Israël-Hamas : ces ministres tchèques qui ne sont pas les bienvenus en Arabie saoudite et au Nigeria
Quelques jours après que l’Arabie saoudite a remis à plus tard la visite du ministre de l’Industrie et du Commerce Jozef Síkela, le Nigeria a infligé une claque diplomatique à la Tchéquie en annulant la visite pourtant prévue de longue date du Premier ministre Petr Fiala. Bien que le chef de la diplomatie réfute cette interprétation, le soutien inconditionnel de Prague à Israël est probablement la raison de ces deux volte-face de dernière minute.
« Bez komentáře » - « Sans commentaire ». C’est sèchement mais avec un petit sourire en coin que Petr Fiala, mardi à Nairobi, a répondu à un journaliste tchèque lui demandant si la décision du Nigeria de ne finalement pas accueillir la délégation tchèque pouvait être liée à la position de son gouvernement dans la guerre entre Israël et le Hamas.
Selon le programme initialement prévu, après l’Éthiopie et le Kenya, deux pays dans lesquels tout semble s’être bien passé, c’est en effet au Nigeria que le Premier ministre tchèque aurait dû poursuivre, ce mercredi, sa tournée d’une semaine en Afrique subsaharienne. Sauf que, lundi, la veille donc seulement de son arrivée, Abuja a annulé une visite pourtant convenue bien en amont de la tournée en cours.
Officiellement parce que les autorités nigérianes étaient dans l’incapacité de mettre en œuvre un accueil et un programme correspondant aux attentes. Une annonce de dernière minute qui a bien évidemment surpris la délégation tchèque, mais dont Petr Fiala, ne serait-ce que devant les micros des quelques journalistes qui le suivent pas à pas, ne s’est pas formalisé outre mesure :
« La raison est simple. La partie nigériane n’était pas en mesure de garantir que ces rencontres puissent se passer à un niveau approprié, et ce tant d’un point de vue politique que commercial puisque le forum d’affaires tchéco-nigérian n’aurait pas pu être organisé. Je dois dire que depuis le début des préparatifs de ce voyage, qui se sont effectués par voie diplomatique standard, c’est précisément avec le Nigeria que les échanges ont été les plus compliqués. Personnellement, je n’ai aucune raison de me rendre quelque part juste pour voir du pays. Ce type de voyage doit aboutir à des résultats concrets et remplir les objectifs fixés. Nous avons donc légèrement adapté notre programme et depuis le Kenya, nous nous rendrons directement au Ghana. »
Selon les médias tchèques, qui étaient leur propos sur des sources diplomatiques, cette décision du Nigeria pourrait néanmoins être liée au soutien apporté par la Tchéquie à Israël aux Nations unies. Alors que l’État hébreu fait face à une critique croissante, en particulier de la part des pays arabes, en raison de ses frappes aériennes dans la bande de Gaza, la Tchéquie, le 27 octobre, a été un des quatorze pays, avec notamment les États-Unis, à voter contre la résolution de l’Assemblée générale de l’ONU appelant à une « trêve humanitaire immédiate ».
Une version des faits que le ministre des Affaires étrangères n’a toutefois pas défendue. Préférant souligner le fait que le Premier ministre ait « entrepris un voyage ambitieux dans cinq pays africains » dans un laps de temps relativement court, Jan Lipavský a estimé qu’il ne fallait pas chercher à « faire le lien » entre ces différentes affaires :
« Je pense que la délégation a réagi en s’organisant en conséquence et je ne chercherais certainement pas à donner une signification plus profonde à cette décision [nigériane]. S’il s'agissait d’un geste de la part de ce pays, il devrait probablement être accompagné d’une information ou d’un signal. Or, notre diplomatie n’a rien noté de tel, et c’est pourquoi je préfère écarter ces interprétations. Ce sont des choses qui se produisent parfois en politique internationale. »
Au-delà de ces déclarations précautionneuses de circonstance, il n’en reste pas moins que le voyage manqué de Petr Fiala au Nigeria est la deuxième visite d’une délégation politique tchèque annulée en l’espace de quelques jours.
Vendredi dernier déjà, en effet, l’Arabie saoudite avait informé le ministre de l’Industrie et du Commerce qu'il serait accueilli ultérieurement. Alors que, lundi, Jozef Síkela aurait dû négocier avec l’influent ministre de l’Énergie saoudien, le prince Abdulaziz bin Salman, entre autres de la fourniture de pétrole pour remplacer le pétrole russe, Riyad a finalement fait marche arrière en évoquant la situation sécuritaire au Moyen-Orient.
Mais deux jours après que Petr Fiala a déclaré que « la Tchéquie sera la voix d’Israël en Europe » lors d’un rassemblement de soutien à l’État hébreu, rassemblement au cours duquel plusieurs ministres - dont Jozef Síkela - s’étaient affichés avec le drapeau israélien sur les épaules, quelques jours aussi après l’appel aussi impulsif que maladroit de la ministre de la Défense Jana Černochová à quitter l’ONU, qu’elle a qualifiée « d’organisation qui soutient les terroristes », personne n’est dupe à Prague et ceux qui l’ont bien voulu ont su lire entre les lignes.
Que ce soit dans son soutien à l’Ukraine depuis le début de l’agression russe, ou désormais à Israël, le gouvernement tchèque a beau s’efforcer de se tenir droit dans ses bottes, ses positions, certaines parfois volontairement provocatrices, ne peuvent pas plaire à tout le monde.