Polémique autour du nouveau médiateur de la République
Cette nouvelle revue de presse présente les réactions à l’élection du nouveau médiateur de la République par la Chambre des députés. Il manquerait de fortes personnalités dans l’espace public : c’est en tout cas ce qu'estiment certains commentateurs. Nous nous intéresserons également à la région des Sudètes intérieures et aux malentendus liés aux préparatifs du Musée de la mémoire du XXe siècle. Une exposition pragoise consacrée aux impressionnistes français a remporté un joli succès : nous reviendrons sur cet événement en fin d’émission.
« Comme il a pu le dire à plusieurs reprises par le passé, le nouveau médiateur de la République n’évalue pas le taux de discrimation sur la base de cas concrets des personnes qui se plaignent d’être victimes de discrimination, mais en s’appuyant sur des informations publiées dans la presse et sur les débats menés sur les réseaux sociaux... La tradition de cette fonction en Tchéquie est pourtant différente. En renouant symboliquement avec la Charte 77, son but est de défendre les droits et la dignité des gens face au système, à la pression du pouvoir et à la force de la majorité. Et ce, même lorsqu’il s’agit de cas qui ne sont pas juridiquement univoques. »
« Avec ce choix, les députés sont allés à contre-courant du sens de cette fonction », estime également le commentateur du journal Deník.cz avant d’ajouter :
« Evidemment, à l’âge de 82 ans, Stanislav Křeček peut rester actif dans l’espace public. Il peut présenter sa candidature au Sénat, écrire des articles, participer à des débats télévisés. Il y a une seule chose qu’il ne devrait pas faire : devenir médiateur de la République. »
L’auteur d’une note mise en ligne sur le site aktualne.cz rappelle que les députés ont préféré Křeček à un autre candidat, Vít Alexander Schorm, « qui aurait été beaucoup mieux équipé pour ce rôle, puisqu’il a travaillé à la Cour européenne des droits de l’Homme ».
Le commentateur du quotidien Mladá fronta Dnes met pour sa part en doute l’existence même de la fonction de médiateur de la République :
« Dès le début, cette fonction représente un accessoire illogique de l’administration de l’Etat. Le fait qu’elle existe dans de nombreux pays du monde ne saurait justifier sa raison d’être ici. Les administrations sont appelées à bien fonctionner d’elles-mêmes, d’autant qu’il existe des mécanismes censés y pourvoir. Certes, la bureaucratie peut être arrogante. Mais il y a, outre la législation, toute une série d’organisations et associations destinées à s’en occuper. »
Le commentateur admet enfin que la fonction de médiateur existe et va perdurer. « Il faut donc qu’elle serve efficacement les citoyens dans leur combat contre l’arbitraire bureaucratique », écrit-il.
Mais où sont ces nouvelles personnalités brillantes ?
En l’espace de deux mois, on a vu disparaître trois personnalités qui ont laissé dans l’espace public une trace marquante et digne de respect. C’est ce que remarque l’auteur d’une note publiée dans le journal en ligne Deník Referendum suite aux récents décès de l’activiste Táňa Fischerová, de l’ancien dissident et ministre de la Défense Luboš Dobrovský et, tout récemment, de l’éminent philosophe Erazim Kohák. Il a également écrit à ce propos :« Les grandes autorités morales sur lesquelles on pouvait compter dans chaque situation grave sont en train de partir, tandis que qu’aucune nouvelle personnalité marquante n’émerge actuellement. Cet état peu réjouissant ouvre la porte aux technocrates, aux populistes et à des esprits pragmatiques prêts à louvoyer et à changer d’avis en toute occasion. Un tel climat profite au mouvement ANO d’Andrej Babiš tout comme au nouveau médiateur de la République Stanislav Křeček qui, à en croire certaines de ses déclarations, entend défendre les intérêts de la majorité plutôt que les revendications des minorités. »
L’auteur de l’éditorial de la dernière édition de l’hebdomadaire Respekt émet lui aussi l’espoir que la Tchéquie trouve une forte personnalité appelée à constituer un point d’ancrage solide au milieu du chaos :
« L’époque qui est la nôtre fragilise les certitudes au point de provoquer chez les gens le sentiment d’une menace. Et justement, une personnalité forte pourrait grandement aider le pays et ses habitants. Nous devons croire qu’elle apparaîtra un jour. »
Que sont les Sudètes intérieures ?
« Les Sudètes intérieures ». C’est un terme qui n’est pas fréquement utilisé, au vu des connotations historiques évoquées par le nom même de Sudètes. Le quotidien Lidové noviny y a pourtant eu recours pour désigner les régions situées à l’intérieur de la République tchèque et dont les campagnes sont en train de se dépeupler, qui ont l’air abandonné et triste. Ce sont évidemment les jeunes qui sont les premiers à partir. Une situation qui n’a pas pour autant été causée par un bouleversement historique ou social, explique le commentateur du journal :« Jusqu’au transfert de la population allemande au lendemain de la Deuxième Guerre mondiale, les Sudètes constituaient des régions frontalières à majorité germanophone. En revanche, les dites Sudètes intérieures sont des régions autochtones tchèques. Une nouvelle analyse socio-économique rédigée par le ministère du Développement territorial montre qu’en dépit de cette donne de départ, elles ne prospèrent pas et sont confrontées à des phénomènes comme le manque d’opportunités d’emploi, d’écoles, de postes ou d’établissements sanitaires. Il s’agit de localités qui se trouvent à la périphérie des régions, loin des capitales régionales. Les lieux situés aux confins de la Bohême du Sud, de la Moravie du Sud et du Plateau tchéco-morave sont notamment concernés. »
La sensibilisation de l’Etat au problème mérite d’être salué, note le commentateur, tout en exprimant un certain scepticisme à l’égard des initiatives lancées pour y remédier.
Le Musée de la mémoire du XXe siècle : des préparatifs difficiles
Avant même d’être édifié, le Musée de la mémoire du XXe siècle envisagé à Prague fait d’ores et déjà l’objet de fortes dissenssions entre les principaux acteurs, une discorde qui a même mené à la démission de certaines personnalités.. Le commentateur du quotidien économique Hospodářské noviny note à ce propos avec une certaine amertume :« Cette situation a de quoi amuser les anciens fonctionnaires du régime communiste. Tandis qu’ils ont tout simplement rapidement ‘perdu’ leur sombre mémoire, les créateurs du Musée de la mémoire du XXe siècle ont effectivement oublié les fautes et les erreurs de leurs prédécesseurs qui, jadis, ont permis l’ascension et la montée au pouvoird’une idéologie totalitaire. Or, au lieu de faire preuve d’entente, de tolérance et de coopération, ils se disputent et attisent les malentendus. »
Inutile de vouloir identifier ce qui est vrai dans ce conflit. L’important, selon le commentateur, c’est de rappeler aux gardiens de la mémoire des régimes totalitaires l’importance de l’art de compromis.
Prague sous le charme des impressionnistes français
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Parmi les expositions organisées l’année dernière par la Galerie nationale de Prague, c’est celle consacrée aux impressionnistes français qui a été la plus fréquentée. Tenue au Palais Kinsky, elle a accueilli rien en trois mois seulement près de 100 200 visites, soit près de mille visites par jour. Le site idnes.cz a également rapporté :
« L’exposition consacrée à l’œuvre d’Alberto Giacometti ou encore celle intitulée Bonjour, Monsieur Gauguin : Les artistes tchèques en Bretagne 1850-1950 ont également été très prisées Cette dernière a attiré quotidiennement près de 500 visiteurs. L’Epopée slave d’Alfons Mucha exposée à la Maison municipale de Prague peut se targuer, elle aussi, d’un taux de visites très élevé. »
L’intérêt croissant des Tchèques pour les expositions d’art moderne est une autre tendance que le site idnes.cz a mis en relief dans ce contexte.