Survivante de la Shoah, Eva Erbenová de retour d'Israël à Prague pour exprimer peur et colère
Les prix Gratias agit ont été remis ce jeudi par le ministre tchèque des Affaires étrangères Jan Lipavský à des personnalités de plusieurs pays pour leur contribution à la bonne renommée de la Tchéquie dans le monde. Parmi les lauréats cette année figure Eva Erbenová, survivante de la Shoah émigrée en Israël et encore sous le choc de l’attaque terroriste organisée par le Hamas.
Eva Erbenová : « Terrible, je ne comprends toujours pas ce qui est arrivé. Je ne l'ai pas pris comme si je devais partir. Mais j'ai été invitée à venir pour recevoir ce prix qui m’est remis, et être seule chez soi dans son appartement alors qu'ils vous tirent dessus en permanence - 600 roquettes par jour - et que les sirènes se déclenchent tout le temps, ce n'est pas une façon de vivre. Ici, je peux dire quelque chose pour Israël et en plus mes enfants sont moins inquiets pour moi quand je suis ici. »
Née Eva Löwidtová à Děčín, Eva Erbenová - dont le 93e anniversaire sera la semaine prochaine - a émigré vers Israël avec son mari en 1948, année de la fondation de ce nouvel État et année du coup de Prague. Pour la première fois et bien qu’elle ait déjà connu plusieurs guerres et vagues d’attentats, elle indique avoir peur pour Israël. Elle ne mâche pas ses mots pour critiquer le Premier ministre Benyamin Netanyahu et son gouvernement, qu’elle accuse d’être corrompu et d’avoir fait trop de concessions aux orthodoxes et autres ultra-religieux.
« Les roquettes sont un problème. Je n'ai pas d'abri pour me protéger là où j’habite. Je me sentais en sécurité en Israël. Notre armée, nos services de renseignement - je n'ai jamais eu peur. Mais maintenant, ils m'ont enlevé tout cela. J'ai peur. Pas pour moi - à mon âge, je peux me permettre de mourir - mais pour mes enfants. »
Auteure de plusieurs livres autobiographiques, Eva Erbenová a survécu au camp de Theresienstadt et à Auschwitz, puis aux marches de la mort. Selon elle, interrogée sur le sujet par les médias tchèques, la récente attaque du Hamas n’est pas comparable à la Shoah et elle préfère la qualifier de pogrom.
Elle a participé cette semaine à l’événement organisé à la gare de Bubny - celle d'où elle a également été déportée - pour marquer le 82e anniversaire du premier convoi de déportation de Juifs de Prague. L’occasion pour elle de lancer un appel :
« J'aimerais faire appel au pape, par exemple. J'aimerais m'adresser à tous les chefs spirituels et leur demander : "Comment voyez-vous cela ? Vous vous êtes tus pendant la Shoah, vous vous êtes tus quand ils nous ont poussés dans les chambres à gaz. Aujourd'hui, ces gens se taisent à nouveau. Les personnes qui tuent sont religieuses, mais couper la tête des enfants et violer n'est pas dans le Coran. Ce sont des meurtriers. Alors pourquoi ne parlent-ils pas ? C'est une trahison de l'humanité. »
Eva Erbenová, qui considère la Tchéquie comme sa patrie et le lieu de ses racines, indique qu’elle va bientôt repartir pour Tel Aviv, car elle veut y rejoindre ses enfants et petits-enfants.