, par exemple, s’il faut donner des devoirs aux élèves, et si oui, comment. « Une question autrement plus compliquée que toutes celles d’ordre philosophique relatives aux possibilités qu’offre et aux risques que comporte l’IA », peut-on ainsi encore lire.
« HolKa » : une nouvelle passerelle à Prague qui soulève l’enthousiasme
Rares sont les projets de construction réalisés à Prague qui ont suscité autant d’enthousiasme que la nouvelle passerelle qui relie les deux rives de la Vltava et les quartiers de Holešovice et de Karlín. Par ailleurs, dans un article intitulé « 36 heures à Prague », le New York Times présente la passerelle appelée « HolKa » comme l’un des meilleurs endroits à découvrir si l’on souhaite sortir des sentiers battus. L’hebdomadaire Respekt remarque à ce propos :
« Les réactions sur les réseaux sociaux confirment qu’il s’agit bien là d’une réalisation qui est réellement utile aux Pragois. La passerelle ne peut pas être traversée en voiture et ne pourra pas être utilisée à des fins commerciales. Non, elle ne fait rien d’autre que de raccourcir le chemin des piétons ou des cyclistes. Elle est belle et bien située. Mais ces réactions enthousiastes nous rappellent aussi que nous ne sommes pas encore habitués au fait que de belles choses puissent voir le jour dans l’espace public avec pour but principal de servir les intérêts des habitants. »
Évidemment, beaucoup d’autres édifices ont été créés à Prague ces dernières années, mais ce n’est pas suffisant. Respekt estime que le grand écho qu’a reçu la passerelle HolKa devrait inciter la municipalité à planifier d’autres projets de ce type. « L’amélioration de la qualité de vie en vaut vraiment la peine », conclut-il.