Polémique sur l’enseignement de l’histoire contemporaine

Le ministère de l’Education entend accorder une place plus importante à l’enseignement de l’histoire contemporaine dans les programmes d’histoire. Voilà qui fait suite au dernier rapport annuel du BIS, dans lequel le service de contre-espionnage tchèque dénonçait une vision « soviétique » et favorable au « panslavisme russe » de l’histoire enseignée dans les écoles tchèques. Le constat est cependant loin de faire l’unanimité.

A l’été 2018, une enquête coordonnée par l’association Post Bellum révélait des lacunes importantes dans les connaissances historiques des jeunes Tchèques. La moitié des personnes âgées de 18 à 24 ans n’auraient ainsi aucune idée des événements qui ont jalonné l’histoire tchèque au XXe siècle, et notamment des fameuses « dates en huit », 1918, 1938, 1948 et 1968, lesquelles ont donné lieu à de nombreuses commémorations tout au long de l’année écoulée.

Le BIS a jeté quelques mois plus tard un nouveau pavé dans la mare. Dans son rapport annuel 2017 sur les menaces pesant sur la République tchèque, il estimait entre autres que « la façon dont est présentée l’histoire dans les écoles », pour la période contemporaine (moderní dějiny, en tchèque, c’est-à-dire de la Révolution française jusqu’à nos jours), pouvait correspondre à un reliquat de « propagande soviétique », qui ferait partie d’une « stratégie hybride » de la Russie.

Les médias ont peu relevé ce point qui n’est cependant pas passé inaperçu pour le ministère de l’Education. En début de semaine, des membres de ce cabinet ont donc rencontré Michal Koudelka, le directeur du BIS. Une entrevue utile selon Aneta Lednová, la porte-parole du ministère :

« La rencontre a confirmé que, à l’heure des menaces hybrides, il est plus que jamais temps d’accorder un espace suffisant pour un enseignement équilibré de l’histoire contemporaine. Cela devrait aussi être l’un des objectifs de la révision des programmes d’enseignement. »

L’avertissement du BIS ne suscite cependant pas que des réactions positives, tant parmi les historiens que chez les politiques. Interrogé par l’agence de presse ČTK, l’historien Vojtěch Ripka, de l’Institut pour l’étude des régimes totalitaires, ne partage pas les craintes de l’institution et regrette qu’elle n’apporte aucun élément concret à l’appui de ses affirmations. De son côté, le président de la Chambre des députés, Radek Vondráček (ANO), considère que les services de renseignements n’ont pas à se mêler des programmes d’histoire, qui sont l’affaire des pédagogues et des spécialistes.

Photo illustrative: Filip Jandourek,  ČRo
Mais ce n’est pas l’avis de tout le monde. L’historien Petr Nováček, éditorialiste pour la Radio publique tchèque, pense lui que le BIS est dans son bon droit :

« Le BIS est un service de sécurité et il a identifié une possible menace pour les intérêts de ce pays. C’était donc son devoir d’en parler. »

Petr Nováček indique que le débat porte notamment sur l’enseignement de la Renaissance nationale tchèque (České národní obrození en tchèque), quand s’affirment, au XIXe siècle, la langue et la nation tchèques, et sur la question du rapport des acteurs de ce mouvement au monde russe et au panslavisme.

La critique du contre-espionnage tchèque déplaît en tout cas également à nombre de professeurs, par exemple à Alena Horáčková, interviewée par le site Seznam Zprávy, qui défend l’esprit critique des enseignants et souligne que les manuels ne sont qu’un outil pédagogique parmi d’autres. Pour elle, le rapport du BIS ne correspond pas à la réalité et devrait également être plus explicite sur les points jugés problématiques.

Le ministre de l’Education Robert Plaga (ANO) aimerait lancer le débat sur une révision des programmes d’enseignement au cours des prochaines semaines. C’est l’Institut national pour l’enseignement qui sera chargé de cette actualisation, dont il est en fait déjà question depuis plusieurs années.