Réfugiés d’Ukraine : pour les bénévoles de la gare centrale à Prague, c’est la fin
Le maire de Prague Zdeněk Hřib a annoncé la suspension de l’accueil humanitaire des réfugiés ukrainiens à la gare centrale le 31 mai. Une décision accueillie avec scepticisme par une partie de ces centaines de bénévoles, déployés ici depuis deux mois pour certains. Reportage.
La gare centrale de Prague est devenue le symbole de l’accueil des réfugiés ukrainiens en Tchéquie. Dès le mois de février, des centaines de bénévoles sont venus spontanément prêter main forte aux associations sur place. Jirka, étudiant arrivé un peu par hasard, y a pris ses marques :
« J’ai commencé le 31 mars, et oui c’était une très chouette expérience. J’étais curieux de ce qu’il se passait à la gare, alors je suis venu. J’étudie le russe à l’école donc je m’étais dit que je pouvais me rendre utile, et en effet, ça a beaucoup servi ! »
Mais voilà, l’accueil des réfugiés à la gare, c’est bientôt fini. Ces dernières semaines, la crise humanitaire des centaines de réfugiés roms d’Ukraine dormant à la gare, la crise politique et médiatique qui s’en sont suivies, ont conduit le gouvernement à durcir les conditions d’entrées de l’ensemble des réfugiés ukrainiens. Et ça commence ici : le 31 mai, les associations et les bénévoles laisseront la place à un unique stand d’information tenu par des pompiers, des agents de police et du ministère de l’Intérieur. Jirka est sceptique quant à cette décision :
« Pour être très honnête j’en ai parlé avec ma coordinatrice, et il est clair que ce n’est pas la volonté des associations présentes. On ne veut plus de nous ici. Mais je pense que ce n’est pas du tout une bonne idée. Car, même si la situation s’est calmée, déjà par rapport à la semaine dernière, il y a encore besoin d’aide. J’ai lu quelque part qu’une partie de ces réfugiés, ceux qui dormaient ici, allaient sûrement être réduits à être à la rue après… »
Bientôt deux camps de réfugiés à Prague
Le maire de Prague Zdeněk Hřib et le ministre de l’Intérieur Vít Rakušan, les deux acteurs principaux de la gestion des réfugiés dans la capitale, défendent tous les deux la pertinence de cette décision. Avec la construction à Troja d’un premier camp de réfugiés il y a deux semaines et un autre prévu à Malešice d’ici le 31 mai, la gare se vide déjà progressivement de ses tristes occupants noctambules.
Plus de la moitié des stands ont déjà été retirés et dans le hall flotte une atmosphère étrange. Katka et les autres bénévoles ne réalisent pas tout à fait ce calme après la tempête des dernières semaines. En apparence, tout va bien, mais persiste le sentiment que la crise est loin d’être finie :
« Je pense que ce n’est pas seulement un problème dû à la guerre, mais aussi lié à la pauvreté de ces gens-là. Ils sont venus ici, et ils n’avaient rien. Rien à manger, rien à faire la journée, ils n’étaient pas informés sur la situation. Et maintenant, ils ont été transférés dans un camp à Troja mais personne ne sait ce qu’il se passe là-bas. Ils y sont juste parqués, peut-être ont-ils des solutions pour après, peut-être pas. Ce qui va advenir d’eux maintenant est une vraie question. »
L’image douloureuse de centaines de femmes et d’enfants entassés sur des couvertures dans le majestueux hall historique de la gare centrale restera longtemps dans l’esprit des bénévoles.
« Cela m’inquiète pas mal, car ce sont en majorité des enfants, de jeunes enfants même, qui ont cinq ou six ans. Je travaillais au stand où on leur donnait du thé, des biscuits, des sandwichs durant les repas, donc j’étais peut-être encore plus en contact avec eux qu’à d’autres postes. C’était très valorisant, ce travail, je l’aimais même. Les enfants étaient gentils comme tout, on s’est attachés à eux, on les voyait toute la journée courir, jouer, et voilà qu’ils ne sont plus là. »
« Et maintenant, quoi ? »
Alors qu’en trois mois, la République tchèque a délivré plus de 350 000 visas à des réfugiés ukrainiens, la politique d’accueil semble prendre un nouveau tournant. Avec leurs 150 places chacun, les camps de Troja et de Malešice ne suffiront probablement pas à héberger toutes les personnes ayant trouvé refuge à la gare. Honza, bénévole de la première heure et de la première ligne est perplexe. Il se sent impuissant :
« Nous ne savons pas, nous ne savons rien, nous attendons d’avoir des informations... On nous a dit : le 31, c’est fini. Et maintenant, quoi ? »