Comme en France, un grand front de gauche bientôt aussi en Tchéquie ?
Comme attendu, le congrès du parti social-démocrate (SOCDEM), qui s’est tenu samedi 5 octobre, a abouti à la victoire de Jana Maláčová. À un an des élections législatives, le retour sur le devant de la scène de l’ancienne ministre du Travail et des Affaires sociales, sous le gouvernement d’Andrej Babiš, pourrait signifier la formation, avec notamment le Parti communiste, d’une grande coalition de gauche dont l’ambition sera de réintégrer le Parlement.
« La gauche a besoin de toutes ses forces pour rétablir la justice dans notre pays. » Aussitôt l’élection de Jana Maláčová entérinée, Kateřina Konečná, la présidente du Parti communiste de Bohême et de Moravie, n’a pas tardé à féliciter la nouvelle présidente de la social-démocratie sur son compte X.
Forte du succès aux récentes élections europénnes (9,56 %) et régionales de « Stačilo! » (« Ça suffit ! »), une coalition qui regroupe différentes organisations de gauche et d’extrême gauche mais que beaucoup d’observateurs considèrent d’abord comme un moyen de dissimuler l’étiquette de « communiste » qui rebute toujours autant d’électeurs tchèques, la cheffe du seul parti communiste des anciens pays satellites de l’Union soviétique à ne jamais avoir été réformé, envisage déjà la formation d’un grand front de gauche dans la perspective des élections législatives qui se tiendront à l’automne 2025.
Une perspective qui est aussi celle de Jana Maláčová, alors que la social-démocratie, depuis les dernières législatives organisées il y a trois ans et après avoir participé à la coalition gouvernementale minoritaire dirigée par le populiste Andrej Babiš et soutenue par les communistes entre 2018 et 2021, n’est plus représentée par aucun membre à la Chambre des députés pour la première fois de son histoire.
Dans un entretien accordé à la Radio tchèque peu après son élection, la nouvelle présidente de la SOCDEM (officiellement Démocratie sociale) n’a pas caché qu’elle entendait s’inspirer du modèle français avec la formation du Nouveau Front populaire en juin dernier en vue des élections législatives :
« La social-démocratie a envoyé un message très clair [lors de son congrès], à savoir que nous voulons être une force d’opposition. Notre objectif est que le gouvernement actuellement en place disparaisse après les élections l’année prochaine. Malgré toutes ses dépenses, qui nous endettent énormément, les gens vivent de moins en moins bien. C’est ce gouvernement qui est responsable de la baisse considérable du niveau de vie. La deuxième chose est que nous voulons revenir à la Chambre des députés. Nous avons un programme très bien préparé pour y parvenir et, bien sûr, nous voulons que toutes les forces de gauche se rassemblent pour former une alliance qui empêche un plus grand appauvrissement encore des gens dans ce pays. »
Pour effectuer ce retour tant espéré à la Chambre basse du Parlement, la SOCDEM devra toutefois réaliser un résultat supérieur à 5 % lors des élections législatives. Or, comme l’a admis le désormais ancien président Michal Šmarda, le parti qui est longtemps resté la principale force de gauche en Tchéquie après la chute du régime communiste, continue de traverser une crise profonde :
« Nous avons obtenu le plus mauvais résultat de l’histoire de notre parti aux élections européennes (1,86 %) et nous n’avons pas été capables d’inverser la tendance, malgré un résultat très légèrement meilleur aux élections régionales. Le constat est donc que depuis quatre à cinq ans, la volonté de relever la social-démocratie n’a abouti à aucun résultat positif. Un chef digne de ce nom doit savoir faire preuve d’autocritique et admettre ses erreurs. »
Une réalité dont est bien consciente aussi Jana Maláčová qui, à 43 ans, est l’un des rares visages jeunes d’une social-démocratie qui, pour l’heure, continue de laisser indifférents une très grande majorité des électeurs tchèques, jeunes ou moins jeunes :
« La social-démocratie, et tout le monde le sait, ne bénéficie actuellement du soutien que de 2 % de l’électorat. Cela signifie que dans les semaines et mois à venir, je travaillerai d’abord sur la manière de remettre la social-démocratie sur pied. Il nous reste moins d’un an avant les élections pour sauver la social-démocratie. La recherche de partenaires pour former une alliance électorale sera la deuxième étape de mon plan, mais, pour l’instant, la priorité est vraiment de faire en sorte de nous développer et de ne plus faire de surplace. »
Cette « recherche de partenaires » pourrait donc aboutir à une alliance avec les communistes, seul autre véritable parti de gauche en Tchéquie, et diverses autres organisations anti-système qui, déjà, effraie certains membres de la social-démocratie. C’est ainsi que, dès ce mardi, l’ancien chef de la diplomatie Tomáš Petříček (2018-2021) et l’ancienne ministre de l’Éducation Petra Buzková (2002-2006), deux personnalités marquantes et appréciées du parti ces vingt dernières années, ont annoncé qu’ils quittaient les rangs de la SOCDEM.