Sahel : « L'expérience soviétique permet à Prague de comprendre certaines dynamiques »
Une réunion des Envoyés spéciaux pour le Sahel se tient à Prague ce lundi et mardi. Organisée dans un format élargi, cette réunion "a pour but d'évaluer la situation au Sahel, coordonner les positions des États membres de l’UE et consulter d’autres partenaires partageant les mêmes idées (États-Unis, Norvège, Canada) et des organisations internationales (UA, CEDEAO, ONU)", selon le communiqué de la présidence tchèque du Conseil de l'UE.
Emanuela Del Re est la représentante spéciale de l'UE pour le Sahel : « Cette réunion est très importante car on se rencontre entre tous les Envoyés spéciaux. Eux représentent leur pays et moi je représente les 27 pays de l’UE. Nous n’avons pas seulement à Prague cette semaine les pays de l’UE, mais aussi la Norvège, les Etats-Unis, la Grande-Bretagne… La vision qu’on veut donner pendant ces deux jours d’échanges est globale et cela est très précieux. Je veux remercier la République tchèque pour avoir proposé cette réunion à Prague pendant la présidence tchèque de l’UE parce que c’est un signal important de la vision globale de la République tchèque, nécessaire aujourd’hui, car la République tchèque est centrale dans toutes les dynamiques mondiales et surtout en Afrique. »
Ce n’est pas mission impossible que de coordonner la position des 27 en général et au Sahel en particulier pour vous ?
« Ce n’est pas impossible car on travaille étroitement tous ensemble et la question du Sahel est fréquemment évoquée car c’est un des dossiers les plus chauds sur la table de l’UE, mise à part l’énorme tragédie de la guerre en Ukraine. En lien avec cette guerre, la Russie joue un rôle très significatif au Sahel et c’est encore plus important de travailler sur plusieurs fronts – sur l’Ukraine et ailleurs avec de potentiels très grands problèmes dans l’ordre mondial. »
Prague avait pris la décision d’épauler la France militairement au Sahel. Fin de la force Takuba, décision récente de la Tchéquie de fermer son ambassade à Bamako et de se retirer de la mission EUTM Mali – on est sur une dynamique de repli vu d’ici…
« J’avais décidé en tant que vice-ministre des Affaires étrangères d’Italie d’ouvrir notre ambassade à Bamako, qui reste pour le moment ouverte. La décision de la République tchèque est compréhensible, car la situation actuelle est très difficile et ne sera pas solutionner immédiatement. Mais j’espère que l’engagement tchèque se poursuivra et qu’il y aura encore une opportunité pour elle de jouer un rôle central comme elle l’a fait jusqu’à présent. Je ne pense pas que ce soit la fin de l’engagement du pays, c’est une révision de la manière de trouver des alternatives et des perspectives un peu différentes dans une région qui a besoin de la présence de la République tchèque. »
Le fait que la République tchèque n’ait pas de passé colonial a-t-il une influence sur les positions prises ou sur le rôle à jouer par un tel pays ?
« La République tchèque a son histoire et est toujours centrale quand elle parle de questions relatives au Sahel, notamment par son expérience pendant l’URSS qui lui permet de comprendre certaines dynamiques qui sont difficiles à comprendre pour d’autres pays qui n’ont pas connu la répression soviétique. »
L’influence russe – la présence de du groupe Wagner, les drapeaux russes vus récemment au Burkina – est-elle le paramètre important en ce moment ?
« C’est un paramètre. Moi-même j’ai dit au président malien, même avant l’invasion de l’Ukraine, que la présence de la société paramilitaire russe Wagner était pour l’UE une ligne rouge qui ne pouvait être acceptée. La Russie est un paramètre dans le sens qu’elle joue un rôle à travers l’utilisation de ces mercenaires mais aussi à travers l’utilisation de la désinformation comme outil de guerre, ce qui est dangereux et poser des problèmes énormes pour notre image et toutes les choses positives que nous faisons, avec la seule volonté de détruire ce qui a été fait sans créer aucune opportunité pour les populations du Sahel. »
« Concernant ces drapeaux russes, je dois dire que je ne pense pas que cela est déjà diffusé au sein de la population, heureusement, et l’UE est engagée dans le combat contre la désinformation. La République tchèque est d’ailleurs particulièrement engagée dans ce combat parce qu’elle a l’expérience de la désinformation et de la propagande russe – et pour nous cela est très précieux. »
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