Presse : les autres questions soulevées par la victoire des hockeyeurs tchèques
Cette nouvelle revue de presse s’intéressera d’abord à la victoire des hockeyeurs tchèques aux championnats du monde à Prague. Parmi les autres sujets traités : l’évolution de la situation en Ukraine, les préférences électorales des jeunes Tchèques, la position du groupe tchèque PPF à l’égard de la chaîne privée slovaque TV Markíza qui lutte pour son indépendance.
Les médias locaux sont à l’unisson pour dire que la victoire de la sélection tchèque aux championnats du monde de hockey sur glace peut être perçue d’un point de vue sportif mais aussi politique. D’autant plus que cette discipline sportive n’a jamais été apolitique en Tchéquie. Ils soulignent également que le hockey sur glace agit tel un outil permettant d’atteindre, ne serait-ce que pour un bref moment, une sorte d’entente nationale, en dépit de la profonde discorde existant au sein de la société. L’auteur d’un texte publié sur le site Seznam Zprávy indique cependant :
« Le hockey sur glace, dont le niveau élevé de qualité mérite d’être reconnu, n’est ni plus ni moins que de la pop culture. Il n’y a donc aucune raison de croire que le succès des hockeyeurs tchèques constitue un grand événement historique national. De même, il n’y a aucune raison d’entonner l’hymne national. Il serait plutôt bon de réfléchir à l’empreinte carbone liée à cette discipline sportive, notamment quand il s’agit de la NHL, et à la rhétorique populiste qui accompagne ce sport. Fonder l’avenir de la nation sur du hockey serait ridicule. Mais beaucoup, surtout les populistes, semblent le prendre au sérieux. »
Le rédacteur en chef du journal en ligne Forum24 salue la joie que le jeu des hockeyeurs tchèques apporte et le fait que leur succès ait contribué au prestige du pays. « Nous avons besoin de voir que les hommes tchèques savent se battre », écrit-il ce qui ne l’empêche pas d’ajouter :
« Le patriotisme et la fierté des succès sportifs nationaux sont des émotions compréhensibles et saines. Mais il ne faut pas oublier que cet amour de la patrie ne doit pas dépasser les limites du raisonnable, sinon on a affaire à un phénomène extrêmement dangereux. Le tout au moment où un patriotisme ténébreux et irrationnel se diffuse de manière effrayante dans toute l’Europe. Méfions-nous donc de nos patriotes tchèques. S’ils n’arrêtent pas d’agiter leurs drapeaux au bout d’une semaine, il ne s’agira plus de la joie justifiée de la victoire, mais d’un phénomène socialement dangereux. »
« Un tournoi parfaitement organisé, d’excellents exploits des hockeyeurs tchèques, l’enthousiasme national. Autant d’atouts indiscutables liés aux championnats qui se sont achevés, dimanche, à Prague », lit-on dans le journal économique Hospodářské noviny qui poursuit sur un ton moins enthousiaste :
« Les Tchèques accordent à ces championnats plus d’importance qu’ils n’en ont en réalité, celle-ci se classant derrière les Jeux olympiques et la Coupe du monde de football. Cet événement n’intéresse réellement que quatre ou cinq pays dans le monde. Le hockey tchèque n’est pas le meilleur au monde et, certainement pas florissant. De nombreux exemples le prouvent. Seuls 26 Tchèques, par exemple, sont apparus dans la NHL cette année, alors qu’ils étaient plus de 70 à l’époque de leurs meilleures années. Il y a donc beaucoup à faire pour que le hockey tchèque redevienne une sport mondial dominant. »
« Le scepticisme en lien avec l’avenir du hockey sur glace tchèque est immense. Il découle des résultats des juniors et de l’éducation des enfants où beaucoup de choses ne fonctionnent pas », note dans cette même veine l’hebdomadaire Respekt.
L’Europe centrale, particulièrement sensible à l’égard de la guerre en Ukraine
Les médias tchèques continuent de suivre de près l’évolution de la situation en Ukraine. Le quotidien Hospodářské noviny a publié un texte de la plume de l’ancien chef de l’Etat-major tchèque Jiří Šedivý dans lequel on peut lire :
« La situation sécuritaire en Europe, étroitement liée à la guerre en Ukraine, se détériore progressivement et rien ne laisse penser qu’elle change dans un avenir proche. On voit que l’Ukraine ne parvient pas à stopper l’avancée tactique des troupes russes qui détruisent systématiquement les villes et les infrastructures critiques ukrainiennes. L’Union européenne, quant à elle, semble avoir encore beaucoup de temps pour tenir la promesse de son aide militaire à l’Ukraine faite il y a deux ans. »
Pour des raisons évidentes, la sensibilité à l’égard du comportement agressif de la Russie, qui souhaite restaurer son influence de superpuissance, est plus forte dans les pays d’Europe centrale. Toutefois, comme l’estime l’auteur de cet article, la Russie cherche surtout à influencer l’Europe occidentale :
« Il est peu probable que la Russie attaque militairement l’Europe. Les menaces que la Russie fait peser sur le continent ne sont même pas visibles à première vue, mais elles n’en sont que plus dangereuses. La découverte par les services tchèques de contre-espionnage (BIS), il y a un mois, d’un réseau grâce auquel la Russie a cherché à influencer les élections européennes en est un des exemples éloquents. Ce réseau prouve que la Russie tente de saper l’aide occidentale à l’Ukraine en soutenant des partis d’extrême droite et des hommes politiques aux opinions anti-occidentales. »
De son côté, l’éditorialiste du site Novinky.cz imagine la scène de bombardement d’un centre commercial tchèque similaire à celui qui a touché il y a quelques jours, la ville de Kharkiv en Ukraine. L’occasion pour lui d’avertir que dans le cas où la Russie continuerait à avancer en Ukraine, un tel scénario pourrait bien devenir réel. « Le Kremlin met à l’épreuve la capacité du monde occidental à se défendre devant les barbares », observe-t-il.
Ce que les jeunes Tchèques attendent des élections européennes
Les plus jeunes électeurs tchèques ne constituent pas un groupe homogène. C’est ce dont fait part un article publié dans le quotidien Lidové noviny qui s’appuie sur les dernières élections dites étudiantes, organisées par l’association à but non lucratif People in Need, auxquelles ont participé des élèves des écoles secondaires et de centre d’apprentissage:
« Cette année, 265 écoles ont participé au programme. Certes, il ne s’agit pas d’un sondage d’opinion, puisque les écoles et les étudiants se portent volontaires pour y participer. En plus, la plupart d’entre eux n’ont pas encore le droit de vote. Cependant, les résultats en disent long sur l’état d’esprit des jeunes Tchèques. »
Même si une partie des étudiants a considéré l’événement comme un divertissement, la majorité a pris le vote au sérieux. La plus grande surprise, selon l’éditorialiste, c’est la deuxième place d’un petit parti prônant le moteur à combustion qui s’est classé derrière la coalition gouvernementale SPOLU ou encore le peu d’intérêt exprimé pour le Parti pirate. De toute façon, « les résultats des élections étudiantes, qui ont lieu depuis 2010 continuent à briser un grand cliché qui veut que la génération des plus jeunes électeurs s’intéresse principalement aux questions environnementales et qu’elle voit son avenir dans une Union européenne libérale. »
La chaîne slovaque Markíza, propriété du groupe tchèque PPF, en lutte pour son indépendance
Quelle est la position du groupe d’investissement tchèque PPF à l’égard de la chaîne de télévision slovaque Markíza, dont il est propriétaire ? Une question soulevée par le journal Deník N au moment où cette chaîne privée, comme plusieurs autres médias slovaques, fait l’objet d’un boycott et des critiques de la part de politiciens du gouvernement dirigé par Robert Fico et alors qu’elle se bat pour son indépendance. « Markíza, tout comme plusieurs autres journaux slovaques, a été classée dans la catégorie des médias hostiles », rappelle le journal avant de rapporter :
« Tandis que la branche tchèque de l’Institut international de la presse (IPI) a appelé le groupe PPF à veiller à ce que ‘l'espace pour un journalisme libre soit préservé en Slovaquie’, l’héritière de l’empire, Renata Kellnerová, plus grosse fortune tchèque, qui s’est référée dans le passé à la ’responsabilité sociale’ de PPF, continue de se taire. Tout indique que l’objectif principal du groupe est d’éviter des problèmes politiques pour maintenir ses intérêts commerciaux en Slovaquie. Le groupe PPF a en effet un certain nombre d’investissements dans le pays qui dépendent de la coopération avec l’Etat. Son dernier contrat important avec une entreprise publique slovaque remonte d’ailleurs au début du mois de mai. »
Deník N indique que TV Markíza est la propriété du groupe PPF depuis 2020, lorsque son premier propriétaire Petr Kellner, décédé un an plus tard dans un accident d’hélicoptère en Alaska, avait racheté le groupe CME, qui possède également la chaîne de télévision tchèque Nova.