« Même si un réfugié me parle en russe, je réponds en ukrainien »
Ce vendredi 15 mars est la date limite pour tout ressortissant ukrainien souhaitant faire prolonger d’un an le permis de séjour lié à la protection temporaire (Dočasná ochrana) accordé depuis septembre 2022 par la Tchéquie à plusieurs centaines de milliers de réfugiés en provenance du pays envahi par la Russie. Les règles changeront à partir de mars 2025. Étudiant ukrainien originaire de Kyiv, Dmytro Kot travaille plusieurs jours par semaine dans un centre d’accueil pour réfugiés ukrainiens à Prague.
« Là où je travaille, on donne des visas de protection temporaire. Ils demandent des visas, viennent signaler un changement d’adresse pour renouveler leur visa, demandent comment obtenir la sécurité sociale ou comment trouver un travail. »
Vous les aidez dans les démarches administratives ?
« En fait il y a des travailleurs du ministère qui leur procurent les documents et mon travail consiste à traduire ce qu’ils disent, parce que la plupart du temps les réfugiés ne parlent pas tchèque. Donc on les assiste. »
Cela varie sûrement beaucoup selon les personnes, mais quel est l’état psychologique en général des gens que tu vois dans ce centre ?
« Ça dépend. Il y a ceux qui viennent de l’Est de l’Ukraine qui ont vraiment besoin de notre aide. Parfois certains qui viennent de l’Ouest semblent être davantage ici pour trouver un travail ou une meilleure qualité de vie. Il y a beaucoup de gens qui veulent retourner en Ukraine dès que cela devient possible et non dangereux et il y en a qui voudraient peut-être rester en Tchéquie pour y travailler. »
Il y a beaucoup de femmes avec enfants ukrainiens en Tchéquie désormais et pour eux se pose la question du cursus scolaire – poursuivre en tchèque et/ou en ukrainien…
« Oui, évidemment que plus on vit à l’étranger et plus on s’enracine en vivant dans le pays – les enfants commencent à parler tchèque, beaucoup d’enfants sont déjà nés en Tchéquie et y commencent leur vie. Plus la guerre se poursuit, plus le nombre de gens qui voudront rester va augmenter. »
Cours de préparation militaire pour étudiants à Kyiv
Tu nous avais parlé la dernière fois de ton père envoyé au front et de tes frères cadets, dont un qui ne pouvait pas être mobilisé car étudiant. Est-ce en train de changer ?
« Il est toujours étudiant et ne peut toujours pas être mobilisé, mais dans les universités en Ukraine, les hommes ont désormais l’obligation de passer par des cours de préparation militaire, donc lui aussi s’y prépare. »
Les nouvelles récentes du front, relativement mauvaises pour l’armée ukrainienne, ont-elles un impact sur le moral des Ukrainiens que tu peux rencontrer à Prague ou avec lesquels tu es en contact ?
« Oui, honnêtement on sent comme une sorte de désespoir, mais on n’a pas vraiment d’influence d’ici. On ne peut que suivre les actualités. »
« Même dans le centre d’aide aux réfugiés, le russe n’est pas une option pour moi. »
La dernière fois à Olomouc tu racontais avoir grandi dans le bilinguisme et disais tu tenais désormais à oublier la langue russe, à ne plus la parler. Est-ce toujours le cas à Prague ?
« Oui, je ne la parle toujours pas. Même dans le centre d’aide aux réfugiés, le russe n’est pas une option pour moi. »
Donc si un réfugié ukrainien te parle en russe, tu refuses de parler russe ?
« Je l’aide, évidemment, et je ne parle pas de ce problème de langue, mais si la personne me parle en russe, moi je réponds en ukrainien. »
Quelle est la proportion parmi ceux qui arrivent dans le centre où tu travailles qui parlent russe et ceux qui parlent ukrainien ?
« La majorité parle ukrainien, je dirais environ 80%, peut-être même plus. »
Parmi les Ukrainiens que tu connais en Tchéquie ou ailleurs, en connais-tu beaucoup qui ont également fait ce choix de ne plus parler russe comme toi ?
« Oui, presque tous les Ukrainiens que je connais, ici à Prague ou à Olomouc, en France, en Pologne ou en Slovaquie – presque tous ceux qui parlaient russe parlent désormais ukrainien. Ceux qui continuent à parler russe sont très minoritaires. »