Thomas Ackermann, architecte allemand en République tchèque : « Je suis Pragois »
Thomas Ackermann est architecte de métier. Originaire de Bavière, il vit et travaille à Prague depuis les années 1990. Dans son bureau du septième arrondissement de Prague, il revient sur sa relation avec la République tchèque, ses destinations favorites en Bohême et les aspects passionnants de son métier.
Depuis combien de temps vivez-vous à Prague ?
« Je suis ici depuis 1993. Cela fait bientôt 28 ans. »
Aviez-vous une raison particulière de vous installer à Prague ?
« En fait, il y avait deux raisons. En 1993, j’étais dans une période où je voulais faire autre chose, comme probablement tout le monde à un moment de sa vie. Il y a eu un hasard, une annonce pour un poste d’architecte à Prague. J’ai candidaté et j’ai obtenu le poste. Et il y a une deuxième raison : j’ai un lien familial avec la Moravie, car ma mère est originaire de là-bas. »
Comment se sont passés vos débuts à Prague ? N’était-ce pas difficile de s’habituer à ces nouvelles conditions de vie ?
« Je suis originaire de Bavière, je viens de la région située entre Regensburg [Ratisbonne, ndlr] et Domažlice, Taus en allemand. Ce n’était pas un si grand changement, car la distance géographique n’est pas si importante. »
Vous avez grandi non loin de la frontière tchécoslovaque. Avez-vous des souvenirs de votre enfance pour l’époque précédant la chute du mur de Berlin ?
« Oui, j’ai de beaux souvenirs de mon enfance. J’allais à l’école en train, parce qu’il n’y avait pas de collège dans notre petite ville et nous devions aller dans le chef-lieu du district. On appelait le train « le Pragois ». C’était le train express qui allait de Prague à Nuremberg. C’était un vieux wagon, et au-dessus des sièges dans les compartiments, des photographies en noir et blanc étaient suspendues. Nous les avons toujours admirées, et nous pensions qu’il s’agissait de vieilles photographies du XIXe siècle. Quand nous les avons regardées de plus près, nous avons vu qu’il y avait sur les photos des voitures, qui se trouvaient sur des places de marché. Pour nous, c’était comme des images d’un autre monde, mais dans un sens positif. Nous trouvions cela très intéressant, presque passionnant. C’est un souvenir de la scolarité dans les années 1980. »
Êtes-vous allé à Prague avant la chute du mur de Berlin ou était-ce la première fois dans les années 1990 ?
« Oui, avant la chute du mur. Je suis allé au moins trois fois à Prague, entre 1984 et 1986 je crois. J’étais aussi à Prague en décembre 1989, lorsque Václav Havel a été élu président. Je me souviens des pancartes 'Havel na Hrad !' [« Havel au château », ndlr] qui étaient collées sur le piédestal de la statue de saint Venceslas. L’ambiance était folle, euphorique. »
Vous travaillez en tant qu’architecte. Nous sommes justement dans votre bureau qui se trouve dans un quartier autrefois appelé le « petit Berlin » (autour de la rue U Smaltovny, dans le quartier de Holešovice, ndlr). Est-ce un hasard ?
« Oui, c’est un hasard. Je ne l’ai découvert que plus tard, après avoir trouvé et acheté les pièces. Plus tard, nous avons vu que dans le coin, il y avait un café qui s’appelait 'Au petit Berlin'. »
Avez-vous des collègues tchèques ou sont-ils également originaires d’autres pays ?
« J’ai beaucoup de collègues tchèques, tous très sympathiques. Je suis content d’avoir une si bonne équipe. Nous avons aussi eu des demandes de renseignements pour un stage de la part d’un Allemand. Mais comme il ne maîtrisait pas la langue, c’était difficile. La condition essentielle est la langue. »
Vous parlez parfaitement tchèque. Comment avez-vous appris ?
« J’ai d’abord pris des cours de tchèque dans une école de langues qui se situe rue Národní. Après, j’allais chez un professeur qui me donnait des cours particuliers. »
Qu’ont en commun la République tchèque et la Bavière ?
« Avant tout la cuisine, je pense. La nourriture, les boissons, et bien sûr la bière et le schnaps. »
Y a-t-il une spécialité tchèque que vous aimez particulièrement ?
« J’adore les 'buchtičky' avec une sauce à la vanille. Je connais cela aussi de chez moi. Ma mère l’avait appris de ma grand-mère. C’est un super plat. »
Avez-vous encore des contacts en Moravie ? Des membres de votre famille ou des amis y habitent-ils encore, ou cela fait-il trop longtemps ?
« Oui, cela fait trop longtemps. Je n’ai plus de membres de ma famille là-bas avec qui je suis encore en contact. J’ai une anecdote à ce sujet : j’étais dans une banque à Prague, et la dame au guichet avait un badge avec le nom de jeune fille de ma mère dessus. Je lui ai demandé si elle était originaire de la région dont venait ma mère. Elle a dit oui. Je lui ai dit que ma mère avait le même nom. Elle m’a répondu 'je suis sûre que nous sommes liés'. Mais nous n’avons pas poursuivi plus loin la conversation. »
Au fil des années, vous avez dû bien apprendre à connaître la République tchèque. Y a-t-il des lieux et des régions que vous aimez particulièrement ?
« Depuis Prague, j’aime beaucoup faire des excursions dans le nord de la République tchèque : dans les hauts plateaux de Bohême ou dans le Paradis de Bohême, car je trouve les paysages magnifiques et il y a là-bas des endroits merveilleux. Le sud de Prague m’attire moins. Évidemment, on va à Slapy pour se baigner. Mais quand je veux faire de la randonnée, je vais dans le nord. Je pars pour plusieurs jours dans la Šumava également. Litomyšl est aussi joli. Quand j’ai plus de temps, je visite Olomouc et sa région. »
Y a-t-il en République tchèque quelque chose qui vous manque de la Bavière ?
« Oui, mes amis bavarois et ma famille me manquent. Je retourne assez souvent en Bavière, cela ne me pose pas de problème. »
Y a-t-il en République tchèque un lieu que vous ne connaissez pas encore mais que vous aimeriez visiter ?
« Pas vraiment. Comme je voyage beaucoup grâce à mes projets de construction, je connais pas mal d’endroits. Je suis allé plusieurs fois à Ostrava, à Frýdek-Místek et ailleurs. Lorsque je fais une pause, je cherche un petit café sympa. Il y en a un à Mohelnice où j’aime aller et que je recommande. »
En tant qu’architecte, quels bâtiments admirez-vous à Prague ?
« Le Rudolfinum. C’est un édifice très réussi. »
Vous sentez-vous Pragois aujourd’hui ?
« Oui, certainement. C’est chez moi, ici. Les 27 années passées ici jouent un rôle, mais il y a en plus le sentiment d’être chez moi ici, de faire partie des lieux. Je dirais que je suis Pragois. »