République centrafricaine : entre la guerre et les cours

Photo: Site officiel 'Bozoum v přímém přenosu'

Jeune tchèque parti enseigné en République centrafricaine, Vojtěch Bílý est témoin de la guerre inter-communautaire entre les milices de la Seleka, à majorité musulmane, et les groupes anti-balaka, souvent chrétiens, qui ensanglante le pays. Dans cette deuxième partie de l’entretien qu’il a accordé à Radio Prague, il est revenu sur le rôle médiateur de l’Eglise, lui qui travaille pour un ordre catholique, puis a évoqué son expérience personnelle de professeur de biologie, de sport et de français dans la ville de Bozoum.

Vojtěch Bílý,  photo: Site officiel 'Bozoum v přímém přenosu'
« L’Eglise catholique effectue ici un travail énorme quant à la médiation entre les deux religions. Ou plutôt entre les personnes des différentes religions. La question est de savoir s’il s’agit réellement d’un conflit religieux. Pour ma part, je dirais que c’est plutôt un conflit culturel, ethnique… Et en même temps, l’Eglise catholique est, depuis le début des évènements, impartiale. On a essayé d’instaurer un dialogue entre les deux communautés déjà dans l’enceinte du collège et lycée où j’enseigne à Bozoum, car une grande partie de nos élèves étaient des élèves musulmans. Maintenant, les musulmans ont été obligés à partir, donc il n’y en a plus, mais au début, un dixième des élèves environ, peut-être plus, étaient musulmans.

J’aimerais mentionner un autre exemple : le chef de la mission ici à Bozoum, le père Aurelio, pendant tous ces évènements-là a commencé le dialogue entre les rebelles de Seleka et les milices anti-balaka, pour essayer de trouver une solution pacifique. Il a risqué sa vie plusieurs fois et il s’est fait menacer non seulement par les rebelles Seleka, musulmans, mais aussi par les milices anti-balaka qui étaient mécontents de sa position impartiale. Donc l’Eglise catholique fait un travail très intéressant et je suis sûre qu’elle va le poursuivre […]. »

Avez-vous appris le sango, la langue parlée en République centrafricaine ?

La prière écumenique pour la Paix,  photo: Site officiel 'Bozoum v přímém přenosu'
« J’ai essayé. C’est une langue assez simple. Mais en même temps j’ai un inconvénient, parce que dans mon établissement, nous n’avons pas le droit de parler le sango. Quand je suis avec les élèves, nous sommes obligés de parler le français pour qu’ils l’apprennent bien. Et quand je suis à l’Arc-en-ciel, à l’orphelinat, j’enseigne le français. Donc toutes les occasions où je suis avec les enfants centrafricains, je parle en français, ce qui m’empêche d’apprendre correctement le sango. J’ai appris les bases, je peux communiquer, mais je ne peux pas dire que je l’ai vraiment appris. Malheureusement, car j’aime beaucoup cette langue. »

Comment est-ce que les enfants vous perçoivent ?

« J’ai seulement vingt ans, je suis très jeune. Dès le début, surtout avec les enfants centrafricains, qui sont très vivants, très actifs, très expressifs, je savais que ça allait être compliqué. Mais ici, le système d’éducation et la manière dont les enseignants traitent les élèves, c’est un peu le Moyen-Âge en Europe. Un peu violent, à mon goût. C’est pourquoi les enfants ont commencé à profiter de ma gentillesse, ils faisaient beaucoup de bêtises et il était difficile de les maîtriser.

Photo: Site officiel 'Bozoum v přímém přenosu'
Au début, j’étais nouveau, intéressant, mais ils se sont habitués et je suis devenu pour eux un homme ordinaire. Mais je pense que petit à petit, ils comprennent ma pensée, ils comprennent que ce n’est pas de la faiblesse, mais au contraire du courage. Je pense qu’ils commencent à l’accepter et ça, c’est génial. Je commence à avoir des relations beaucoup plus amicales avec eux et je ne suis plus seulement un Mounjou, comme sont appelés les blancs par les Centrafricains. Même en tant que professeur je commence à avoir une relation plus personnelle avec les élèves. »

La première partie de l’entretien réalisé avec Vojtěch Bílý est disponible à cette adresse : http://radio.cz/fr/rubrique/faits/republique-centrafricaine-le-pays-est-toujours-dans-un-desordre-complet